6. La « foresta » de Theux, domaine royal (VIe-VIIe siècle)

En circulant dans notre région, il est fréquent de rencontrer l’indication : « forestia ». Aujourd’hui, le terme désigne le parc animalier et d’aventure de La Reid ; hier, un domaine royal.

L’institution des forestes

La vaste région forestière, peu peuplée, qu’est l’Ardenne, relève en grande partie du fisc et du souverain, l’empereur romain, puis les rois mérovingiens. La forêt remplit trois fonctions : économique par son exploitation, fiscale par les taxes qu’induit son usage, symbolique par sa dimension sacrale.

Le terme foresta semble avoir désigné, « à l’époque gallo-romaine, les espaces restés sauvages, en dehors, à l’extérieur (foris en latin), de ceux mis en valeur par les communautés villageoises. » [1] Sous les Mérovingiens, le terme a valeur juridique, désignant un territoire soustrait à l’usage général, où il est interdit de défricher, chasser, pêcher. L’expression, par la suite, définit l’espace boisé réservé au souverain, roi ou seigneur. C’est « l’institution des forestes au VIIe siècle, espaces sauvages où le roi se réserve la chasse et qu’il exclut de l’usage commun »[2].

Forêt et palatium de Theux

Vers 648, fondation de Stavelot, on sait que les souverains mérovingiens se sont personnellement approprié le domaine de Theux – domaine public romain – qui est dès lors soumis directement à leur juridiction.

Des forestiers royaux résident à Theux, ce qui laisse supposer l’existence d’un « palatium » (résidence royale) et le centre d’une administration forestière.[3] Dès l’époque franque, les résidences royales sont installées à proximité immédiate des grandes forêts où les souverains vont chasser. Le Staneux (1500 ha actuellement) et les riches sommets boisés de Spa sont les restes de la forêt royale de Theux.

La forêt, un espace sacré

À côté des fonctions guerrière et de juridiction, la royauté a aussi une dimension sacrée. L’institution des forestes fait de la forêt royale un véritable sanctuaire, un lieu hors de la juridiction ordinaire des hommes, un espace sauvage. « Le roi mérovingien ne se réserve plus seulement la mise à mort de certaines bêtes sauvages pour s’en approprier la force magique ; il inscrit ce droit dans un espace qu’il domine et dont il limite l’accès. Le roi doit être le maître de la forêt pour s’y ressourcer, y poursuivre à sa guise et y soumettre sa proie lors de la chasse, s’en approprier la puissance sacrée, ou encore transformer l’espace sauvage en un espace civilisé. Cette domination de l’espace débouche sur une véritable autorité sacrale qui s’exprime à travers les fondations monastiques sur des terres fiscales, données par le roi. Il s’agissait tout à la fois de contrôler l’accès à l’espace sacré des monastères, le sanctuaire, et d’affecter aux communautés religieuses les revenus fiscaux leur permettant de se consacrer à la prière pour le roi et le royaume. »[4]


[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Forêt_royale

[2] Régine LE JAN, La sacralité de la royauté mérovingienne, in Annales. Histoire, Sciences Sociales 2003/6 (58e année), p. 1228.

[3] BERTHOLET-HOFFSUMMER, p. 63.

[4] Régine LE JAN, La sacralité de la royauté mérovingienne, in Annales. Histoire, Sciences Sociales 2003/6 (58e année), p. 1228.