CLÉS POUR LIRE MARC : 51. TOUT PASSE

Clés pour lire l’évangile de Marc

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Marc. Cette semaine : Mc 13, 24-32 du 33e dimanche du temps ordinaire.

Le ciel et la terre passeront
Sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte. (Mc 13,29)

Pour le prophète Daniel (7, 13-27), le Fils de l’homme est la figure du juge de la fin des temps qui viendra rassembler « les élus des quatre coins du monde » (13,27) pour les introduire dans le monde céleste d’où il est venu. Cette figure du jugement dernier devient chez Marc celle de la parousie ou retour en gloire de Jésus pour le salut de tous. Le message de l’évangile est au carrefour de deux courants : il coule un message optimiste – le salut – dans un cadre apocalyptique pessimiste – la catastrophe finale.
L’annonce de la fin du monde n’est donc pas vue comme un malheur, mais une Bonne nouvelle : enfin, le Seigneur Jésus tant aimé et tant attendu revient. « Oh ! Viens Seigneur Jésus ! » était le cri des premiers chrétiens, cri d’amour et d’impatience.
Le Seigneur Jésus est proche, il est sur le seuil, devant la porte. Reste à lui ouvrir, ce qui fait du chrétien le gardien de la porte de l’histoire.

Le grand bouleversement cosmique
« Le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté, les étoiles tomberont du ciel. » (13,24-25) Cette description s’inspire d’images tirées des prophètes (Isaie 13,10 ; 34,4). « La chute des étoiles et surtout l’obscurcissement du soleil et de la lune brisent le rythme des nuits et des jours, autrement dit le calcul de la temporalité ; le rythme du calendrier est brisé. Peut-on mieux marquer la fin du temps, la fin de l’histoire ?
Par ailleurs, l’impuissance de Sol et Luna, la chute des divinités stellaires pouvaient être comprises par les lecteurs romains de Marc comme la fin des idoles gréco-romaines. » (Camille FOCANT, L’évangile selon Marc, 2011, p.498).

Abbé Marcel Villers

CLÉS POUR LIRE MARC : 50. SUPERFLU OU INDIGENCE

Clés pour lire l’évangile de Marc

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Marc. Cette semaine : Mc 12, 38-44 du 32e dimanche du temps ordinaire.

De son superflu ou de son indigence
Cette pauvre veuve a mis plus que tous. (Mc 12,43)

Elle n’avait que deux piécettes et elle les met toutes deux dans le tronc. Elle aurait pu se contenter de n’en donner qu’une, la moitié de ce qu’elle avait. Mais non, elle a tout donné, « tout ce qu’elle avait pour vivre. » (12, 44) La veuve n’a rien donné de son superflu, car elle ne possédait que ce qu’elle a donné.
Et Jésus conclut : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence. » (12, 43-44) En donnant tout ce qu’elle a, cette femme s’en remet totalement à Dieu. Le geste de la veuve enseigne ce qu’est la vraie religion, le juste rapport à Dieu : la confiance, cette disposition intérieure qui nous engage tout entier. Là est la vraie religion : le don de soi, dans la confiance totale en Dieu.

Les veuves
Un homme doit assurer à sa famille les besoins élémentaires et tant qu’il est vivant, les droits de son épouse sont protégés. Par contre, à sa mort, la veuve perd toute ressource. C’est la raison pour laquelle, dans la Bible, la veuve et l’orphelin sont les pauvres parmi les pauvres, bénéficiant de l’attention particulière de Dieu. D’où une organisation d’assistance spécifique (Ac 6,1) est mise en place dans les premières communautés chrétiennes.
Dans le monde romain, une veuve de milieu aisé peut profiter de sa situation de célibataire pour exercer des fonctions publiques. On connaît le cas de « Phébée, notre sœur, écrit Paul, ministre de l’Église qui est à Cencrées (près de Corinthe). » (Ro 16,1) Ainsi, il apparaît que, dans les premiers temps de l’Église, les veuves formaient un ”ordre” (une catégorie officielle) et assumaient un ministère avec d’autres femmes. Cela ressort clairement de la lettre à Timothée : « Ne peut être inscrite au groupe des veuves qu’une femme d’au moins soixante ans, n’ayant été mariée qu’une fois. Elle devra produire le témoignage de sa bonne conduite… » (1 Tim 5,3-16) (Maurice AUTANÉ, Femmes de la Bible,  www.bible-service.net)

Abbé Marcel Villers

CLÉS POUR LIRE MARC : 49. LE PREMIER COMMANDEMENT

Clés pour lire l’évangile de Marc

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Marc. Cette semaine : Mc 12, 28-34 du 31e dimanche du temps ordinaire.

