La chronique du 29 novembre 2020 de notre Curé

Il a demandé au portier de veiller

Ce mercredi, nous avons assisté à la mort inattendue mais prévisible d’un « dieu ». Diego Maradona restera certes une légende unique du ballon rond ! Toutefois, le « gamin en or » n’est jamais arrivé à gérer les conséquences de sa célébrité. Au-delà de l’épisode de la « main de Dieu » qui se passait sur le terrain d’une coupe du monde dans un contexte d’arbitrage d’une époque révolue, il y a eu d’autres terrains avec frasques et excès. Notre George Grün national, avec sagesse, a résumé les choses en ces mots : «  la vie de Maradona est l’exemple type de ce qu’il ne faut pas faire. »

Sans intention de procès d’une personne douée d’un incroyable talent, je veux ici m’attarder sur les échos faits dans les médias. « La main de Dieu », « jouer comme un dieu », « Maradona immortel », « éternel »… Il est frappant que dans la recherche de superlatif, la voie du vocabulaire religieux se prenne si aisément. Exaltation et confusion. J’ai même entendu un commentateur dire : «  le problème avec un dieu c’est qu’il ne ressuscite pas ! » Je pense que celui-là avait un propos plus réfléchi… Enfin notre société qui se veut désacralisée n’y arrive pas vraiment et joue avec des concepts dont elle a perdu le sens. La divinisation à sa mort d’un être reconnu exceptionnel n’est pas un phénomène nouveau. Le polythéisme de l’Antiquité en a joué. Même la théologie de Paul se montre proche de cette dynamique à la différence que lui voit dans la mort et la résurrection du Christ une révélation. Le fait divers que j’évoque renvoie à l’intelligence du contenu de notre foi. Il y a dieu et Dieu, immortalité et éternité. L’occasion de faire une piqûre de rappel, sans doute nécessaire. Un dieu se raccroche au polythéisme ; s’il est immortel, il a toujours une origine divine soit par engendrement soit par création. Être d’exception, il a souvent bien des failles et des travers. Ses actions peuvent donc être arbitraires. Celui qui nomme Dieu est pour les trois grandes traditions qui le reconnaissent, unique, transcendant et éternel, il est incréé, il n’a pas de début ni de fin, toutes ses décisions et actions font la promotion de la vie humaine notamment…

En ce début de l’avent, il m’a paru bon de rendre sens aux mots et concepts pour mieux nous tourner vers Celui que nous attendons comme personne unique. « C’est toi Seigneur notre Père ; « notre rédempteur depuis toujours » déclare le prophète Isaïe (63. 16b- 64.7).  Je remarque que cette reconnaissance filiale contient en germes notre propre divinisation qui ne se fera pas par acclamation populaire mais par création et sanctification. Isaïe toujours : « Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes, nous sommes tous l’ouvrage de tes mains. » Saint Paul complète : « Dans le Christ, vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la parole et de la connaissance de Dieu. Car le témoignage rendu en Christ s’est fermement établi parmi vous. Ainsi, aucun don de la grâce ne vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ » (1 Co 1.3-9).

En cet Avent très particulier, il est bon d’essayer de mieux connaître Celui que nous attendons et d’être confortés dans le fait que nous avons tout ce qu’il faut pour bien le recevoir. Bien sûr mais c’est avec de la peine puisqu’il nous manque la dimension collective inhérente à la Révélation et à la vie chrétienne comme le dit Paul. Le « parmi vous » a pris des formes pour le moins pénibles en cette année. Cependant, je ne peux croire qu’humainement déjà, les liens fraternels tissés parfois depuis tant d’années se dissolvent si vite. Surtout aucune grâce ne nous manque pour l’attente, Paul vient de nous le redire. La semaine dernière, Jésus nous rappelait sa présence dans le plus petit de nos frères dans le besoin. Le Christ qui vient est déjà à nos côtés, dans nos familles, dans le voisin, dans l’amie qui téléphone.

