45. Le combat de l’Église contre l’ignorance – XVIe-XVIIIe siècles

Dans le conflit entre deux versions, catholique et protestante, de la foi chrétienne, chacun est amené à se situer en connaissance de cause. Le savoir est un moyen de se définir. « D’où la signification nouvelle de l’éducation, lutte contre l’ignorance, instrument de cohésion dans une campagne pour maintenir ou restaurer l’unité. » L’Église catholique va se lancer dans une véritable campagne pédagogique dans trois directions : la paroisse, les missions, l’école. « L’enseignement du catéchisme est la pièce maîtresse de la Réforme catholique. Il s’agit de réapprendre sa religion à tout un peuple, tâche qui mobilise les forces vives de l’Église, provoque la publication de manuels de catéchèse. » Les Jésuites furent d’ardents promoteurs du catéchisme à l’imitation de leur fondateur. Ci-dessus, saint Ignace donnant le catéchisme (Mosaïque Azpeitia – Pays basque).

Le concile de Trente impose aux curés « d’avoir soin, au moins les dimanches et fêtes solennelles, de pourvoir à la nourriture spirituelle des peuples qui leur sont commis » (17-6-1546). L’instrument de cette formation des fidèles est le catéchisme. Si le catéchisme du concile de Trente n’est publié qu’en 1566, celui du jésuite Canisius (1555) est imposé dans le diocèse de Liège dès 1557. C’est une somme de la doctrine chrétienne qui, en 222 questions-réponses, reprend ce qu’il faut savoir et faire pour être chrétien. Le clergé, peu instruit, peine à s’y mettre, si bien qu’il faudra attendre le milieu du XVIIe s. pour qu’un clergé mieux formé puisse assurer la prédication et enseigner les fidèles à l’aide du catéchisme. Ce que lui rappelle, en 1612, le prince-évêque Ernest de Bavière (1581-1612 : instruction du peuple, catéchisme, écoles, tenue des registres paroissiaux. Le synode liégeois de 1618 exige qu’une heure de catéchisme soit donnée chaque semaine dans toutes les paroisses.

Le catéchisme pour les enfants et la première communion

Le concile de Trente décrète : « Les évêques auront soin qu’au moins les dimanches et fêtes, dans chaque paroisse, les enfants soient instruits de rudiments de la foi, et de l’obéissance qu’ils doivent à leurs parents » (11-11-1563). Le catéchisme, c’est un ensemble pédagogique constitué par un livre, un maître, une obligation. Le livre résume tout ce qu’il est nécessaire de savoir pour vivre chrétiennement. L’enseignement du contenu de ce livre est le monopole du clergé, garant de la vraie doctrine. Enfin, se voulant universel, il est proposé à tous et partout. Mais où et comment instruire les enfants ? Deux institutions vont y contribuer : l’école et la paroisse. Profitant du repos dominical, le curé réunit les enfants sur les bancs de l’église, le plus souvent avec leurs parents qui profitent ainsi de l’enseignement comme l’illustre ce vitrail.

Pour inciter à la fréquentation de ces séances, l’Église met en avant la première communion qui est fixée alors vers 11-12 ans, et pour laquelle on demande un minimum de connaissance avant de pouvoir communier. C’est que, face au protestantisme, l’Église catholique réaffirme la présence réelle du Christ dans l’eucharistie. À la fin du XVIIe s., la première communion va prendre un relief déterminant et entraîner une série de conséquences importantes jusqu’à aujourd’hui. Le Catéchisme ou Instructions chrestiennes pour le diocèse de Liège, qui paraît en 1672, est un excellent témoin. Il affirme : « La première communion est l’action la plus importante de toute la vie d’un chrétien, et d’elle dépend principalement la grâce de bien faire toutes les autres. » Cette première communion solennelle fait son apparition surtout à l’occasion des missions paroissiales dont elle constitue comme le sommet. Elle implique une préparation par le suivi d’un catéchisme approprié, une confession générale avant de recevoir la communion en groupe d’âge au cours d’une célébration festive. Cette célébration, répétée annuellement durant le temps pascal, devient une grande fête pour toute la paroisse.

À Liège, dès 1683, une catéchèse spécifique est organisée tout au long du carême. On va, fin du XVIIe s., joindre à cette célébration solennelle, le renouvellement des vœux du baptême et une profession de foi. L’origine de cette profession de foi est liée à la Réforme, le catéchisme devant se terminer par une profession de la foi catholique. On sait que la question de la présence réelle est un des points de divergence entre catholiques et protestants. Ainsi le texte latin de cette image du XVIIe s. affirme la présence réelle, mais sans la figurer. Il incite à prier devant le Saint-Sacrement qui est, non en figure, mais, en réalité, la Présence du Seigneur.

