Les origines
La première occupation du site de Spa a probablement été établie à une certaine hauteur au-dessus des terrains habituellement inondés lors des crues du Wayai. Il n’est donc pas étonnant qu’on ait découvert, plus haut que l’église, de rares vestiges gallo-romains datant des IIe et IIIe siècles de notre ère. Sur le même site, des tessons de poterie témoignent de l’existence d’une occupation médiévale qui remonterait au XIIe siècle. On peut penser qu’après les invasions des IVe et Ve siècles, un établissement humain stable a débuté ou s’est amplifié à l’époque des grands défrichements. Ces derniers ont été rendus possibles après la donation, en 915, de la forêt de Theux à l’Église de Liège qui l’a dégagée de son statut privilégié de forêt royale la soustrayant à l’usage général, avec interdiction aux habitants de défricher, chasser, pêcher. Ces défrichements se sont poursuivis entre les XIe et XIIIe siècles.
Au fil du temps, deux sites d’habitat, distincts mais proches, apparaissent : le premier sur les bords du ruisseau dit du Vieux-Spa et l’autre, à partir des XIIIe-XIVe s., le long du Wayai.
Vue de Spa par Pierriers, 1559, en deux volets ici réajustés. Les deux sites apparaissent clairement.
Les ressources principales des habitants sont la forêt, le fer, et plus tard les sources. Il est évident que la forêt joue un rôle essentiel, elle est le complément indispensable des activités agricoles et pastorales ; on cultive le seigle, on en retire le bois de chauffage et du bois d’œuvre, le bétail y trouve sa nourriture.
« Établi à une altitude de plus de 240 m, le terroir vallonné ne se prêta guère à une agriculture intensive. Par contre le minerai de fer trouvé en abondance fut à la base de l’essor de la région spadoise. Les bas-fourneaux furent construits dans la forêt aux abords des mines de fer à ciel ouvert. Quand la matière première était épuisée, on abandonnait le site pour construire ailleurs… L’exploitation des minières par le retournement des terres, le défrichement des forêts pour la production du charbon de bois et la construction des voies royales pour le charroi du fer ont créé un état de fait propice au développement de l’habitat. »
Le fer abondant permit, grâce au bois en quantité et au recours, comme force motrice, à l’énergie fournie par les cours d’eau, le développement d’une industrie métallurgique importante jusqu’au XVIIe siècle.
Enfin, on dénombre plus de 300 sources ferrugineuses ou « pouhons » qui vont être exploitées et, dès 1583, transportées en bouteille dans toute la Principauté et au-delà. Les qualités curatives de ces eaux seront à l’origine du développement du nouveau Spa et des cures thermales avec un apogée au XVIIIe s.
« Vilhe » de Creppe et « vilhe » de Spa

