La chronique de notre Curé du 20 décembre 2020

Oui, c’est Noël qui nous sauve et pas l’inverse

En ce quatrième dimanche de l’Avent s’allume la dernière bougie de nos couronnes tandis les dernières cases du calendrier sont prêtes à s’ouvrir. Noël est proche. Noël est là. Mais sommes-nous  vraiment prêt le vivre ?

La première lecture de la Liturgie nous montre en ce jour, le dialogue de Nathan, le prophète, et de David (2 Sam 7.1-16). Le roi se sent prêt à construire une maison digne de Dieu… alors qu’il avait consacré ses énergies à établir son règne de façon bien humaine. Pourtant n’est-ce pas le Seigneur lui-même qui agit ? Le texte nous prévient : « Le Seigneur lui avait accordé la tranquillité… ». Nathan ne contrarie pas dans un premier temps le projet de temple de David. Seulement, « cette nuit-là, la parole du Seigneur fut adressée à Nathan : Va dire à mon serviteur David : Ainsi parle le Seigneur : Est-ce toi qui me bâtiras une maison pour Que j’y habite ? »

Et le Seigneur rappelle ses hauts faits dans la vie du roi avant de promettre : « Le Seigneur t’annonce qu’il te fera lui-même une maison ».

A propos de maison, cela me frappe cette année dans l’Évangile de Luc (1.26-38) : « En ce temps-là, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth… l’ange entra chez elle (Marie) et dit… ». Ici encore, c’est Dieu qui est à l’initiative et son messager même entre par la porte comme tout le monde. Enfin je l’imagine : quel intérêt de passer la fenêtre ? Ou de faire une apparition style hologramme ? Marie va déjà être assez bouleversée comme cela par le message qu’il vient lui délivrer !

Quand Dieu vient, il utilise la création et les médiations humaines. Quand il vient, c’est pour vivre une rencontre avec nous. Il aime et s’intéresse à nos pauvres personnes. Alors oui certains détails sont importants pour vivre la rencontre mais c’est elle qui demeure l’essentiel !

Sœur Cécile Renouard, philosophe et économiste partage : « Selon moi, Noël c’est le mystère de l’extraordinaire dans l’ordinaire. C’est Dieu qui se fait homme parmi les hommes, s’incarne et prend pour demeure la création tout entière pour nous inviter à prendre au sérieux tous les petits riens de la vie. C’est l’accueil du salut dans notre quotidien. A juste titre, le théologien Adolphe Gesché (UCL) parlait de la terre comme de la demeure du salut ».

A Noël, Marie et Joseph seront loin de leur maison, sans toit. C’est dans une grotte, à la crèche, que Jésus va faire son entrée dans le monde. Cette entrée dans le dénuement montre bien l’essentiel qui est celui de la rencontre entre Dieu et de notre humanité.

Sœur Cécile poursuit : « la naissance de Jésus dans des conditions précaires est signe d’une promesse de vie et d’un amour qui ne nous fera pas défaut. Comme la venue d’un nouveau-né dans une famille, Noël est une grande joie, un émerveillement… il s’agit aussi d’un mystère d’une hospitalité. La terre, notre terre meurtrie est fragile, accueille le Sauveur, L’Emmanuel, Dieu avec nous » (in la Vie 3928 p28-29).

Dans la vie de Marie et de Joseph, comme dans celle de David et de tant d’autres membres de l’histoire sainte, un désir, une hospitalité se sont fait jour pour permettre à la lumière divine, à la Parole de les rejoindre. En cette veille de Noël, comment nous sentons-nous ? Sommes-nous prêts ? Sommes-nous disponibles comme Marie ? Libres de fatigues, de craintes, de déceptions ?

Ce qui touche Marie au plus profond, ce ne sont pas des détails mais le sens de la salutation. Elle ne dit rien mais cela se voit. Son cœur parle au travers de ses traits, de son visage, de sa posture. « A cette parole, elle fut toute bouleversée et se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. »

Gabriel perçoit le trouble de la jeune femme et lui dit : « Soit sans crainte Marie car tu as trouvé grâce auprès de Dieu ».