L’amour, premier des commandements
Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. (Mc 12,31)

A la question, « quel est le premier de tous les commandements ? », Jésus en cite deux et conclut néanmoins que les deux ne sont qu’un seul quand il déclare « qu’il n’y a pas de commandement (au singulier) plus grand que ceux-là (au pluriel). » (12,31)
L’objectif du scribe n’est pas de classer les commandements, on en comptait 613 à observer. Sa préoccupation, comme celle de nombreux juifs éclairés – c’est un scribe qui pose la question – est de savoir quel est le commandement qui inclut tous les autres et dont l’observation résume toute la Loi. Autrement dit : quel est l’essentiel que Dieu demande ?
Jésus, dans sa réponse, ne sépare pas les devoirs envers Dieu et ceux envers le prochain qui constituaient les deux tables de la Loi reçue par Moïse. Pour lui, les deux tables n’en font qu’une : elles sont face et pile d’une même attitude, l’amour.

Le vocabulaire de l’amour
Dans le Nouveau Testament, « aimer » traduit le plus souvent le verbe grec agapaô et « amour » le substantif agapê. Ce dernier terme revient 117 fois dans le Nouveau Testament contre trois dans l’Ancien. « L’agapê est une notion complexe, car les Évangiles désignent par le même mot la dilection du Père pour son Fils, la compassion du bon Samaritain… Cela étant, l’agapê se présente plutôt comme le plus noble des amours selon deux directions, envers Dieu et envers les hommes.
Dans les synoptiques, l’agapê est un attachement foncier, lucide et manifeste. Il est gratuit de la part de Dieu et, de la part des hommes, il est tout imprégné de reconnaissance envers Dieu tout en étant spontané, désintéressé et tendre vis-à-vis du prochain. Il connaît son point suprême de perfection dans l’amour des ennemis et le pardon. » (Olivier BOBINEAU, L’empire des papes, 2013, p.45)
La Vulgate (version latine de la Bible – Ve s.) traduit le grec agapê par le latin caritas qui amène dans la tradition chrétienne l’usage du mot « charité » pour exprimer l’amour qui relève des rapports avec Dieu et le prochain. Ce vocable a perdu de sa noblesse et est aujourd’hui traduit par « amour ».

Abbé Marcel Villers

CLÉS POUR LIRE MARC : 48. L’AVEUGLE QUI VOIT CLAIR

Clés pour lire l’évangile de Marc

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Marc. Cette semaine : Mc 10, 46-52 du 30e dimanche du temps ordinaire.

L’aveugle clairvoyant
Fils de David, Jésus, prends pitié de moi !  (Mc 10,47)

Du fond de l’abîme, Bartimée, le mendiant, assis au bord du chemin, et donc de la vie sociale, appelle. Il crie. La foi est d’abord un cri, un cri de confiance, un appel au secours. En Jésus, lui, l’aveugle reconnaît et proclame : « Fils de David, aie pitié de moi » (10,47).
« Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le » (10,49). L’appel de Bartimée lui est retourné. Il y a renversement qui fait l’originalité du christianisme pour qui Dieu est toujours premier et l’homme toujours réponse.
Celle de Bartimée est immédiate. « L’aveugle jette son manteau, bondit et court vers Jésus » (10,50). Voilà une belle manière de dire la foi. La foi, c’est un bond.
Bartimée quitte son état de mendiant, et, d’un bond, laisse tout pour rejoindre Jésus. Plus besoin de mendier. Désormais, il s’en remet à Jésus qui lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé » (10,52). « Aussitôt l’homme retrouva la vue, et il suivait Jésus sur le chemin » (10,52).

Fils de David
L’idée que le Messie serait un descendant de David n’est apparue que tardivement dans la pensée juive. Dans le Nouveau Testament, appliquée à Jésus, elle le présente comme le roi par excellence. Ce roi est l’élu de Dieu avec qui il fait alliance. Il est juge et libérateur de son peuple. C’est par un roi qu’aux derniers jours, Dieu rétablira son autorité, sa justice et sa paix sur toute la terre. Cette espérance a sans doute nourri l’idée chrétienne de Jésus-Roi, même si les premières générations chrétiennes ne semblent pas avoir accordé grande importance à la figure messianique du Fils de David. (J-J. VON ALLMEN, Vocabulaire biblique, 1969, p.138)
« Hégésippe (2e s.) raconte que sous l’empereur Domitien (81-96), des petits-neveux de Jésus, paysans de Galilée, ont comparu devant l’empereur parce qu’ils étaient Davidides. Donc, que la famille de Joseph descende du roi David serait véridique. Néanmoins, Jésus n’en a jamais déduit une quelconque prétention messianique. » (Daniel MARGUERAT, L’homme qui venait de Nazareth, 1990, p.111)

Abbé Marcel Villers