On sait que l’immigration, au Ve s., des peuples venant de l’est lointain a eu pour conséquences « la destruction des sanctuaires chrétiens, la dispersion des fidèles, l’extinction même du nom chrétien. »[1] L’initiative et le soutien des princes mérovingiens comme de la papauté, dès la fin du VIe s., lancent une action de nouvelle évangélisation, notamment dans les régions du nord de l’Europe.
Des moines missionnaires, pratiquant, à la mode irlandaise, la peregrinatio christi, ou exil volontaire en vue de proclamer la foi chrétienne parmi les peuples païens, parcourent les pays du nord de l’ancienne Gaule, annonçant le Christ et son Évangile. Ainsi, Saint Remacle, moine formé à Luxeuil par Saint Colomban venu d’Irlande. « Sur les bords de l’Amblève et de la Warchenne, Remacle vient troubler le repos de la déesse Arduinna, objet d’un trop long culte, et la légende n’est peut-être pas ici très éloignée de l’histoire, quand elle nous représente Remacle détruisant les vestiges païens, autels de Diane et culte des fontaines. »[2]
Ces moines-missionnaires agissent dans le voisinage de leur abbaye. A l’époque, avec l’appui du pouvoir mérovingien, vingt-cinq monastères sont fondés sur le territoire actuel de la Belgique, dont, en Ardenne, Stavelot-Malmedy et Andage, qui deviendra l’actuel Saint-Hubert.[3]
Ces moines, circulant dans les environs de leurs abbayes, atteignent les petites agglomérations, bourgades (vici) et villae (domaines agricoles). Ils y prêchent, y transforment, le cas échéant, un oratoire païen en une chapelle chrétienne, ou en construisent une nouvelle.[4] Sur cette base s’établiront plus tard les paroisses.
Un indice de l’action évangélisatrice est la modification des pratiques funéraires. A la fin de l’époque romaine, l’inhumation est de nouveau pratiquée. Elle se généralise sous les Mérovingiens : « le mort est toujours allongé sur le dos, les bras le long du corps. Parés de leurs plus beaux vêtements, les morts emportaient aussi leurs armes, leurs bijoux et une série d’ustensiles usuels. »[5] Progressivement, le mobilier disparaît. On constate surtout « qu’à la fin du VIIe s., les pratiques de l’inhumation habillée et du dépôt de mobilier funéraire disparaissent, au profit de l’enterrement en linceul. »[6] Ce fait semble la conséquence de l’évangélisation, car la vision chrétienne de l’au-delà n’implique aucun besoin matériel. »[7]
« Tandis que les moines allaient aux gens des campagnes, les gens des campagnes venaient à eux. Ils se sentaient attirés par les belles cérémonies liturgiques et plus encore par le culte du saint patron. Il faut ajouter l’exercice de la charité à la porte du monastère, qui se pratiqua toujours largement, et les services rendus aux agriculteurs. Enfin, comment oublier tous ces exemples de piété, d’abnégation, d’esprit de pénitence, de travail, d’amour du prochain, rayonnant avec éclat de ces foyers religieux allumés dans tout le pays ! »[8]
[1] F. BAIX, Étude sur l’abbaye et principauté de Stavelot-Malmedy, Bruxelles, 1981, p. 42.
[2] Ibidem, p. 42.
[3] E. DE MOREAU, Histoire de l’Église en Belgique des origines aux débuts du XIIe s., Bruxelles, 1940, p. 116.
[4] A. MAQUINAY, Histoire de la paroisse de Verviers depuis ses origines jusqu’à nos jours, Verviers, 1947, p. 24-25.
[5] Henri GRATIA, Les nécropoles mérovingiennes dans la province de Luxembourg, in Les vivants et leurs morts, Musée de Piconrue, Bastogne, 1989, p. 61.
[6] Olivier VRIELYNK (dir.), L’archéologie en Wallonie. L’époque mérovingienne, 2013, p. 14.
[7] Ibidem, p. 14.
[8] E. DE MOREAU, Histoire de l’Église en Belgique des origines aux débuts du XIIe s., Bruxelles, 1940, p. 161.
Illustration : L’abbaye au IXe s. Reconstitution. Extrait de MARTIN, VENANZI, BARTHELEMY, L’abbaye de Stavelot, 2014.