C’est l’évangile de Marc que nous ouvrons ce dimanche pour nous accompagner dans notre nouvelle année ! Il est comme une carte de vœu qui contient bien plus que des souhaits. Au fil des pages, au fil des jours, il va nous montrer combien l’universel est important. C’est l’évangile de l’ouverture au monde. Que d’actes de foi d’étrangers envers Jésus ne contient-il pas ! Et nous qui le connaissons, nous serions moins capables de le reconnaître ? L’évangile ne rime pas  avec… mais il est libération, liberté, ouverture, universel.

Paradoxe que ce que j’évoque est à recevoir au milieu d’enfermements, de contraintes, de pertes de repères. Cependant j’étais encore frappé dernièrement par des témoignages d’otages qui dans leur prison, devant leur avenir incertain, se sont convertis ou ont puisés une force inouïe dans la foi, avec une simple Bible ou parfois même le Coran. L’évangile de Marc est le cadeau de Dieu qui vient, ne l’oublions pas !

Si nous avons à nourrir notre foi et notre espérance tout en faisant œuvre de charité, il est nécessaire au nom même de l’incarnation de prendre soin de nous. Jean Denis Budin, expert en gestion de crise, propose de voir notre vie comme un trépied. Cette image me parle beaucoup. Traire une vache à l’ancienne m’a appris que le trépied apporte à la fois de la stabilité… et la souplesse de vite s’écarter en cas de mouvement intempestif de l’animal. Avec un bon trépied, on n’est jamais déstabilisé. « Le secret réside dans l’équilibre global de la vie, dit J.D. Budin, scannez votre vie dans son intégralité. Vie professionnelle, personnelle et « troisième vie » – tout ce qui vous apporte du plaisir, en dehors des vies affective, familiale et professionnelle. C’est un lieu d’aération et de socialisation… il s’agit d’un ressourcement personnel, sans enjeux de compétition ou autres, pour lequel vous n’êtes ni l’organisateur, ni l’un des responsables mais simple consommateur… si votre vie repose sur ce trépied, vous serez d’aplomb. Si l’un pied rompt, même si vous êtes déséquilibré, car les deux autres compenseront, vous supporterez le choc et tiendrez le coup jusqu’à la réparation qui vous permettra de retrouver un équilibre… Il est impératif de se créer des bulles d’évasion pour se ressourcer au quotidien. Dans cette période de marasme, ce sont les petites victoires qui sauvent. » Dans son interview (La Vie 3925), l’auteur vise toutes les situations du confinement : isolement, télétravail, porosité due à la présence liée au même lieu (vie de famille et travail), la perte ou la menace sur l’emploi… Ce spécialiste lance encore un appel : « libérons la parole. Il ne faut jamais rester plus de 24 heures sans parler à quelqu’un. »

 Cette chronique a commencé sur les confusions présentes dans le monde. Elle se termine sur une lumière qui vient sur ce même monde. Faut-il nous en étonner, nous qui sommes appelés à veiller ? Veiller d’une garde active, paisible et la plus sereine possible. Le Christ est lumière, il est bien le Ressuscité. Noël, ce n’est pas fêter son anniversaire, Noël c’est nous entraîner encore et encore à veiller et pouvoir reconnaître Celui qui ne cesse d’incarner, de proposer son indicible lumière dans le prochain, en nous-mêmes depuis le jour où il a éclairé le visage d’un simple nouveau-né dans une crèche de Bethléem !

« C’est comme un homme parti en voyage : en quittant la maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, il a fixé à chacun son travail et a demandé au portier de veiller » (Mc 13.33-37).

Cette parabole est comme un résumé de celle des talents. Alors vaquons à notre tâche et soyons comme le portier vigilant. Le temps des retrouvailles s’approche, la fête sera décalée mais pas annulée : la joie dans la communion n’en sera que plus belle.

Dans l’espérance, en ces jours aux longues nuits, j’ose et veux vous souhaiter une bonne année chrétienne éclairée par les mots de saint Marc. Notre avenir, c’est le Christ Jésus.

Jean-Marc,

votre curé.

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