1er Dimanche de l’Avent. Mt 24, 37-44. Theux. 2022
« Les gens ne se sont doutés de rien. Le déluge les a tous engloutis. »
Beaucoup aujourd’hui ont le sentiment qu’un véritable déluge menace l’humanité. Catastrophes climatiques et l’angoisse générée, la covid et la peur qui s’en suit, la guerre pas loin de chez nous et son cortège de mort et de haine, les scandales des abus et la désertion de nos églises, tout nous pousse à la morosité, au découragement, à redouter la fin. L’avenir paraît bouché. Les rêves sont morts. Aucune étoile à l’horizon.
Aujourd’hui, un impératif nous est adressé : « Rejetez les activités des ténèbres, revêtez-vous pour le combat de la lumière. » Oui, la lumière est un combat. Combat contre les ténèbres, celles des cœurs, celles du monde extérieur, celles du péché qui noircit même l’Église. Combat contre nos limites et nos découragements.
C’est qu’une bonne nouvelle éclate au cœur de cette noirceur et déprime. « L’heure est venue. Réveillez-vous. Tenez-vous prêts. » Il vient, le Seigneur. Et bientôt. Alors l’espoir renaît. Un autre monde est possible.
« Les jours de Noé » étaient aussi promesse d’un nouveau commencement, d’une nouvelle création, promesse de renaissance. Comme le déluge, la venue du Christ est une fin et un commencement : la fin d’un monde et l’inauguration d’un nouveau, « le monde d’après ». Le temps de la déprime et de l’angoisse cède la place à l’espérance, l’attente d’une venue. C’est tout le sens de l’Avent.
A l’autre bout du temps, réveillons la mémoire des commencements, ceux de notre première rencontre avec le Seigneur lorsqu’il est venu à nous. Retournons dans cette Galilée où nous avons entendu la voix du Seigneur : « Suis-moi ». Alors nous pourrons retrouver, écrit le pape, la joie perdue. Retrouver la joie des commencements, la confiance, voilà ce que nous attendons. Voilà qui déjà chasse pessimisme et résignation.
L’Église, elle-même, doit aussi revenir aux sources du premier amour, redécouvrir qu’elle est riche en Jésus et pauvre en moyens, et retrouver la joie de l’Évangile. Une Église qui a perdu la joie, a perdu le Seigneur et sa Bonne nouvelle. Elle cesse alors d’être crédible. Notre évêque vient de nous adresser une lettre pastorale qui nous invite à élargir l’espace de notre tente, càd, élargir nos horizons, rénover notre Église, nous ancrer dans la foi pour nous mettre ensemble en marche.
L’Avent comme Noël est le temps d’une nouvelle naissance. Celle de Jésus dans la chair, celle de l’Église dans ses formes, la nôtre dans l’esprit.
2e Avent. Mt 3,1-12. Theux. 04-12-2022.
« Convertissez-vous, car le royaume des cieux est tout proche ».
Deuxième étape de notre marche vers Noël. Après l’interprétation des signes des temps, vient la conversion, le changement de cap aussi bien pour les personnes que pour les institutions.
« Produisez du fruit digne de la conversion. »
C’est ce que Jean XXIII a voulu pour l’Église : ouvrir les fenêtres et aérer l’Église, alors renfermée et sûre d’elle-même. Aggiornamento, disait-il. L’image a été efficace pour donner sens à ce grand chambardement que fut le Concile : mise à jour, réforme, renouveau de l’Église dans ses objectifs et ses structures. Les questions essentielles, aujourd’hui comme hier, sont toujours les mêmes, aussi bien pour chacun de nous que pour l’Église, dans son ensemble et son organisation : quelle est notre mission et comment se situer dans la société ?
A l’époque, il y a seulement 60 ans, l’Église se concevait comme une citadelle, une forteresse, gardienne du trésor de la foi. La conversion fut dans la sortie, dans le mouvement vers le monde, dans le partage des joies et des espoirs, des angoisses et des tristesses des hommes.
Aujourd’hui, nous nous retrouvons, du moins en Europe, avec une Église vidée, suspectée et marginalisée dans l’espace social. Il n’y a plus de forteresse, de murs de défense, mais une Église liquéfiée dont la tentation est le repli sur soi, le retour dans un enclos protecteur.
C’est à nouveau l’heure de la conversion, de la réforme, de la sortie. C’est ce que nous propose le chemin de la synodalité mis en œuvre en vue du grand synode de 2023. Débat, échanges, prises de parole, chacun a été sollicité, quelques-uns ont participé ; occasion de remercier celles et ceux qui ont été partie prenante et ont cru à la possibilité du changement, de la réforme. De cette vaste agora et du discernement opéré, dans le diocèse comme dans la plupart des continents, de multiples rapports témoignent de la conversion nécessaire aujourd’hui.
