HOMELIE PASCALE : Il n’y rien à faire

Dimanche de Pâques. Theux. 9 avril 2023

Que la grâce et la paix de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus, soient toujours avec vous.

En ce jour très saint, nous proclamons que Jésus est passé de la mort à la vie, de la nuit du tombeau à la lumière du royaume.
Il est ressuscité, il s’est relevé, il est le Vivant, le Vainqueur de la mort.

C’est aujourd’hui la fête du Grand Passage, de la Pâque : le Christ a ouvert une brèche dans le mur de la Mort.
Il est passé. Il est le premier.
Suivons-le, il nous conduit dans le Royaume du Père éternel.

Le Cierge pascal symbolise le Christ debout, élevé par le Père. Comme ce cierge, le Christ est Lumière. Il éclaire et donne sens à la marche des hommes : nous sommes faits pour la lumière et non les ténèbres, pour la vie et non pour la mort.

Et cela nous engage à la suite de Jésus.
La mémoire de sa Résurrection fonde l’engagement chrétien et sa puissance critique à l’égard de tout ce qui écrase ou humilie l’être humain. En effet, la résurrection de Jésus est le retournement par Dieu du jugement des hommes.
Le crucifié est reconnu comme le juste assassiné.
Ainsi Dieu prend parti pour l’exclu, le rejeté, l’écrasé et l’humilié. Voilà qui donne son caractère subversif à la mémoire chrétienne. Elle met en péril l’assurance des puissants, des installés et brise l’enchantement de la pensée dominante.

Il n’y a plus rien à faire…
Son ami, son maître est mort. Elle l’a vu agoniser sur une croix, elle l’a enseveli dans le tombeau. Mais le plus dur à vivre, c’est le lendemain, lorsque l’absence se fait si lourde à porter. A jamais faudra-t-il vivre sans le voir, sans le toucher, sans sa présence ? Nous avons tous connu ce sentiment de vide après la mort d’un être aimé.

 Il n’y a plus rien à faire…
Sauf peut-être aller encore une fois sur la tombe de l’aimé, s’y recueillir, prier, et surtout se replonger dans les souvenirs, se laisser aller à la nostalgie d’un temps qui n’est plus. Ainsi, « de grand matin, alors qu’il fait encore sombre » – dans son cœur comme dans la ville – Marie-Madeleine se met en route et se rend au tombeau.

Il n’y a plus rien à faire…
Combien de fois avons-nous entendu ou prononcé nous-mêmes cette parole qui peut n’être qu’un constat ou l’expression d’un découragement, pire d’un désespoir !

Il n’y a plus rien à faire…
quand nous avons l’impression d’être pris dans un engrenage inexorable, pris dans des événements qui nous échappent : catastrophes climatiques, migrants et réfugiés laissés à la rue, hausses des prix et afflux aux restos du cœur ou des Saint-Vincent-de-Paul.

 Que faire ? « Que voulez-vous qu’on fasse ? Il n’y a rien à faire. » Voilà ce que nous répétons si souvent.
Il nous arrive si facilement de baisser les bras, tant il paraît surhumain de briser ces engrenages, de faire reculer les limites du possible.

Et pourtant.
C’est dans ce : « et, pourtant » que réside la capacité d’action de notre foi en la résurrection. Le dernier mot n’est pas « il n’y a rien à faire » car ce matin-là, la pierre a été enlevée du tombeau.

Proclamer que le Christ est ressuscité, ce n’est pas énoncer un fait du passé, c’est prendre un engagement dans l’aujourd’hui. C’est refuser le « il n’y a rien à faire ». C’est s’opposer à tout ce qui entrave l’homme. C’est défendre l’autre, écrasé ou opprimé. C’est accepter de toujours recommencer. C’est ne jamais céder au découragement. C’est croire que l’avenir est ouvert. C’est prendre des chemins nouveaux.
La résurrection est un principe d’action.

Le soleil se lève et roule la pierre qui scellait nos tombeaux.

Abbé Marcel Villers

Homélie pour l’Office du Vendredi Saint à La Reid – 7 avril 2023 (Jn 18, 1-19.42)

Ce soir, je voudrais m’arrêter plus spécialement sur trois acteurs qui interviennent dans le récit de la Passion de Jésus que nous venons d’écouter.

