M. l’abbé Villers nous propose une nouvelle réflexion
concernant le Synode :
il s’agit d’un article écrit par Etienne Arcq,
publié par le CRISP, Centre de recherche et d’informations socio-politiques
L’Église catholique et les exigences de la démocratie [1]
L’Église n’est pas une société politique. L’approcher en ayant à l’esprit les critères démocratiques peut sembler aussi inadapté que pour décrire le fonctionnement de l’armée ou de l’entreprise. En outre, le code de droit canonique n’est pas une description du fonctionnement réel de l’institution. Il n’empêche que l’évocation des critères démocratiques fait apparaître un décalage culturel entre l’institution ecclésiale et la société dont elle fait partie. La majorité de ses fidèles est inévitablement imbibée de culture démocratique. Les fidèles sont confrontés au sein de l’Église à un mode de gouvernement qui n’a pas intégré dans son droit interne et dans son fonctionnement les critères démocratiques en vigueur dans la société… Cette tension qui traverse l’Église ne coïncide pas avec le clivage clercs-laïcs. Si beaucoup de laïcs se savent et se veulent coresponsables dans l’Église, ce n’est pas le cas de tous les laïcs, pas plus que la participation active à la chose publique n’est l’affaire de tous les citoyens en démocratie.
Par ailleurs, bien des membres du clergé jusqu’à des niveaux élevés dans la hiérarchie sont sensibles au défaut de dimension participative dans le fonctionnement de l’institution. L’opinion de certains, selon laquelle l’absence d’une vraie démocratisation des pratiques d’Église pèse d’un grand poids dans la désaffection grandissante que l’on observe, surévalue sans doute ce facteur parmi la pluralité de ceux qui expliquent cette désaffection. Par ailleurs, si l’appartenance à l’Église catholique conserve son ancienne détermination sociologique, elle est devenue davantage un acte d’adhésion personnelle…
Des structures participatives, les conseils pastoraux diocésains et presbytéraux, ont été mises en place dans les années qui suivirent la fin du concile Vatican II. Cette période a été marquée par les grands mouvements de contestation de l’autorité et de revendication de participation des membres de tout groupe ou institution aux décisions les concernant. Sensible à cet air du temps, l’Église a mis en avant la notion de coresponsabilité, qui fut assez généralement comprise comme un appel à participer démocratiquement à la prise de décision. Elle n’a cependant pas changé sa constitution hiérarchique. Il est assez vite apparu qu’il était ambigu de parler de coresponsabilité tout en cantonnant les coresponsables à un rôle strictement consultatif. Beaucoup de débats ont en conséquence eu lieu sur le rôle et le statut de ces conseils. La déception et le désarroi se sont installés dès les années 1980. Le fonctionnement actuel de ces organes confirme largement cette évolution… Au-delà de ces structures organisées, les opinions individuelles sont atomisées. Les personnes utilisent un moyen d’expression semblable à celui d’électeurs, soit en choisissant une paroisse selon leurs affinités pour participer à une célébration qui correspond à leurs options, soit en cessant toute pratique religieuse. Ce retrait, dans le chef de certains, peut sans doute être assimilé à une sorte de vote blanc plutôt qu’à un vote nul…
La difficulté de réunir des assemblées ou des conseils représentatifs ne provient sans doute pas d’abord du problème de la gestion du pluralisme d’opinion, mais plutôt du fait que les paroissiens sont, dans leur majorité et dans le contexte actuel de l’exercice de l’autorité dans l’Église, peu enclins à la participation, et sont culturellement très divers. Par ailleurs, l’existence de structures de participation dans les paroisses dépend souvent de la personnalité du curé. Les règles de composition et de désignation des membres de ces conseils ne sont pas uniformes et ne garantissent pas sa représentativité.
Ce bref survol de quelques aspects du fonctionnement de l’Église catholique laisse apparaître une absence de contrôle du pouvoir et l’inexistence de contre-pouvoirs, ne fût-ce que dans des formes rudimentaires comme le droit d’information et d’interpellation. Le vent nouveau apporté par Vatican II et la soif de participation née au lendemain de Mai 68 n’ont concerné qu’une génération, aujourd’hui en voie d’extinction. Les structures participatives sont à bout de souffle. La tendance lourde en faveur d’une hiérarchie centralisée autocratique semble revenir au premier plan.
[1] Étienne ARCQ, L’Église catholique et les exigences de la démocratie, Les analyses du CRISP en ligne, 7 décembre 2011, www.crisp.be