La chronique de notre Curé du 10 janvier 2021

Tu es mon enfant bien-aimé

«En ces jours-là, Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain » (Mc 1, 7-11). La liturgie du dimanche, Jour du Seigneur, aura toujours d’étonnant de nous faire vivre l’Évangile comme un bon film avec des flash-back et des anticipations sur sa finale ouverte… C’est bien sûr que son objet n’est pas de nous faire aller de commémorations en cérémonies passéistes mais de nous permettre d’intégrer à notre rythme le mystère du salut. D’ailleurs certains films aussi ne s’épuisent pas au fil des visions : il y a toujours des découvertes possibles dans les dialogues, les détails, le décor,…

À propos de la fête de l’Épiphanie, saint Pierre Chrysologue (Ravenne Vème s.) écrit : « Celui qui a voulu naître pour nous n’a pas voulu être ignoré de nous et c’est pourquoi il se découvre de telle sorte que ce grand mystère de la bonté divine ne devienne pas l’occasion d’une grande erreur ». Épiphanie, dois-je rappeler que cela signifie manifestation, révélation ? Que celle-ci ne se limite pas à la visite des mages ? D’ailleurs, la fête de l’Épiphanie marque le fait que le mystère du Salut est universel. Il s’adresse à tous. À tous, en tous temps, en tous lieux. Donc à nous aujourd’hui encore et toujours. Pour vivre de l’Évangile, bonne nouvelle, il s’agit de ne pas se tromper de perspective ni de prendre les choses par le petit bout de la lorgnette. C’est sûrement une grâce, une chance de ce temps de Noël 2020-2021 qui s’achève, de nous avoir conduits, par le dépouillement et la sobriété, à la source de vie de manière unique !

Noël, Épiphanie, Baptême du Seigneur,… voilà autant d’occasions d’accueillir la lumière et le souffle qui vient de Dieu par le Christ-Jésus.

« Le Christ s’est manifesté au monde, il a restauré ce monde livré au chaos, il lui a rendu sa splendeur. Il a endossé le péché du monde et il a terrassé l’ennemi du monde. Il a sanctifié les sources des eaux et il a illuminé les âmes des hommes… Aujourd’hui (fête du baptême), en effet, la terre et la mer se sont partagé la grâce du Sauveur et le monde a été comblé de joie et la fête d’aujourd’hui montre un surcroît de merveilles par rapport à la fête précédente. Car dans celle-ci, la terre se réjouissait de la naissance du Sauveur parce qu’elle tenait couché dans la crèche le Seigneur de l’univers mais aujourd’hui en la fête des Théophanies (manifestations divines), c’est la mer (Mer Morte NDLR) qui se réjouit hautement ; elle se réjouit de que par l’intermédiaire du Jourdain, elle a reçu la bénédiction qui la sanctifie. La fête précédente nous montrait un pauvre nourrisson qui manifestait notre pauvreté. La fête d’aujourd’hui nous le fait voir dans sa perfection, elle nous suggère qu’il est l’Être parfait, issu de l’Être parfait…» déclare un autre Père de l’Église, Proclus de Constantinople.

Noël nous a émerveillé, le Baptême du Christ nous conduit davantage dans la lumière véritable. Il y a de quoi être joyeux. Il y a de quoi être en communion avec la création toute entière qui, comme nous, reçoit grâce et libération ; elle reçoit comme nous le Salut et les germes de son accomplissement !

Proclus s’unit à d’autres témoins par l’Écriture : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit celui qui vient en tout temps, car ce n’est pas aujourd’hui son premier avènement. Et qui est-il ? Dis-le-nous clairement, bienheureux David : Dieu le Seigneur nous illumine. Le prophète David n’est pas le seul à nous le dire ; l’Apôtre Paul y ajoute son témoignage lorsqu’il proclame : la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. Elle ne s’est pas manifestée pour le salut de certains hommes mais pour le salut de tous ».

Oui, le Baptême du Seigneur nous manifeste bien un bienfait universel. Un bienfait qui nous touche, nous englobe, nous concerne au plus haut point. « Aujourd’hui le Saint-Esprit, en survenant sous l’apparence d’une colombe, nous montre combien le Seigneur est miséricordieux. »

Au seuil de cette année civile qui s’ouvre, cette fête du Baptême du Christ ne peut que nous faire du bien. 2021 s’annonce avec quelques espoirs mais aussi avec bien des difficultés. Et nous l’abordons pour la plupart avec un certain stress, de la fatigue, de la lassitude. Je ne puis m’empêcher de penser à celles et ceux qui connaissent des gros soucis notamment de santé : le contexte n’est pas nécessairement porteur… Et pourtant le Seigneur nous souhaite, au regard de son amour, paisibles et sereins quoiqu’il arrive. La fête d’aujourd’hui donne l’Esprit pour accueillir et vivre des Béatitudes !

Dieu sauve, Dieu guérit et libère : le salut, c’est la santé pour notre vie, dès aujourd’hui et jusqu’à l’infini du temps, dans l’éternité.

Pour ne pas sombrer dans l’idéologie naïve, je me veux être concret et partir des quatre clés du bonheur selon l’auteur américain Edgar Allan Poe : « vivre au grand air, bénéficier de la présence de ceux qu’on aime, renoncer à toute forme de pouvoir en toute circonstance et enfin participer à la création ». Je ne désire pas non plus donner des leçons de bien-être car c’est à chacun de tracer son chemin et de mettre les couleurs qui lui conviennent dans le tableau de son existence. Cependant, je voudrais m’interroger un instant avec vous à partir des quatre pistes précitées et aussi de l’exemple des Finlandais. Depuis trois ans, ils arrivent en tête des peuples les plus heureux de la terre selon l’O.N.U. (cf. La Vie, 3932, p. 22-27).