Le premier, c’est Judas. Le traître, dit-on. De fait, son portrait n’est guère reluisant. Mais l’idée négative que nous pouvons en faire est-elle tout-à-fait justifiée ? Bien sûr, il a « vendu » Jésus aux Pharisiens. Cependant, il peut être étonnant que Judas ait suivi Jésus autant de temps pour en arriver à le livrer ? Ne pouvait-il tout simplement se désolidariser des disciples de Jésus et vivre sa vie sans plus s’en inquiéter ?

Rappelons-nous que les semaines et les jours qui précèdent la montée de Jésus vers Jérusalem, celui réalise de nombreux signes, de nombreux « miracles » qui suscitent à chaque fois la même question de la part des Pharisiens : « Par quelle autorité agis-tu ? Pour qui te prends-tu ? Donne-nous un signe éclatant pour que nous n’ayons plus de doute ! ». Jésus n’a jamais répondu à cette sollicitation. Judas n’aurait-il pas voulu provoquer Jésus dans ces circonstances dramatiques, se disant qu’il allait bien devoir se révéler, enfin, au grand jour ? Bien sûr, ceci n’est qu’une hypothèse.

Mais, moi-même, est-ce qu’il ne m’arrive pas de « provoquer » Dieu dans ma prière, en espérant qu’il va se révéler à moi comme je voudrais qu’il soit ?

Le deuxième, c’est Pierre qui renie Jésus, par trois fois. Pierre est confronté à une situation délicate, déstabilisante, voire inattendue : c’est trop fort pour lui. Alors, il dit « Je ne suis pas de ceux-là ; je ne le connais pas ».

Moi-même, confronté à l’affirmation de ma foi, ne m’arrive-t-il pas, comme Pierre, de renier Jésus d’une manière ou d’une autre, par peur ou pour toute autre raison ?

Et enfin le troisième, c’est Pilate. On le sent intrigué par Jésus, on pourrait même penser qu’il a de la sympathie pour lui. Il entretient un dialogue avec Jésus qui le met en question ; le gouverneur tente de le faire échapper à ses bourreaux. Mais, la pression de la foule et l’argument ultime des Juifs : « si tu le reconnais comme roi, tu deviens l’ennemi de l’empereur ! » convainquent Pilate de « se laver les mains de cette affaire » et de livrer Jésus.

Ne pourrait-il m’arriver comme Pilate de privilégier mes intérêts, autorité, pouvoir … et de « livrer Jésus », de l’abandonner moi aussi ?

Et ainsi Jésus finira sur une croix, entre deux malfaiteurs, « devenu ce serviteur si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme, frappé, meurtri, humilié, dépouillé … » (Isaïe 52, 13-53,12).

Sur cette croix , Jésus aura pourtant cette parole : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! »

Quoiqu’il en soit, « Mon serviteur réussira » dit encore Isaïe…  Et en effet, nous savons que Jésus est vainqueur du mal, qu’il est passé par la mort, qu’il est ressuscité et toujours vivant !

Il emmène à sa suite vers le Royaume éternel les pécheurs pardonnés que nous sommes.

Jacques Delcour, dp

 

HOMÉLIES D’AVENT THEUX 2022

1er Dimanche de l’Avent. Mt 24, 37-44. Theux. 2022

« Les gens ne se sont doutés de rien. Le déluge les a tous engloutis. »
Beaucoup aujourd’hui ont le sentiment qu’un véritable déluge menace l’humanité. Catastrophes climatiques et l’angoisse générée, la covid et la peur qui s’en suit, la guerre pas loin de chez nous et son cortège de mort et de haine, les scandales des abus et la désertion de nos églises, tout nous pousse à la morosité, au découragement, à redouter la fin. L’avenir paraît bouché. Les rêves sont morts. Aucune étoile à l’horizon.