L’importance de la première communion va conduire à une préparation de plus en plus élaborée et s’étendre à une année, puis deux au XIXe s. Ce dispositif va donner naissance à ce que nous appelons aujourd’hui le catéchisme, préparation à la première communion et ensuite à la communion solennelle. Cela va conduire à la disparition de la catéchèse paroissiale continue, tous les dimanches et pour tous, issue du concile de Trente. La catéchèse s’organise désormais en vue de la réception d’un sacrement. Celui-ci reçu, la catéchèse perd sa raison d’être. La première communion marque désormais un seuil, le passage entre l’enfance et l’âge adulte, l’entrée alors dans le monde du travail. Du coup, la première communion va marquer le sommet et la fin de la formation chrétienne.

L’enseignement dominical

Le catéchisme ne concerne pas d’abord les enfants, les curés doivent catéchiser les adultes aux jours où ils sont tenus de venir à l’église. Trois occasions leur sont offertes : le prône, le sermon et le catéchisme proprement dit. Le prône a lieu après la lecture de l’évangile lors de la messe paroissiale. Le célébrant, en chaire, énonce des intentions de prière et tous récitent les textes du Credo, Notre Père, Commandements de Dieu et de l’Église. Le prône s’achève sur des informations pratiques : calendrier, bans, mandements, monitions.

Le sermon est une institution moins régulière qui n’est pas liée à la célébration de la messe. Il a lieu, le plus souvent, à certaines époques de l’année comme l’Avent, le Carême et les fêtes chômées. Il est le fait de spécialistes, des religieux, engagés pour la circonstance et payés par les fabriques ou les communautés.

Les Missions

La déchristianisation de la population, surtout des campagnes, est un fait qui provoque l’invention des missions paroissiales. Il s’agissait pour des prêtres formés à cet élan missionnaire de visiter systématiquement toutes les paroisses d’une région, en prêchant, y organisant des célébrations, mettant en place le catéchisme, et veillant à confesser hommes et femmes. Une mission constituait un temps fort de rénovation et de nouvelle évangélisation. Cette pratique persistera jusqu’au milieu du XXe s. Des sociétés ou compagnies de prêtres furent créées au XVIIe s. pour mettre en œuvre cette évangélisation.

Ces nouvelles congrégations vont essaimer dans notre région. Ainsi les Récollets, arrivés à Verviers en 1627. « Ils vont prêcher le dimanche dans les paroisses environnantes. Ils construisent un couvent et une chapelle qui, seule, existe toujours : l’église Notre-Dame. À la demande du Magistrat, ils ouvrent un collège en 1653 qui subsistera jusqu’en 1796. » Les Capucins sont installés officiellement à Spa en 1623 pour lutter contre l’hérésie, notamment anglicane, fort influente dans la ville d’eaux. Ils seront autorisés à Verviers en 1685.

« Les missions se caractérisent par un déploiement de moyens, un caractère méthodique et intensif, une association de la prédication – souvent fondée sur la peur de l’enfer et l’omniprésence du péché –, de l’instruction et de la confession, qui visent à produire un choc destiné à remodeler le fidèle. » Concrètement, les adultes assistent à la prédication du matin, les enfants ont séance de petit catéchisme l’après-midi, le soir grand catéchisme pour tous. Cet enseignement est associé à des célébrations, des processions, à l’adoration du Saint-Sacrement. La célébration de clôture est marquée par la plantation de la croix de mission. On cherche ainsi à obtenir une conversion, un nouvel élan spirituel que la confession générale et la communion viennent concrétiser. L’aveu des péchés est l’étape première de la conversion, le but de tous les exercices qu’organisent les missionnaires sur le terrain. »

En conclusion

Le concile de Trente et les missions vont promouvoir une spiritualité centrée sur l’eucharistie et la confession. L’objectif est de contribuer au développement d’une vie intérieure et personnelle. On encourage la réception fréquente du sacrement de l’eucharistie, conçue comme un acte personnel de dévotion, et déconnecté de la messe (on communiait avant, pendant et après). D’autre part, liée à la communion, la confession se veut, par un dialogue entre le prêtre et le fidèle, un lieu de direction spirituelle et de formation à la vie intérieure. Celle-ci va être nourrie par les exercices spirituels, méditations fournies par les livres de prière et les pratiques liturgiques collectives comme l’adoration du Saint-Sacrement, le salut et les vêpres du dimanche.

Abbé Marcel Villers


  • Omer HENRIVAUX, L’influence déterminante de la solennité de la première communion sur la catéchèse de l’enfant en Wallonie du XVIIe siècle, 1997.
  • Jean DELUMEAU (dir.), La première communion. Quatre siècles d’histoire, 1987.
  • Dominique DESLANDRES, Croire et faire croire. Les missions françaises au XVIIe siècle, 2003.