
Le village de Polleur naît probablement aux XIe-XIIe s. même si la plus ancienne mention écrite date de 1357. Le village doit son nom à celui de la rivière Poleda (du germanique « pôl » signifiant « marais »), déjà citée en 898. Polleur est un carrefour de routes, à proximité d’un gué qui deviendra un pont en bois, puis en pierres (1561-1563). Les bois qui l’entourent et la métallurgie du fer qui y est pratiquée font sa richesse. Plusieurs forges et fourneaux sont implantés sur les rives de la Hoegne. Cette industrie décline à partir de la fin du XVIIe siècle. Elle sera compensée par le développement du textile. « Des fouleries et des filatures sont établies le long de la Hoegne mais bon nombre de fileurs pollinois travaillent à domicile et vont chercher la laine à Verviers. Les cultivateurs trouvent dans cette branche de commerce une ressource précieuse pour leur femme et leurs enfants. »[1]
Un refuge pour voyageurs et marchands
La partie la plus ancienne de l’église actuelle date des XIIe-XIIIe s. L’édifice est de style roman, l’entrée est latérale et s’effectue au nord, où se trouvait donc le noyau primitif du village, sur une petite butte pour se protéger des inondations. On n’a trouvé aucune trace d’un chœur et l’édifice n’est pas orienté liturgiquement. Il ne s’agit donc pas d’un lieu de culte chrétien, mais d’un édifice civil, seul bâtiment construit en dur, au carrefour, et on peut en déduire qu’il servait de refuge pour voyageurs et pour la population. En effet, « l’emplacement du village de Polleur constitue un carrefour de routes anciennes importantes. Ces voies forment un triangle caractéristique qui permet le croisement aisé des flux de circulation, il est disposé entre le gué franchissant la Hoegne et la tour de l’église actuelle.
Une voie romaine Trêves-Tongres, venant par Saint-Vith, Cockaifagne, Tiège, traversait la rivière au niveau du gué ou du pont de Polleur, passait devant l’église, puis remontait vers Fays. »[2] La rivière est torrentueuse et n’était donc pas franchissable à tout moment, d’où on était obligé d’attendre.

Auberge et entrepôt nécessaires donnèrent naissance à une agglomération. La rivière, la Poleda signalée déjà en 898, a joué un rôle majeur dans la naissance de Polleur. Nœud de communications et entrepôt de marchandises, Polleur attirait les appétits.
L’édifice, antérieur à l’église actuelle, seule construction en dur de la localité, a dû servir de refuge aux habitants er aux voyageurs, ainsi que d’entrepôt pour les marchandises en transit. D’ailleurs, une tour de défense imposante vient s’y adjoindre. Antérieure aux constructions de 1450, la tour est édifiée dans l’axe de l’édifice primitif, il est vraisemblable qu’elle date du XIVe s. en raison de l’insécurité du moment : guerre des Awans et des Waroux ; révolte des métiers contre le prince-évêque, qui ont amené à la même époque la fortification de l’église de Theux toute proche. On construit donc, adossée au bâtiment primitif et dans son axe, une tour carrée. La tour était pratiquement aveugle. On est donc devant une tour de défense, un dispositif impressionnant servant de refuge et de défense aux habitants.
Une chapelle en l’honneur de Dieu et de saint Jacques
Le 27 juillet 1450, devant les échevins de Liège, est passé un acte de dotation de 21 ménages de Polleur en faveur d’une chapelle « en l’honneur de Dieu et de saint Jacques ». C’est donc une chapelle « privée » qu’on établit en transformant considérablement l’édifice civil roman.
On divise l’espace primitif en une nef centrale et une nef latérale gauche (au nord). La voûte du chœur actuel reproduit exactement celle du chœur de 1450. Les nefs n’étaient pas voûtées, mais à plafond plat en bois, comme aujourd’hui. Les plafonds des nefs latérales seront, en 1712, constitués de tableaux peints d’armoiries, achetés à l’église de Spa.
De la chapelle publique à la vice-cure de Polleur
Au XVe s., il n’y avait encore qu’une seule paroisse et un seul curé en charge de tout le ban de Theux. Les habitants de Polleur devaient donc assister à la messe dominicale à l’église de Theux et là seulement ils pouvaient recevoir les sacrements de baptême, mariage, confession et communion pascales, extrême onction, de même pour les enterrements.
Ce que les Pollinois souhaitaient, c’était un prêtre à demeure, afin de célébrer la messe les dimanches et fêtes, de catéchiser leurs enfants, voir de leur apprendre à lire et calculer. A condition de le payer et d’avoir l’accord du curé de Theux. « Au début du XVIe s., Sire Jacques Faber, originaire de Polleur, est desserviteur de Theux. Il ne voyait pas d’un mauvais œil qu’un autre prêtre assure une partie de ses devoirs pastoraux, à condition sans doute de le payer le moins possible. »[3]
En 1497, dans le plus ancien pouillé, liste des lieux de culte, du diocèse de Liège, Polleur ne figure pas comme lieu de culte officiel ; Marché et Oneux s’y trouvent mentionnés. Dans le pouillé de 1558, Polleur est cité. C’est donc entre ces deux dates que, de privée, la chapelle de Polleur acquiert un statut public et est desservie par un prêtre à demeure établi par l’autorité ecclésiastique. Le plus ancien nom d’un chapelain de Polleur est celui de Nicolle delle Vaux mentionné vers 1511-1516. Suite au développement du protestantisme dans le marquisat et aux décisions du Concile de Trente, l’évêque de Liège procède au démembrement des grandes paroisses du diocèse. L’opposition du curé de Theux conduisit l’évêque à créer des vice-cures à La Reid comme à Polleur en 1574
L’église et son aménagement
Un mobilier cultuel apparaît dès le début du XVe s. : la théothèque, tour de pierre conservant les Saintes Espèces ; une statue de sainte Anne, la Vierge et l’Enfant-Jésus, actuellement au Musée communal de Verviers.