Aujourd’hui, un impératif nous est adressé : « Rejetez les activités des ténèbres, revêtez-vous pour le combat de la lumière. » Oui, la lumière est un combat. Combat contre les ténèbres, celles des cœurs, celles du monde extérieur, celles du péché qui noircit même l’Église. Combat contre nos limites et nos découragements.
C’est qu’une bonne nouvelle éclate au cœur de cette noirceur et déprime. « L’heure est venue. Réveillez-vous. Tenez-vous prêts. » Il vient, le Seigneur. Et bientôt. Alors l’espoir renaît. Un autre monde est possible.

« Les jours de Noé » étaient aussi promesse d’un nouveau commencement, d’une nouvelle création, promesse de renaissance. Comme le déluge, la venue du Christ est une fin et un commencement : la fin d’un monde et l’inauguration d’un nouveau, « le monde d’après ». Le temps de la déprime et de l’angoisse cède la place à l’espérance, l’attente d’une venue. C’est tout le sens de l’Avent.
A l’autre bout du temps, réveillons la mémoire des commencements, ceux de notre première rencontre avec le Seigneur lorsqu’il est venu à nous. Retournons dans cette Galilée où nous avons entendu la voix du Seigneur : « Suis-moi ». Alors nous pourrons retrouver, écrit le pape, la joie perdue. Retrouver la joie des commencements, la confiance, voilà ce que nous attendons. Voilà qui déjà chasse pessimisme et résignation.

L’Église, elle-même, doit aussi revenir aux sources du premier amour, redécouvrir qu’elle est riche en Jésus et pauvre en moyens, et retrouver la joie de l’Évangile. Une Église qui a perdu la joie, a perdu le Seigneur et sa Bonne nouvelle. Elle cesse alors d’être crédible. Notre évêque vient de nous adresser une lettre pastorale qui nous invite à élargir l’espace de notre tente, càd, élargir nos horizons, rénover notre Église, nous ancrer dans la foi pour nous mettre ensemble en marche.
L’Avent comme Noël est le temps d’une nouvelle naissance. Celle de Jésus dans la chair, celle de l’Église dans ses formes, la nôtre dans l’esprit.

2e Avent.  Mt 3,1-12. Theux. 04-12-2022.

« Convertissez-vous, car le royaume des cieux est tout proche ».
Deuxième étape de notre marche vers Noël. Après l’interprétation des signes des temps, vient la conversion, le changement de cap aussi bien pour les personnes que pour les institutions.
« Produisez du fruit digne de la conversion. »
C’est ce que Jean XXIII a voulu pour l’Église : ouvrir les fenêtres et aérer l’Église, alors renfermée et sûre d’elle-même. Aggiornamento, disait-il. L’image a été efficace pour donner sens à ce grand chambardement que fut le Concile : mise à jour, réforme, renouveau de l’Église dans ses objectifs et ses structures. Les questions essentielles, aujourd’hui comme hier, sont toujours les mêmes, aussi bien pour chacun de nous que pour l’Église, dans son ensemble et son organisation : quelle est notre mission et comment se situer dans la société ?

A l’époque, il y a seulement 60 ans, l’Église se concevait comme une citadelle, une forteresse, gardienne du trésor de la foi. La conversion fut dans la sortie, dans le mouvement vers le monde, dans le partage des joies et des espoirs, des angoisses et des tristesses des hommes.
Aujourd’hui, nous nous retrouvons, du moins en Europe, avec une Église vidée, suspectée et marginalisée dans l’espace social. Il n’y a plus de forteresse, de murs de défense, mais une Église liquéfiée dont la tentation est le repli sur soi, le retour dans un enclos protecteur.

C’est à nouveau l’heure de la conversion, de la réforme, de la sortie. C’est ce que nous propose le chemin de la synodalité mis en œuvre en vue du grand synode de 2023. Débat, échanges, prises de parole, chacun a été sollicité, quelques-uns ont participé ; occasion de remercier celles et ceux qui ont été partie prenante et ont cru à la possibilité du changement, de la réforme. De cette vaste agora et du discernement opéré, dans le diocèse comme dans la plupart des continents, de multiples rapports témoignent de la conversion nécessaire aujourd’hui.