Un grand désir se dégage, à l’échelle de la Belgique en tous cas, celui d’une Église moins cléricale. Personne n’est seigneur et maître dans l’Église. En découle, constate le cardinal De Kesel, « la grande importance de l’écoute de chacun et de la concertation avant de décider. La collégialité et la synodalité sont le juste chemin à suivre dans la manière avec laquelle les tâches sont partagées et l’autorité exercée dans l’Église. » Marcher ensemble, mais en lien étroit avec le monde où nous sommes appelés « à être signes de l’amour de Dieu. »
Mutation de l’Église va de pair avec conversion personnelle. Pas l’un sans l’autre.
3ème Avent. Mt 11, 2-11. Theux 2022
« Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » Lorsque l’on est au fond du trou, écrasé par la maladie ou les difficultés de l’existence, lorsque l’on se retrouve seul, abandonné, lorsqu’il n’y a plus d’issue visible, reste à attendre le Messie, dit-on. Ce personnage mystérieux, tout-puissant, capable d’inverser le cours des choses et de nous sortir du trou.
Est-ce que Jésus correspond à cette attente ?
Le grand Pascal résume bien les choses : « Il est venu dans le temps prédit, mais non pas avec l’éclat attendu, et ainsi ils n’ont pas pensé que c’était lui. » En effet, un enfant, comme celui de Bethléem, peut-il changer le monde ?
Au lieu du Messie qui fait venir le ciel sur la terre, Jésus s’inscrit profondément dans notre condition humaine, fragile et limitée. Jésus, s’il est le Messie, le Sauveur, inverse l’image que s’en font les hommes. Ce qui oblige à une radicale conversion de notre attente, de notre espérance.
Le temps de l’Avent reste cependant celui du désir, de l’attente d’un monde neuf, le temps de l’espérance et de la joie. Mais pas de miracle, de baguette magique.
La démarche synodale, vécue au début de cette année, a révélé en particulier une forte attente, celle d’une Église qui retrouve sa vigueur et la jeunesse. La transmission de la foi aux générations suivantes est le grand défi avec l’absence des jeunes, qui en est une conséquence. Cette absence nous renvoie au vrai problème : que signifions-nous en tant qu’Église pour cette jeunesse et pour la société ?
Aujourd’hui, dans un monde où s’effacent les références chrétiennes, les disciples de Jésus se trouvent, de fait, enfouis au coeur des masses et dans le concert des convictions et religions. Les chrétiens réduits à quelques-uns et disséminés dans l’espace pluriel de notre société, ont à se rassembler en petites fraternités attirant à elles par la qualité fraternelle de leur vie, leur hospitalité et leur sens du service.
Autour de nous, l’organisation en paroisses avec chacune son curé a laissé place à une sorte d’archipel fait de quelques îlots où vivent des chrétiens, un petit reste menacé de disparition s’il vit isolé. Ils ont besoin de lieux et de temps « sources », de petites communautés de foi vivantes réunies autour de la parole de Dieu et de sa saveur eucharistique, des groupes de partage où l’on relit sa vie à la lumière de la foi. Bref de petites fraternités où se nourrir et partager sa foi.
L’avenir de l’Église comme de la foi ne peut être que la fraternité.
4ème Avent Mt 1, 18-24. Theux 2022
« La vierge concevra et mettra au monde un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel qui se traduit : Dieu-avec-nous ».
Dieu vient habiter parmi les hommes. En Jésus, Dieu est désormais avec nous. Cet enfant que porte Marie, c’est la promesse qui se réalise. Toute l’attente des siècles et des peuples se concrétise : un enfant nous est donné. Jésus est la Bonne Nouvelle promise. Marie et Joseph nous l’ont donné, à nous de le donner au monde, lui le Sauveur.
Faire connaître Jésus, tel est le grand désir du chrétien. Pour s’en rendre capable, il doit partager la vie et entrer dans la culture de l’autre, devenir son ami, un compagnon. « Ce sont l’amitié et la solidarité qui évangélisent », écrit le cardinal. Il s’agit d’appliquer la méthode de Jésus qui nous a apporté l’Évangile en partageant notre existence. « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. » De même l’Église, le chrétien, ne peut annoncer l’Évangile qu’en partageant le sort des hommes, allant à leur rencontre avec respect et douceur.
Pour témoigner de l’Évangile, douceur et respect qualifient la manière dont l’Église se présente dans la société. Mais aussi la manière dont vivent entre eux les membres de l’Église. Pour le cardinal, « le processus synodal a été un sérieux apprentissage : s’approcher les uns des autres avec respect et douceur et s’écouter mutuellement. S’intéresser à autrui et à ce qu’il a à dire ou vit. Cela n’exclut pas la différence d’opinion et la discussion, mais avec respect et amour. »
La mission des chrétiens est d’allumer « des lumières d’espérance au milieu des ténèbres, de témoigner de l’Évangile de la joie et construire un monde plus fraternel, d’aller, écrit le pape François, « dans les angles cachés, obscurs des villes où prolifère une pauvreté rejetée. Ne fuyons pas pour nous défendre de l’histoire, mais luttons pour donner à cette histoire un visage différent ».
Alors, naît l’espérance de Noël, celle d’un monde plus humain et fraternel.
Abbé Marcel Villers
Theux, décembre 2022
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