Voilà, me semble-t-il une bonne piste, une clé pour accueillir Noël, cette année. L’accueillir comme tous les Noëls : il est unique. La grâce de Dieu est là, disponible, prête à nous être donnée. Comme Marie, osons un saut dans la confiance et l’espérance. « Marie dit à l’ange : Comment cela va-t-il se faire ?… » Son oui est simple et sans réserve. Préparons aussi le nôtre à Noël qui vient.

Autour de nous, circule le slogan : «  Il faut sauver Noël ! » Bien sûr, il n’y a pas à nier l’importance du commerce et fêtes de famille, réduits, contraints par la force des choses. Mais la Parole de Dieu ne peut-elle encore faire du neuf comme il y a plus de 2000 ans. « Rien n’est impossible à Dieu » affirme l’ange Gabriel après l’annonce de la fin de la stérilité d’Élisabeth. La fécondité, celle qui vient de Dieu, peut beaucoup, peut l’inattendu. Le messager ne s’appelle-il pas lui-même « la Force de Dieu » ?

Je sais que l’absence de célébrations et de messes qui rassemblent vous pèse comme elle me pèse.  Je voudrais vous partager la réflexion profonde et positive d’Isabelle Morel, théologienne (Institut catholique de Paris) : « la messe est fondamentale. Mais j’aime l’approche du frère François Casingena-Trévedy (moine de Ligugé déjà cité sur notre blog) qui se demande : comment faire comprendre que la messe n’épuise pas l’eucharistie ? Malgré la tendance actuelle, les deux mots ne sont pas synonymes. L’eucharistie, c’est rendre grâce à Dieu, donc le recevoir. La messe est le lieu d’excellence où se vit cette rencontre intime et ce de plusieurs manières : quand on se rassemble, quand on proclame l’Évangile, quand le prêtre nous accueille, quand il consacre le pain et le vin…mais cela n’épuise pas l’eucharistie ».

Nous retrouvons bien ici la dimension de l’hospitalité à vivre avec Dieu, à la messe et ailleurs. Dans son interview, Isabelle Morel poursuit : « qu’est-ce qui est essentiel pour nous et qu’est-ce qui fait l’essence de notre religion ? Noël, c’est Dieu qui vient habiter parmi nous, c’est la fête de la rencontre. Il n’y a pas d’autres religions où l’on croit que Dieu est autant Dieu qu’homme. Redécouvrir Noël, c’est revenir au sens de cette célébration… » (in la Vie 3928 p 26).

Terminer l’Avent et préparer Noël, même en 2020, est se rendre disponible pour une visite dans une sobriété retrouvée. Les plus grandes joies sont surprenantes : elles jaillissent de rien, sans crier gare ! Elles surgissent toujours dans la communion avec la nature, avec l’autre ou le Tout Autre.

Ne vivons pas ce Noël comme des punis, comme un jeûne imposé. Préparons-le dans le concret et la créativité… avec des petits « oui ». Une visite à la crèche de l’église, un évangile lu ensemble à la maison, un geste de solidarité, un tour des décos du village ou du quartier, une sortie même brève sous les étoiles, un coup de fil, une relecture de l’action de Valéry Giscard d’Estaing, un échange sur la mort de Maradona « le dieu vivant » ou le Brexit… autant d’occasions du quotidien à connotation religieuse ou non. Plus nous serons présents à nos existences, plus il sera aisé à la grâce de Noël de nous rejoindre. J’en suis sûr.

« L’amour du Seigneur, sans fin je le chante. Ta fidélité, je l’annonce d’âge en âge. Je le dis : c’est un amour bâti pour toujours. Ta fidélité est plus stable que les cieux. » (Ps 88).

Jean-Marc,

votre curé

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