Face au protestantisme, on a pu constater le peu de résistance et surtout la facilité avec laquelle un certain nombre de prêtres, curés ou non, ont succombé au discours de la nouvelle religion. De même, que ce soit en ville ou dans les zones rurales, des quantités de fidèles ont adhéré à la foi réformée. Trois explications sont apparues aux yeux des autorités : le retard des réformes de l’Église et du clergé, l’ignorance des prêtres comme des fidèles, l’étendue des paroisses rendant impossible un contrôle efficace des populations. De là découle la stratégie mise en œuvre dans le diocèse et qui se situe dans la ligne des décisions du concile de Trente (1545-1563). Rapprocher les curés de leurs ouailles en multipliant les paroisses ou les chapelles desservies par un prêtre est un des objectifs des évêques à la suite du concile de Trente.
La restructuration du diocèse de Liège
Ce sont d’abord les diocèses que l’on va multiplier, notamment aux Pays-Bas en 1559-1570. S’il s’agit pour les souverains espagnols d’en profiter pour amoindrir la puissance politique et religieuse des prince-évêques de Liège, l’objectif est bien de lutter contre le protestantisme au nord et à l’ouest de Liège. « 15 doyennés sur 28 disparaissent de l’antique diocèse ; 741 paroisses rejoignent les nouveaux diocèses : Bois-le- Duc, Malines ou Namur. 24 collégiales avec 316 chanoines passent aux diocèses nouvellement créés. »
L’érection de nouvelles paroisses
Les érections de nouvelles paroisses étaient rares avant le concile de Trente. Mais l’augmentation de la population et sa concentration dans les centres urbains avaient créé des situations compliquées pour l’administration des sacrements notamment. Pour y remédier, les pères du concile de Trente modifièrent la législation et édictèrent des mesures pour faciliter la création de nouvelles paroisses.
Dans certaines paroisses, surtout en ville, la population s’était accrue au point que le clergé paroissial, d’ordinaire l’unique curé, ne suffisait plus. Pour remédier à cette situation, les pères du concile prescrivirent aux évêques d’ordonner aux curés de procurer les prêtres auxiliaires nécessaires pour l’administration des sacrements et les besoins du culte, le curé étant tenu de leur fournir des moyens de subsistance. C’est l’origine des vicaires que nous connaissons encore aujourd’hui ; jadis, on appelait vicaires les remplaçants des curés absents.
D’autre part, des hameaux éloignés, jadis peu peuplés, avaient pris un développement important, une chapelle y était construite, permettant d’assurer le culte. Pour des situations de ce genre, le concile décide que les évêques pourront ériger de nouvelles paroisses. L’évêque attribuera à leurs curés un traitement suffisant à prendre sur les revenus de l’église-mère, c’est-à-dire ceux du curé et des décimateurs de la paroisse-mère.
Le décret du concile concernant la réorganisation du réseau paroissial est pris le 15 juillet 1562 ; il n’est promulgué à Liège qu’en 1585. Néanmoins, des démembrements de paroisses s’étaient déjà produits comme pour Sart en 1573. En effet, en conclusion de l’enquête menée en 1570 dans le Marquisat de Franchimont, dans le cadre de la lutte contre le protestantisme, des démembrements de paroisses étaient envisagés à Verviers (Andrimont et Stembert), Theux La Reid et Polleur) et Sart (Spa et Jalhay).
L’érection de nouvelles paroisses ne fut pas chose aisée car elle engendra de nombreux conflits de droit et surtout d’intérêt. Les curés refusaient de partager leurs ressources car créer de nouvelles paroisses entraînait de donner une part des dîmes de la paroisse-mère aux filiales. « Ainsi, le partage des revenus de Sart est fixé par l’évêque Gérard de Groesbeck : le curé de Sart conservera 94 florins d’or (c’est à peu près proportionnel au nombre de familles : 280), celui de Jalhay obtiendra 90fl (aussi 280 familles) et celui de Spa 55 fl (140 familles), ce sont les revenus du tiers de la grosse dîme. Il faut savoir que la dîme est divisée en trois parts destinées au curé, à l’église, aux pauvres. La grosse dîme porte sur les « gros » fruits, les céréales. La menue dîme porte sur les autres grains et légumes en tout genre.
En outre, chaque curé recevra deux pains et trois œufs annuels par famille ainsi que la jouissance d’une maison et d’un jardin, avec les dîmes sur le petit bétail. »
Si la paroisse de Sart (150 km2) est divisée en trois : Sart, Spa et Jalhay, c’est que le prince-évêque profite du décès du curé de Sart pour provoquer le démembrement. Par contre, il ne peut diviser la paroisse de Theux suite à l’opposition du décimateur et collateur laïque, mais deux vice-cures sont créées vers 1581, celle de Polleur et de La Reid où des chapelles desservies par un prêtre existaient déjà.
La vice-cure
Ce régime assez peu fréquent et innovant se caractérise par une séparation d’avec la paroisse mère qui est loin d’être complète. Ainsi, le curé de Theux exerce effectivement un important droit de contrôle. « Il présente ses candidats vice-curés à l’archidiacre qui seul peut les nommer ou les révoquer. Il est l’intermédiaire obligé entre eux et les autorités supérieures. Il les assiste devant l’Official, contrôle les comptes de l’église (non ceux du vice-curé), veille à l’intégrité du patrimoine de la vice-cure, aplanit les difficultés entre le peuple et les clercs.
Par contre, le vice-curé jouit de tous les droits paroissiaux : il administre les sacrements comme un curé et touche personnellement des revenus et honoraires.
Avec cette nouvelle organisation, les habitants ne sont plus qu’à tout au plus une heure de marche de leur église paroissiale alors qu’avant deux ou même trois heures étaient nécessaires pour conduire les nouveau-nés au baptême, les défunts au cimetière, aller se confesser, faire ses Pâques… La fréquentation des sacrements et les contacts avec le curé, mieux préparé à sa tâche, en furent facilités. »
Abbé Marcel Villers
