HOMÉLIE CARÊME THEUX 2025 DEUXIÈME DIMANCHE

2°dimanche de carême. Lc 9,28-36. 

Avenir source d’espérance

Nous sommes invités, au début de ce carême, à en contempler par avance le terme. Mettons nos pas dans les pas de Jésus pour gravir avec lui la montagne où il va être inondé de la lumière divine. Cet itinéraire est constitutif de notre existence de chrétien. Il est aussi celui du carême qui nous conduit derrière Jésus à la Gloire de la Résurrection que nous célébrons à Pâques. Au bout de notre route d’homme et de croyant, conformés au Christ, nous passerons avec lui dans le Royaume des Cieux. Là est notre avenir, notre espérance.

Ils virent la gloire de Jésus… son visage apparut tout autre, ses vêtements devinrent d’une blancheur éclatante.
La gloire, dont il s’agit ici, n’est autre que l’irradiation de l’être de Dieu, semblable à l’action de la lumière. La lumière réchauffe, nous enveloppe ; nous y sommes plongés mais nous ne pouvons pas saisir la lumière, la capturer, elle échappe à nos prises. Comme Dieu.
Cette lumière, la voilà qui irradie le visage et le corps de Jésus. Jésus est irradié, conformé à l’être même de Dieu. Et surprenant, c’est de lui que la lumière rayonne. Non plus récepteurs, son visage et son corps sont diffuseurs.
Cette irradiation de tout son être révèle la véritable nature de Jésus, Celui-ci est mon Fils, dit la voix sortie de la nuée.
C’est aussi l’avenir de toute créature. Sur le Thabor, le Christ transforma la nature enténébrée d’Adam. L’ayant illuminée, il la divinisa.

Nous sommes citoyens des cieux, écrit St. Paul, le Seigneur transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux. (Ph 3)
Tel est notre avenir, telle est notre espérance !

Il est heureux que nous soyons ici, dressons trois tentes, propose Pierre. Il ne savait pas ce qu’il disait, ajoute l’évangéliste.
Il ne s’agit pas de rester là à regarder le ciel et à contempler la splendeur qui nous attend. Le chrétien n’est pas destiné à planer dans un ciel imaginaire, mais à redescendre des hauteurs, de la montagne.
Notre Dieu n’est pas celui qui invite à fuir ce monde, mais celui qui envoie les hommes dans l’histoire, vers l’avenir.
Dieu de l’Exode et de la Résurrection qui dit : « Voici que je fais toutes choses nouvelles ».
A nous de transformer la figure de ce monde comme le Christ a transfiguré le visage de l’homme et sa figure sociale.
L’espérance n’apporte pas le repos car elle ne peut pas s’accommoder de la réalité telle qu’elle est. Le christianisme est tout entier espérance, perspective,  orientation en avant.
La Transfiguration, la Résurrection, voilà l’espérance de la terre.
Cette espérance prend soin avec douceur de la terre dévastée et des hommes maltraités.
C’est tout le sens de notre carême : Semons la solidarité, cultivons l’espérance. Les deux vont de pair.
Abbé Marcel Villers

HOMELIE : CARÊME THEUX 2025. PREMIER DIMANCHE

1° dimanche de carême. Lc 4,1-13. Theux 2025

Au début de cette Année sainte, centrée sur le thème de l’espérance, nous sommes invités par notre évêque, Mgr Delville, à vivre le carême comme un temps de conversion à l’espérance.
Sa lettre de carême définit l’espérance comme une rencontre entre nos attentes et la grâce de Dieu. En effet, nos attentes restent limitées : la santé, le bonheur, le succès, le profit, la victoire… Mais, l’espérance donnée par Dieu ouvre de vastes horizons à nos vies et nos travaux.

« Semons la solidarité, cultivons l’espérance », nous dit la campagne de Carême, promue par Entraide et Fraternité, cette année en faveur des populations du Pérou.

Ordonne à cette pierre de devenir du pain.
Au pain que le démon voudrait voir sortir tout de suite des mains de Jésus, celui-ci promet une autre sorte de nourriture.
La gloire de tous ces royaumes, je la donne à qui je veux.
Au pouvoir immédiat sur toutes les nations de la terre, que lui offre le démon, Jésus oppose le pouvoir qui vient de Dieu seul.
Jette-toi en bas et les anges te porteront.
A la promesse d’une action immédiate de la Providence, Jésus oppose le respect du temps et de l’action de Dieu.

