CLÉS POUR LIRE MATTHIEU : 47. OUI ET NON

Clés pour lire l’évangile de Matthieu

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier l’évangile de Matthieu dont nous suivons la lecture liturgique. Aujourd’hui : Mt 21, 28-32 du 26e dimanche ordinaire.

Oui et non
« Lequel des deux a fait la volonté du père ? » (Mt 21, 31)

Par respect pour son père ou par peur, le deuxième fils dit « oui » à son père, mais ne va pas travailler à la vigne. L’autre est direct : « je ne veux pas aller travailler à la vigne. » Mais s’opère ensuite un retournement, que l’évangile appelle « repentir », et finalement, il va travailler.

Jésus montre que l’on peut très bien dire oui à Dieu et ne pas faire sa volonté. Ainsi les chefs du peuple Israël ont vu Jean-Baptiste et Jésus. Ils ont entendu leur appel à la conversion, mais ils ne se sont pas repentis. Publicains et prostituées, eux, ont entendu l’appel, y ont cru et se sont repentis.

Ce que nous nommons la foi, on ne peut y entrer que par le repentir. Les pécheurs publics sont les premiers à entrer dans cette logique. Eux, se savent loin de Dieu et qu’ils ne s’en sortiront pas d’eux-mêmes. Quant aux élites de la nation et de la religion, ils ont plutôt le sentiment contraire, cette espèce d’autosatisfaction qui leur fait penser que leurs mérites suffisent.

Les paraboles de jugement
Jésus est venu comme Sauveur des pécheurs. Une série de paraboles visent à présenter et justifier cette Bonne Nouvelle du salut et sont adressées aux adversaires de Jésus. « Elles sont les armes de Jésus dans le combat qu’il mène contre les critiques et les adversaires de la Bonne Nouvelle : tous ceux pour qui il est révoltant de penser que Dieu veuille avoir affaire avec les pécheurs et qui sont choqués de la commensalité de Jésus et des méprisés. Ceux-là sont invités à se regarder eux-mêmes. La justification de l’Évangile devient une accusation sévère : vous êtes comme ce fils qui répond servilement oui à ce que lui commande son père, mais qui refuse ensuite de lui obéir. » (J. JEREMIAS, Les paraboles de Jésus, 1962)

Abbé Marcel Villers

Stratégie… et victoire!

BaptisterePFHomélie de l’abbé Marcel Villers pour le
1er  dimanche de Carême, année A
Mt 4,1-11

A l’exemple du Christ, la vie chrétienne implique un combat, une lutte.

Les tentations de Jésus, comme d’Adam et Ève, sont représentatives des épreuves, des combats de l’homme de foi. Ces récits, de la Genèse et des tentations au désert, mettent en scène une réalité intérieure et permanente pour le chrétien. Que ce soit le serpent ou le démon, nous sommes face à des ennemis dont le champ de bataille est notre âme. Être chrétien n’est pas de tout repos mais va de pair avec une lutte contre ces Puissances occultes, ces Forces des ténèbres qui peuplent notre cœur. Nous partageons cet aveu de St Paul : ce que je veux, je ne le fais pas, mais ce que je hais, je le fais. 

Pourquoi nous mettre sous les yeux, au début du carême, cette sombre réalité du péché, des tentations, des ténèbres qui agitent notre âme ?

Pour deux raisons.

Nous faire souvenir que la vie chrétienne est un combat et qu’il est donc nécessaire de s’y entraîner. C’est l’objectif du carême qui est un temps d’exercice, un genre de manœuvres, comme en font les militaires, pour se préparer à la guerre.

La seconde raison est de placer, sous nos yeux, au début de cette période d’entraînement du carême, que la victoire est possible. Jésus en est le témoin à l’encontre d’Adam. Voilà qui ne peut que nous encourager en nous ouvrant à l’espérance : l’ennemi peut être vaincu.

Mais cette victoire n’est possible qu’à certaines conditions que les textes de ce jour mettent en lumière à qui sait les déchiffrer.

Le récit de la chute d’Adam et Ève nous permet de repérer la stratégie de l’ennemi.

Le récit de la victoire de Jésus au désert nous indique les armes à utiliser pour vaincre.

Les premiers, Adam et Ève, se laissent entraîner par la jalousie qu’ils prêtent à Dieu, d’où naît la volonté de se séparer de lui dont ils refusent de dépendre. Ils se font « Dieu » comme s’ils pouvaient s’être créés eux-mêmes.

Or, nous dit la Genèse, Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ;il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. C’est de Dieu que nous recevons la vie, c’est son souffle qui nous tient en vie. Entre Dieu et l’être humain, il y a une véritable communion ; nous sommes ses créatures, ses enfants.

La stratégie du serpent est de briser cette communion entre Adam et Dieu. Pour cela, son astuce est de faire passer Dieu pour un jaloux. Si Dieu a interdit de manger les fruits de l’arbre du milieu, c’est, susurre le serpent, parce que Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux.

Le serpent installe ainsi le doute, le soupçon, qui crée la distance et la concurrence de l’homme avec Dieu. Cette distance devient désobéissance, refus du commandement de Dieu : ils mangent les fruits. Le résultat : leurs yeux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus. Nus, c’est-à-dire, sans protection, faibles et démunis. Image de notre condition humaine, fragile, mortelle, pécheresse.

Le péché, c’est la séparation avec Dieu. Et sans Dieu, sans son souffle, c’est la mort.

Tous sont devenus pécheurs parce qu’un seul homme a désobéi, conclut saint Paul. Mais il ajoute aussitôt : tous deviendront justes, parce qu’un seul homme a obéi. Tout est donc lié à l’obéissance, qui est une forme de communion des volontés. L’obéissance est source de vie ; la désobéissance, source de mort.

Si Jésus est vainqueur, c’est par l’obéissance. Il se reconnaît issu de Dieu, il est le Fils. Le démon, comme le serpent de la Genèse, cherche à installer la contradiction entre Jésus et Dieu, à placer un coin entre eux, à faire une brèche dans leur communion pour arriver à séparer Jésus et son Père.

Comme avec Adam et Ève, le démon installe le doute : si tu es le Fils de Dieu… Autrement dit, « en es-tu si sûr ? que Dieu te le prouve ! teste-le. » Mais Jésus refuse : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu.

La stratégie du démon avait réussi avec Adam et Ève, elle échoue avec Jésus.

L’arme décisive de sa victoire : l’obéissance, la communion à la Parole de Dieu, son Père. Il est bien le Fils dont la nourriture est de faire la volonté de son Père. Car ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre,mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. 

C’est dans la communion des volontés de Dieu et de l’homme qu’est le salut.

L’homme ancien, c’est Adam qui rejette cette communion par sa désobéissance. L’homme nouveau, c’est le Christ car pleinement uni à Dieu, son Père. Cet homme nouveau, nous pouvons le devenir par notre union au Christ Jésus. C’est bien ce qu’opère le baptême : la naissance de l’homme nouveau.

C’est pourquoi nous avons placé sur l’autel cette statue de l’homme nouveau qui, tout au long du carême, nous en rappellera le but : faire mourir le vieil homme. C’est aussi pourquoi nous mettrons en évidence, par une décoration appropriée, les fonts baptismaux : ces eaux d’où naît l’homme nouveau.

Abbé Marcel Villers

HommeNouveauPFMerci à Paul pour ces excellentes photos!