La vie au grand air. La Finlande est un pays très boisé et aux lacs innombrables. Par leur culture du sauna et de la nage en eau libre, en autres, les Finlandais ont appris à profiter des bienfaits de la nature. Il est à noter qu’il y a d’emblée un aspect collectif et solidaire dans leur approche. Un dicton local dit « au sauna, comporte-toi comme à l’église ». Et nous, vous et moi ? Sommes-nous assez conscients du cadeau qui nous est fait de vivre au sein de notre « belle fenêtre » avec ses prairies, ses bois, ses collines et vallées ? Certes, nous sommes plus rassemblés que les Finlandais. Mais profitons-nous assez de nos villages, de notre ville historique ? Pas un recoin sans charme (je ne parle pas de l’arbre). Tous, nous avons au moins une fenêtre qui donne sur un espace de verdure ou un cadre qui vaut le déplacement. La ruée que connaît actuellement notre région nous fait partie prenante de cette quête de bouffée d’air au sein du confinement. Notre avantage : nous sommes sur place 24h sur 24h. N’est-ce pas un fameux cadeau ?

Bénéficier de la présence de ceux qu’on aime. Les Finlandais sont peu pratiquants mais ils sont très solidaires. Ils font confiance à leurs institutions (record mondial de confiance dans leur police, par exemple, qui est très bien formée). Ils acceptent de payer beaucoup d’impôts pour vivre assez sobrement au quotidien : ils ont un système de santé gratuit pour tous, des allocations de chômage et de logements sociaux à taux élevés. Sur 20 ans, le nombre de SDF est passé de 18.000 à 7.000 et une campagne de prévention a réduit de moitié le nombre de suicides… Et chez nous ? Nous ne sommes pas sans rien comme on dit. Nous avons une des meilleures sécurités sociales au monde. Nous bénéficions du mécanisme de l’index… C’est vrai que notre ciel gris nous pousse d’abord à voir ce qui ne va pas ou pas bien. Pourtant, les Finlandais eux aussi, connaissent l’obscurité, la nuit polaire (19 heures…). C’est vrai, paraît-il, qu’ils ne rient pas et ne sourient pas facilement mais ils sont heureux parce qu’ils vivent dans une démocratie qui fonctionne bien. Ils sont confiants au quotidien. Et si nous travaillions sur notre confiance tout en étant dans une vigilance active ? Se demander ce que je peux faire pour la Belgique, les autres, mes proches là où je suis ? Tout en faisant la liste de tout ce qui va bien, ce qui est disponible…

Renoncer à toute forme de pouvoir. La société finlandaise est fondamentalement égalitaire, entre les classes sociales, entre hommes et femmes. Cela s’apprend dès l’école et c’est l’attention de chaque jour. Rien n’est parfait, mais on peut encore s’améliorer ! Les Finlandais sont résilients et combatifs : ils persévèrent dans l’adversité. Et nous ? Nous n’avons pas à rougir de notre façon de vivre mais, comme en Finlande, rien n’est jamais acquis et la perfection est une visée qui mobilise. Comme chrétiens, notre culture interne est idéaliste mais aussi empreinte de réalisme et d’une fameuse expérience d’humanité. «  Devenez parfaits comme votre Père des Cieux est parfait » dit Jésus (Mt 5.48). Il ne nous dit pas cela pour gonfler notre ego mais pour que nous accédions à notre nature véritable dans l’humilité et la sobriété. Alors, si nous revoyions nos attentes (surtout sur les autres) à la baisse ou simplement nous demander si elles sont bien légitimes. « L’utopie ne consiste pas, aujourd’hui, à préconiser le bien-être par la décroissance et la subversion de l’actuel mode de vie ; l’utopie consiste à croire que la croissance de la production sociale peut encore apporter le mieux-être et qu’elle est matériellement possible » (André Gortz (1923-2007), Leur écologie et la nôtre, Ed Seuil).

Participer à la création. Jean Sibélius est connu pour ses poèmes symphoniques, ses concertos, issus de sa fréquentation des paysages… en silence. C’est un exemple parmi d’autres. Le silence ? Au moins, il s’est imposé dans nos vies ces derniers temps. Le silence précède la parole, la création. Sortir du stress et cueillir ce qui vient, n’est-ce pas s’ouvrir à une joie possible sans chercher des bonheurs inaccessibles ? Un coup de fil, une recette, un bricolage, une sortie, cela se prépare avec la tête, cela est porté par des habitudes et des obligations. Mais en y remettant un peu de cœur, est-ce cela ne prendrait pas une autre saveur, une tonalité différente ?

Plus nous serons présents à nous et aux autres, plus nous serons connectés à la nature, plus nous ferons de place au silence, plus nous aurons de chances d’entendre et de percevoir toutes les variantes que Dieu utilise pour nous dire chaque jour : « Tu es mon enfant, tu es mon fils, tu es ma fille bien-aimé(e) ; en toi, je trouve ma joie ». Enfin, ce n’est que ma simple conviction et mon humble chemin…

Que notre quête de bonheur et de joie véritable, personnelle et collective, en cette année nouvelle, nourrisse l’allégresse du Seigneur !

Jean-Marc,
votre curé

PS : Désolé d’avoir été un peu long mais c’est la passion… de vous retrouver après un break 😉

 

 

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