« Face au démon qui prône la satisfaction immédiate, Jésus résiste en opposant l’espérance en un futur nouveau, écrit notre évêque. Nous aussi devons résister à la tentation du tout tout de suite, qui est le contraire de l’espérance. »

Les trois tentations de Jésus nous donnent une clé de lecture de notre situation individuelle, mais aussi sociale.
Le pain évoque la dimension économique ; la puissance évoque la dimension politique ; le temple, la dimension religieuse de nos sociétés. Trois dimensions en crise aujourd’hui.
L’économie centrée sur le productivisme, la consommation conduit à l’impasse que souligne l’écologie. Le diable est dans l’idéologie de la croissance à tout prix.
Le politique est contesté, incapable de résoudre la crise du vivre ensemble. Populismes et replis sur soi font le lit du diable
La religion connaît une désaffection des institutions, une privatisation rampante, et en même temps un ensauvagement du religieux laissé à lui-même, dont les attentats sont un reflet.

Que ce soit dans la société ou dans l’Église, nous devons « travailler au bien commun et non à l’intérêt individuel, souligne notre évêque ; résister au pouvoir absolu de l’un ou de quelques-uns ainsi qu’au rejet des autres, comme les pauvres, les réfugiés ; résister à la tentation du dieu magique », et prendre en mains notre temps, notre avenir.

Le contexte actuel peut pousser au découragement et au pessimisme. Nous ne devons pas céder, mais résister à cette tentation et à celle du « tout, tout de suite », au coup de baguette magique.
« La situation du monde actuel est une situation d’enfantement et un enfantement s’accompagne toujours d’espérance, et donc de responsabilité » (Athénagoras, 1969).

Abbé Marcel Villers

HOMÉLIE DU QUATRIÈME DIMANCHE DE L’AVENT. THEUX 2024

4° dimanche Avent C. Lc 1, 39-45.Theux 2024
MISSIONNAIRES, PÈLERINS DE L’ESPÉRANCE

Heureuse, celle qui a cru ! Telle est la béatitude de Marie, celle qui a dit oui au projet de Dieu. Celle qui a conçu et mis au monde le Sauveur, son Fils, Jésus.
Avec elle, nous demandons au Seigneur d’augmenter notre foi et notre oui à la volonté de Dieu. Car qu‘est-ce qu’un chrétien sinon celui qui, comme Marie, accorde sa volonté à celle de Dieu.
Nous le demandons chaque jour : « Notre Père, que ta volonté soit faite ».
Merci, Marie, la première des disciples et le modèle de la foi.

« Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. »
Cet engagement du Christ est aussi celui de Marie, et celui de tout chrétien.
« Heureuse celle qui a cru. » affirme Élisabeth à Marie. En Marie, nous reconnaissons le modèle du chrétien et la figure de l’Église. Son oui ouvre l’humanité à l’accueil du divin, du don de Dieu au monde, à savoir Jésus.
Marie est la figure de l’Église. Marie est habitée par une vie nouvelle. C’est Jésus que déjà elle porte. Comme l’Église, comme tout chrétien, d’une certaine façon.

Et que fait Marie de cette promesse, de ce don de Dieu ? « En ces jours-là, Marie se mit en route rapidement. »
Elle est comme poussée, pressée par le Christ qui prend corps en elle. La « hâte » de Marie pour se rendre chez sa cousine, exprime l’urgence de la mission. La mission de l’Église dans le monde est une visitation. Comme Marie, l’Église porte en elle l’Emmanuel. Chaque chrétien porte le Christ. Il est notre secret comme celui de Marie.

Mais elle ne sait comment le dire. Et voilà que la rencontre d’Elisabeth provoque la révélation : « Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de tes entrailles est béni. »
Dans toute action missionnaire, comme Elisabeth à Marie, c’est l’autre que nous rencontrons qui nous révèle le Christ que nous lui portons, tout au moins un visage du Christ que nous ne connaissions pas. Et l’on se découvre en quelque sorte évangélisé par l’autre.