En 1520, on parle d’une seconde fondation de la chapelle de Polleur qui se concrétise par l’érection et la dotation d’un autel à Notre-Dame, saint Jean-Baptiste et saint Sébastien, doté d’un bénéfice. Ceci explique peut-être l’existence du tableau représentant le baptême du Christ en même temps que le martyr de saint Sébastien, datant du milieu du XVIe s., et représentant aussi les deux donateurs agenouillés.
Signe d’organisation de type paroissial, dès 1556 une « table des pauvres« , bureau de bienfaisance dirigé par le clergé, est institué. Ainsi, le mambour des pauvres achète des grains pour faire du pain à distribuer chaque année en temps de carême aux pauvres et nécessiteux de Polleur.
Par ailleurs, le prêtre desservant administre progressivement tous les sacrements. En 1558, il y a un cimetière, et donc des obsèques à Polleur, ce qui entraîne, en 1591, le percement d’une entrée, basse et étroite, dans le mur sud de la tour, donnant ainsi accès au cimetière entourant l’église, sur son flanc sud. Les baptêmes sont administrés entre 1580 et 1590 ; les mariages dès 1605.
Sur la route de Compostelle
En 1508, un « hôpital » existe à Polleur. « Il ne s’agit pas d’un endroit où l’on soigne les malades, mais d’un lieu d’accueil temporaire pour les pauvres voyageurs, qui ne savent se loger à leurs frais dans des auberges. »[4] Cet hôpital est peut-être à mettre en relation avec le pèlerinage à Compostelle. Polleur a, depuis 1450, une chapelle dédiée à Saint Jacques et est un carrefour obligé, peut-être une étape, entre plusieurs voies menant les pèlerins de Hollande ou d’Allemagne vers Compostelle.
L’école
En 1657, la communauté de Theux fait édifier, appuyé contre la tour, un bâtiment servant d’école et de corps de garde en même temps. Le premier étage sert d’école. On a ensuite divisé le bas en deux pièces qui servent d’habitation pour le marguillier, puis le vicaire, avant d’être maison communale jusqu’en 1859, année de sa démolition. C’est alors qu’on perce, dans la tour, une entrée dans l’axe qui subsiste aujourd’hui. Le marguillier ou le vicaire instituteur est payé par les habitants. Ce n’est qu’en 1831 qu’un instituteur laïc est nommé, Martin Joseph Boland. Une école pour les filles verra le jour en 1882.
L’église, un des sièges du Congrès de Polleur
Le 26 août 1789, les délégués des cinq bans du marquisat se réunissent à Polleur en congrès pour rétablir les libertés et franchises du pays. Plusieurs séances sur les 25 du Congrès se tiendront dans l’église. La dernière, le 23 janvier 1791, aura lieu à Theux.
L’érection de Polleur en commune et en paroisse autonomes
L’annexion à la France en 1795 aboutit à l’érection de Polleur en commune, indépendante de Theux, et intégrée au canton de Spa, département de l’Ourthe.
Polleur devient une paroisse en 1803 dans le cadre du plan d’organisation des paroisses du diocèse de Liège à la suite du Concordat du 15 juillet 1801.
La paroisse de Polleur est alors démembrée de Theux et comporte Polleur, ses dépendances (Fays) et Jehanster. Le premier curé est Jean-Nicolas Pignon (1803-1831).
Vers une nouvelle église
En 1884, le curé Ferdinand Hazette (1883-1896) constate « l’état périclitant de la toiture de l’église« , le danger que constitue la tour, se plaint de l’humidité malsaine du bâtiment et considère qu’il est trop petit pour la paroisse. Dès cette date, on envisage un agrandissement, puis une construction entièrement nouvelle sur l’actuel champ des sports. En 1896, sous l’impulsion du nouveau curé, François Dumoulin (1896-1903), le Conseil de Fabrique change de direction et « propose à la Commune une simple restauration de l’édifice paroissial« . En 1900, les travaux commencent et s’achèvent en mai 1902. Le 8 juin 1902 a lieu la bénédiction solennelle de l’église renouvelée au cours de la messe chantée par le doyen de Spa. En acquit d’un vœu du curé, la nouvelle église est dédiée à la Sainte Vierge (sub titulo Assumptionis – 15 août) et à Saint Jacques le Majeur. La décoration intérieure et l’ameublement sont réalisés dans le style néo-gothique, dominant à l’époque. A la fin des années 1980, à la suite du Concile Vatican II, un réaménagement intérieur est réalisé et donne à l’église de Polleur sa physionomie actuelle.
[1] François PASQUASY, Si Polleur m’était conté, 1970, p. 21.
[2] Paul BERTHOLET, L’église et la vice-cure de Polleur, in Terre de Franchimont, n°13, juin 2000, p. 29.
[3] Paul BERTHOLET, L’église et la vice-cure de Polleur, in Terre de Franchimont, n°14, décembre 2000, p. 24.
[4] Paul BERTHOLET, L’église et la vice-cure de Polleur, in Terre de Franchimont, n°14, décembre 2000, p. 27.