Un grand désir se dégage, à l’échelle de la Belgique en tous cas, celui d’une Église moins cléricale. Personne n’est seigneur et maître dans l’Église. En découle, constate le cardinal De Kesel, « la grande importance de l’écoute de chacun et de la concertation avant de décider. La collégialité et la synodalité sont le juste chemin à suivre dans la manière avec laquelle les tâches sont partagées et l’autorité exercée dans l’Église. » Marcher ensemble, mais en lien étroit avec le monde où nous sommes appelés « à être signes de l’amour de Dieu. »

Mutation de l’Église va de pair avec conversion personnelle. Pas l’un sans l’autre.

3ème Avent. Mt 11, 2-11. Theux 2022

« Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? »  Lorsque l’on est au fond du trou, écrasé par la maladie ou les difficultés de l’existence, lorsque l’on se retrouve seul, abandonné, lorsqu’il n’y a plus d’issue visible, reste à attendre le Messie, dit-on. Ce personnage mystérieux, tout-puissant, capable d’inverser le cours des choses et de nous sortir du trou.
Est-ce que Jésus correspond à cette attente ?

Le grand Pascal résume bien les choses : « Il est venu dans le temps prédit, mais non pas avec l’éclat attendu, et ainsi ils n’ont pas pensé que c’était lui. » En effet, un enfant, comme celui de Bethléem, peut-il changer le monde ?
Au lieu du Messie qui fait venir le ciel sur la terre, Jésus s’inscrit profondément dans notre condition humaine, fragile et limitée. Jésus, s’il est le Messie, le Sauveur, inverse l’image que s’en font les hommes. Ce qui oblige à une radicale conversion de notre attente, de notre espérance.

Le temps de l’Avent reste cependant celui du désir, de l’attente d’un monde neuf, le temps de l’espérance et de la joie. Mais pas de miracle, de baguette magique.
La démarche synodale, vécue au début de cette année, a révélé en particulier une forte attente, celle d’une Église qui retrouve sa vigueur et la jeunesse. La transmission de la foi aux générations suivantes est le grand défi avec l’absence des jeunes, qui en est une conséquence. Cette absence nous renvoie au vrai problème : que signifions-nous en tant qu’Église pour cette jeunesse et pour la société ?

Aujourd’hui, dans un monde où s’effacent les références chrétiennes, les disciples de Jésus se trouvent, de fait, enfouis au coeur des masses et dans le concert des convictions et religions. Les chrétiens réduits à quelques-uns et disséminés dans l’espace pluriel de notre société, ont à se rassembler en petites fraternités attirant à elles par la qualité fraternelle de leur vie, leur hospitalité et leur sens du service.

Autour de nous, l’organisation en paroisses avec chacune son curé a laissé place à une sorte d’archipel fait de quelques îlots où vivent des chrétiens, un petit reste menacé de disparition s’il vit isolé. Ils ont besoin de lieux et de temps « sources », de petites communautés de foi vivantes réunies autour de la parole de Dieu et de sa saveur eucharistique, des groupes de partage où l’on relit sa vie à la lumière de la foi. Bref de petites fraternités où se nourrir et partager sa foi.

L’avenir de l’Église comme de la foi ne peut être que la fraternité.

4ème Avent  Mt 1, 18-24. Theux 2022

« La vierge concevra et mettra au monde un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel qui se traduit : Dieu-avec-nous ».
Dieu vient habiter parmi les hommes. En Jésus, Dieu est désormais avec nous. Cet enfant que porte Marie, c’est la promesse qui se réalise. Toute l’attente des siècles et des peuples se concrétise : un enfant nous est donné. Jésus est la Bonne Nouvelle promise. Marie et Joseph nous l’ont donné, à nous de le donner au monde, lui le Sauveur.

Faire connaître Jésus, tel est le grand désir du chrétien. Pour s’en rendre capable, il doit partager la vie et entrer dans la culture de l’autre, devenir son ami, un compagnon. « Ce sont l’amitié et la solidarité qui évangélisent », écrit le cardinal. Il s’agit d’appliquer la méthode de Jésus qui nous a apporté l’Évangile en partageant notre existence. « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. » De même l’Église, le chrétien, ne peut annoncer l’Évangile qu’en partageant le sort des hommes, allant à leur rencontre avec respect et douceur.