On comprend alors pourquoi Marie court si vite chez Elisabeth. Cet enfant qu’elle porte, il faut encore qu’elle apprenne à le connaître. C’est là le rôle d’Elisabeth. La mission, c’est tout autant porter le Christ aux autres que le recevoir d’eux. Il n’y a pas de sens unique pour la découverte du Christ.

L’attitude fondamentale, l’essence de la vie missionnaire consiste à se mettre dans la position de l’invité. Plutôt que de se situer comme le visiteur arrogant qui veut conquérir les autres à ses propres vues, le missionnaire est celui qui se déplace vers l’autre, déplacement physique, souvent géographique, mais surtout déplacement de position. Le missionnaire demande hospitalité dans la maison de l’autre. C’est aujourd’hui ce que les catholiques de Belgique demandent.

Abbé Marcel Villers

HOMÉLIE DU DEUXIÈME DIMANCHE D’AVENT. THEUX

2° dimanche Avent C. Lc 3,1-6.Theux 2024

« Préparez le chemin du Seigneur. » Tel est le message des prophètes. Tel est l’appel lancé par Jean, le Baptiste.
« Préparez le chemin du Seigneur, car il vient. » C’est bien là le résumé de l’espérance d’Israël, de la foi de l’Église.
Oui, notre Dieu est, par définition, celui qui s’approche. Il est mouvement vers l’homme. Si le Seigneur est en route, encore faut-il pour qu’il nous rejoigne que le chemin, de notre côté, soit dégagé.
Rendez droit le sentier, demande le Baptiste. Comblez les ravins. Abaissez les montagnes. Voilà qui nous est demandé en ce temps de l’Avent, temps d’attente, d’espérance et de préparation à la venue du Sauveur. Gardons allumée la flamme de l’espérance.
Dans le désert, « Jean proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés. » Mais pourquoi dans le désert ? Le désert est le lieu de la création, du neuf. Avec Jean et le baptême, c’est un commencement qui est en route.
Ce commencement débute par la conversion, acte de recommencement, signe de changement de direction, choix d’une nouvelle route à suivre.
C’est bien le sens du Jubilé, Année Sainte, qui propose un chemin de conversion et de pardon qui se concrétise par le pèlerinage à Rome et dans d’autres lieux désignés par chaque évêque.

La conversion, c’est aussi ce que nous sommes appelés à vivre en tant qu’Église. D’une Église nombreuse et omniprésente dans l’espace social « émerge aujourd’hui une Église petite qui doit recommencer au début. Un peu comme Jean nous appelle au désert. Cette Église modeste ne remplira plus les nombreux édifices bâtis au temps de sa splendeur. Elle sera, selon Benoît XVI, une Église intériorisée, pauvre et faite de gens humbles. »

Loin de l’Église de masse d’hier, c’est aujourd’hui une Église en diaspora, dispersée en petites communautés comme en un archipel. Elle retrouve sa vocation de petit reste et de témoins silencieux de l’amitié divine. « L’Église de la Diaspora, écrit Karl Rahner, est une Église de membres actifs, une Église de laïcs ayant le sentiment d’en être les vrais éléments responsables. Le christianisme ne peut plus s’appuyer sur le cadre des institutions, qu’il s’agisse de morale, d’usages, de traditions, etc. C’est à chacun de se l’approprier par un effort personnel de reconquête ; le temps n’est plus où on n’avait qu’à le recevoir à la façon d’un héritage. Il est fait appel à la décision personnelle, à l’individu dans son autonomie. Le christianisme de recrutement devient un christianisme d’élection. »

Nous retrouvons aujourd’hui la situation de l’Église primitive, constituée de petites communautés fraternelles dans un milieu païen, dispersées au milieu des peuples et des nations, sans puissance extérieure, pauvres et faibles. Dans cette situation de fragilité, une communauté est menacée de disparaître si elle n’est pas fraternelle, synodale, dit-on aujourd’hui. Et surtout, elle tirera sa force d’une espérance vivante dans le Seigneur qui vient. L’Année sainte nous invite à retrouver la force de regarder l’avenir avec confiance et de nous transformer en pèlerins de l’espérance.

Abbé Marcel Villers

Illustration : Picasso, L’arlequin et l’acrobate, 1905.