Le Royaume de Dieu est plus vaste que l’Église visible !

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Homélie de l’abbé Marcel Villers
pour le 26ème dimanche ordinaire (année B)
Mc 9, 38-48, 27 septembre 2015

Curieuse la réaction de Jean !
Ne devrait-il pas se réjouir de voir Dieu agir en-dehors du groupe des apôtres ?
Eh bien ! non.

Pour lui, il est impensable que Dieu soit à l’œuvre dans cet homme qui soulage les malades, expulse les démons.

Mais pourquoi cela ?

Tout simplement parce que cet homme n’est pas du groupe des disciples officiels et parce que Dieu ne peut agir en-dehors de ses élus.

Étonnant, n’est-ce pas ?

Et pourtant, hors de l’Église, pas de salut, a-t-on longtemps répété.

On concevait alors l’humanité comme séparée en deux blocs, en deux ensembles quasi étanches : d’une part, les chrétiens qui avaient l’espoir d’être sauvés et d’arriver au paradis; d’autre part, tout le reste des hommes : païens, infidèles qui, eux, n’avaient aucune chance de salut.

Dans ces conditions, on identifiait l’Église et le Royaume de Dieu.

On réagissait comme l’apôtre Jean lorsqu’il disait : Maître, nous avons vu quelqu’un expulser des démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent.

Aujourd’hui, la situation est presque à l’exact opposé.

Au Concile Vatican II, l’Église a publiquement et solennellement reconnu le droit de tout homme à la liberté religieuse et de conviction.

Ce qui implique que nul État ne doit violer l’intimité des consciences, dans un sens ou l’autre, et il en est de même pour l’Église qui doit respecter toutes les convictions et religions plutôt que de les considérer comme des erreurs. C’est que, selon le Concile, tous les hommes reçoivent dans leur vie la lumière de la grâce qui peut les sauver.

Ainsi, la chance de notre temps est d’avoir appris que le Royaume de Dieu est plus vaste que l’Église visible, d’avoir découvert qu’il en va de l’Église comme d’un iceberg dont la partie invisible est beaucoup plus importante que sa partie visible car Dieu veut que tous les hommes soient sauvés.

Tout cela demande un profond changement de nos mentalités et de nos comportements. Il n’est pas facile d’admettre et de vivre une telle attitude d’ouverture, de non-repli sur soi et son horizon familier.

Mais n’est-ce pas cela être catholique au sens fort du mot : ouvert à tous, ouvert à l’universel ? Nous perdons notre identité de chrétiens quand nous nous refermons sur nous-mêmes.

Celui qui n’est pas contre nous est pour nous.

Il n’est pas facile de reconnaître, comme nous y invite Jésus, que des hommes qui n’appartiennent pas à notre Église ou ne partagent pas notre religion soient aussi des « instruments » de Dieu. Mais nous ne sommes pas propriétaires de l’Esprit saint, ni de la grâce.

On se rend bien compte de la conversion que cela représente quand aujourd’hui on entend encore dire à propos des réfugiés : Oui, s’ils sont chrétiens, sous-entendu, pas les musulmans. Il faut les en empêcher, car ils ne sont pas de ceux qui nous suivent, disait l’apôtre Jean.

Pas facile de changer une mentalité, surtout quand elle est marquée par la peur de perdre, se croit menacée. Pourquoi avons-nous peur ? Parce que nous n’avons plus confiance en nous-mêmes, que nous ne sommes plus assurés de notre identité.

Mais s’enfermer dans un « entre soi », c’est oublier que, pour qu’il y ait un « nous » dans une société, il importe qu’il y ait des « autres ». On ne construit pas une communauté avec les mêmes, sur l’homogène, l’absence de différences. L’Église ne peut être une secte, un clan, un ghetto.

Il est encore plus difficile d’aller plus loin et d’admettre que ce qui est vrai, bon et saint chez les Juifs, les Musulmans, les Bouddhistes peut être message de Dieu pour nous aussi, qu’ils ont à nous en apprendre sur Dieu.

Pour nous, Jésus est la voie, la vérité et la vie. Il l’est pour tous, qu’ils s’affichent chrétiens ou non.

Mais cela ne signifie pas que Jésus soit notre propriété exclusive. Il appartient à tout homme.

Celui qui n’est pas contre nous est pour nous.

Voilà qui en dit long sur la nouvelle manière d’aborder la mission des chrétiens dans le monde. Le mois d’octobre, mois des missions, nous y invite chaque année.

Abbé Marcel Villers