Au début du XIVe s., avant 1335, le ban de Spa est créé. Les archives « nous dévoilent deux agglomérations urbaines : la « vilhe de Creppe » (ci-dessus détail de la vue de Pierriers de 1559), située aux abords du confluent entre le Ru de Creppe et le Wayai (en bas à droite de la vue ci-dessus), puis la « vilhe de Spas ».
La première est en pleine expansion grâce à son industrie sidérurgique. L’autre, naissante, se forme autour de la source d’eau minérale située sur la rive droite de la rivière appelée Wayai. C’est dans les environs de cette source qu’en 1326, le sieur Collin Leloup de Breda acquit du Prince des bois destinés à servir de combustible pour une forge qu’il veut faire construire. Cette concession est à l’origine du bourg de Spa. Ces deux terroirs séparés par le ruisseau de Barisart seront appelés au XVIIe s. le Vieux-Spa et le Nouveau-Spa.
« Le Nouveau-Spa prit son véritable essor au XVIe s. La construction des maisons et auberges par les marchands de fer et l’infrastructure routière due à la sidérurgie favorisèrent cette expansion. Toutefois, les archives des XVe et XVIe s. démontrent qu’une seule famille possédait la plupart des terres de la rive droite. »
La situation religieuse
Jusqu’au XIe-XIIe s., le site de Spa fait partie du domaine de Theux devenu paroisse au moins depuis fin VIIIe siècle. C’est l’abbaye de Stavelot qui nomme le desservant et perçoit les dîmes.
Par suite des défrichements, l’accroissement des lieux d’habitation conduisit nécessairement à multiplier églises et paroisses. A la fin du Xe ou au début du XIe s., une nouvelle paroisse, celle de Sart, est créée par démembrement de celle de Theux. Spa est rattaché à la paroisse de Sart. On a tenu compte des obstacles naturels. En effet, si Spa – le Vieux Spa – est plus proche de Theux que de Sart, pour venir à Theux, il faut franchir le Wayai et la forêt du Staneux, vaste étendue sauvage et donc dangereuse.
Au fil du temps, l’augmentation du nombre d’habitants ainsi que les difficiles communications avec Sart, surtout l’hiver, vont entrainer la construction d’un oratoire à Spa. Ainsi, au plus tard au XVe s., les habitants vont choisir et payer un prêtre pour assurer, avec l’accord du curé de Sart, la messe le dimanche et aux grandes fêtes.
« Cependant les habitants de Spa étaient toujours tenus de passer les actes essentiels de leur vie de chrétien devant le seul curé de Sart : baptême, mariage, enterrements se faisaient à Sart ; le chemin qui y conduisait, parallèle à l’actuelle route du Lac, se nomme encore « Chemin des morts » ; il fallait également s’y déplacer pour les confessions et communions pascales, et, au début, seul le curé de Sart pouvait administrer l’Extrême-Onction et le Viatique. Mais cette situation posait bien des problèmes car la préoccupation des Spadois était de recevoir à temps les premier et derniers sacrements, gages d’éternité. Aussi, à une date qu’on ne peut préciser mais antérieure à 1531, année où est cité le cimetière, le chapelain de Spa obtint-il la permission de donner les derniers sacrements et d’enterrer les morts. »
Le Concile de Trente, achevé en 1563, autorisant les évêques à créer de nouvelles paroisses, Spa devint paroisse en 1573 par suite du démembrement de celle de Sart.
La première chapelle
Une chapelle « est citée pour la première fois en 1439 dans un acte de la cour de justice locale ; on l’appelle alors église. » Elle est visible sur un dessin de 1559 (ci-dessus à gauche) et sur un autre, dû à Valdor, en 1603 (ci-dessus à droite) qui montre bien sa transformation.
En 1559, on dénombre sur un dessin environ 70 habitations à Spa ; en 1576, 140 feux sont recensés.
La chapelle, orientée vers l’est, est située sur l’éminence, au centre du village, à quelques pas de la source d’eau minérale. Elle est entourée d’un jardin clos, le premier cimetière de Spa, entouré d’une muraille à peu près circulaire percée de deux portes. Une petite tour carrée, surmontée d’une flèche et terminée par une croix, prolonge le pignon ouest et sort de la toiture de la nef. En 1587, on ouvre un mur du bâtiment pour adjoindre une chapelle avec les fonts baptismaux.
De la chapelle à l’église
D’autres modifications seront apportées jusqu’au début du XVIIe s. où un dessin de Brueghel en 1612 (voir ci-dessous) nous montre la tour garnie d’un cadran d’horloge. Le chevet et la nef de l’ancienne chapelle sont incorporés dans la nouvelle construction agrandie et rehaussée de toutes parts. Cette vue nous montre l’église encore imparfaite ; une partie de la nef et d’un bas-côté attendent encore d’être surélevés. Le style est encore roman.

En 1719, des projets de destruction et reconstruction se précisent, c’est que la mode a changé. Une série de grands travaux vont aboutir à une nouvelle église vers le milieu du XVIIIe s. On peut s’en rendre compte sur ce détail (voir ci-contre) d’une vue de Wilkin réalisée en 1772. Les nombreuses transformations en font une église de style Louis XIV.

À la même place, une nouvelle église sera construite à partir de 1883 et consacrée en 1886. Ci-dessous, ancienne église photographiée avant 1883.

Abbé Marcel Villers
Sur tout ceci, voir : Georges HEUSE, La région spadoise au Moyen Âge, Spa, 2010 ; Paul BERTHOLET, Quatre siècles de vie paroissiale à Spa. 1574-1974, Spa, 1974.