Fête de la Transfiguration du Seigneur
Cette fête est connue en Orient dès le IVe s. C’est l’époque où « l’impératrice sainte Hélène fait bâtir, sur le Thabor, une basilique de la Transfiguration, ce qui laisse supposer que la fête était connue depuis une date plus reculée. »[1] Primitivement, la fête de la Transfiguration commémore la dédicace de l’église du Mont-Thabor qui aurait donc eu lieu un 6 août. En Occident, on trouve trace d’une fête de la Transfiguration aux XIe-XIIe s. dans les liturgies mozarabes et de Cluny.
C’est seulement au XVe s. que la fête de la Transfiguration est étendue, en 1457, à toute l’Église latine par le pape Calixte III (1455-1458) pour commémorer la victoire qui « décida, déclara-t-il, du sort de la Chrétienté ».[2] En juillet 1456, le sultan Mehmet II (1432-1481), qui venait de prendre Constantinople en 1453, met le siège devant Belgrade qui appartenait au royaume de Hongrie. L’arrivée de troupes hongroises transforme le siège en une bataille qui voit la victoire des Hongrois sur les Ottomans, contraints de lever le siège et de battre en retraite. La nouvelle de la victoire des Chrétiens sur les Turcs arrive à Rome le 6 août, fête du Sauveur, fête patronale de la basilique St-Jean-de-Latran dont le titre premier est « basilique du Très-Saint-Sauveur. »[3]
La date du 6 août est en rapport avec la fête de l’Exaltation de la Croix du 14 septembre. Quarante jours les séparent, reprenant ainsi la séquence des évangiles pour qui la Transfiguration « prépare le cœur des disciples à surmonter le scandale de la croix. »[4] Jésus leur avait annoncé qu’il allait être trahi et mis à mort, qu’il toucherait alors le fond de l’humiliation. Maintenant, sur la montagne, il leur montre l’issue : la glorification lumineuse, la métamorphose de la résurrection. Cette transfiguration est ce qui nous attend aussi : « en ce jour, sur le Thabor, le Christ transforma la nature enténébrée d’Adam. L’ayant illuminée, il la divinisa. »[5]
La Transfiguration a, enfin, un aspect cosmique. La lumière divine transforme le corps mortel en corps de gloire, la matière elle-même est ainsi glorifiée, transfigurée. Nous en connaissons déjà un avant-goût avec le pain et le vin de l’eucharistie, corps et sang du Christ. Dans l’Église orthodoxe, la liturgie de la fête de la Transfiguration est suivie par le rite de la bénédiction des fruits. « Les nations méridionales apportent à l’église le raisin, symbole de tous les produits de la terre. Les peuples septentrionaux apportent les pommes. En Russie, les paysans ne mangeaient pas de fruits avant le 6 août et ils venaient à l’église faire bénir des pommes rouges (le rouge, couleur du sang, symbolise la vie).[6]
Abbé M. Villers
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[1] C. Andronikoff, Le sens des fêtes, 1970, p.253-254.
[2] Missel romain quotidien, Hautecombe, 1961, p. 1706.
[3] Les quatre basiliques, Cité du Vatican, 2004, p.15.
[4] Préface de la fête.
[5] Tropaire des vêpres dans la liturgie orientale.
[6] Andronikoff, p. 251-252.