Pour témoigner de l’Évangile, douceur et respect qualifient la manière dont l’Église se  présente dans la société. Mais aussi la manière dont vivent entre eux les membres de l’Église. Pour le cardinal, « le processus synodal a été un sérieux apprentissage : s’approcher les uns des autres avec respect et douceur et s’écouter mutuellement. S’intéresser à autrui et à ce qu’il a à dire ou vit. Cela n’exclut pas la différence d’opinion et la discussion, mais avec respect et amour. »

La mission des chrétiens est d’allumer « des lumières d’espérance au milieu des ténèbres, de témoigner de l’Évangile de la joie et construire un monde plus fraternel, d’aller, écrit le pape François, « dans les angles cachés, obscurs des villes où prolifère une pauvreté rejetée. Ne fuyons pas pour nous défendre de l’histoire, mais luttons pour donner à cette histoire un visage différent ».

Alors, naît l’espérance de Noël, celle d’un monde plus humain et fraternel.

Abbé Marcel Villers
Theux, décembre 2022

Toussaint : le désir ou l’exploit

Homélie de la fête de Toussaint. Theux 2022

A-t-on jamais proféré plus invraisemblable appel à la joie ? C’est au cœur d’une situation de malheur, au cœur de la pauvreté, de l’affliction, de la persécution que Jésus situe la joie. « Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse ! »

Toutes ces situations que nous considérons comme néfastes et que nous nous efforçons d’éliminer ou fuir, les voilà célébrées par Jésus. Personne n’a ainsi chanté la pauvreté, la faim, les larmes. Personne n’en a jamais fait le chemin du bonheur.

Nous butons sur les béatitudes.

Il ne faut pas avoir lu Marx pour demander à qui profite cette religion qui console les opprimés par l’espoir d’une récompense éternelle.

Éloge des faibles et des impuissants, les Béatitudes semblent encourager la résignation et à supporter malheurs et souffrances.

Exaltation de l’homme écrasé et abaissé, les Béatitudes paraissent une morale pour esclaves. On n’échappe pas à de telles pensées lorsqu’on entend cet hymne à la joie proféré par Jésus.

Et pourtant, elles constituent le joyau de l’Évangile et indiquent un chemin, celui du devenir disciple de Jésus. C’est pourquoi d’ailleurs nous les proclamons en ce jour où nous fêtons tous les saints. Elles nous révèlent ce qui fait un saint, une sainte. Non un programme d’actions à accomplir, encore moins d’exploits à réaliser.

Mais un désir. Un désir sans cesse aiguisé et qui creuse au cœur de l’homme comme un gouffre, un vide, une sorte d’appel d’air.

Les Béatitudes nous disent que ni les richesses, ni la force, ni le pouvoir, ni les plaisirs ne peuvent combler ce vide que Dieu creuse en nous.

« Heureux les pauvres de cœur », ceux que rien ne rassasie et qui sont toujours en manque car rien ne vient les satisfaire.

Le saint vit les béatitudes, il veille à cultiver le désir, cette béance grande ouverte au cœur de l’homme qui cherche Dieu. Voilà ce que Jésus nomme le bonheur, la béatitude.

Nous sommes aux antipodes de notre vision spontanée du bonheur que nous concevons plutôt en termes de satisfaction et d’assouvissement. Nous sommes bien les enfants d’une société de consommation ! Pour nous, être heureux, c’est être rassasié.

Jésus, lui, prêche l’insatisfaction. Il proclame heureux les êtres de désir, les affamés, les inconsolés. Bienheureux les pauvres, ceux qui ont faim et soif, les insatisfaits, les inconsolables ! La sainteté n’est pas dans l’exploit, elle est dans le désir.

Voilà pourquoi ce n’est pas la sérénité qui caractérise la vie chrétienne, mais l’amour. C’est que l’amour est plus proche de la passion et du désir. Et puis, l’amour n’est jamais rassasié, il est toujours insatisfait car on n’en a jamais fini d’aimer. Qu’est-ce que la mort pour le croyant ? Une plongée dans cet océan d’amour qu’est notre Dieu. Nos défunts, nos chers disparus sont comblés, enfin. Ils ont trouvé celui qui seul peut rassasier le cœur humain. Enfin, ils reposent en paix.

Abbé Marcel Villers