FÊTES LITURGIQUES : SAINT-SACREMENT ou FÊTE-DIEU

Solennité du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ

Au XIe s., le rapport des chrétiens à l’eucharistie connaît un changement essentiel. Jusqu’alors la messe était vécue comme offrande de soi et nourriture de l’âme. Suite aux querelles théologiques portant sur la transsubstantiation, l’attention va se porter sur la réalité de la présence du Christ sous les espèces du pain et du vin.  La raison d’être de l’eucharistie devient de rendre présent le Christ au milieu des hommes. Ce nouvel accent « s’accompagne d’un changement dans la dévotion, le besoin de voir l’hostie pour l’adorer » (A. G. Martimort, L’Eglise en prière, Paris 1961, p. 463), d’où, au moment de la consécration, le rite de l’élévation qui apparaît, pour la première fois, à Paris en 1200.

A Liège, cette dévotion au Saint Sacrement va susciter une nouvelle fête. Sur l’insistance de sainte Julienne de Cornillon, l’évêque Robert de Thourotte établit la fête du « Corpus Domini » au niveau de son diocèse en 1246. Un ancien archidiacre de Liège, devenu le pape Urbain IV (1262-1264), étend la fête à l’Église universelle le 11 août 1264. La fête est fixée au deuxième jeudi après la Pentecôte, soit 60 jours après Pâques. Le Pape, qui avait été un temps patriarche de Jérusalem, « était poussé par une spiritualité qui se centrait toujours plus sur le Christ et sur la réalité de son existence historique, à la lumière des témoignages des croisés qui se rendaient en Terre Sainte. » (Jean-Pierre Delville, L’universalisation de la Fête-Dieu par le pape Urbain IV, in Eglise de Liège, mai-juin 2014) Le formulaire de la messe est attribué à saint Thomas d’Aquin (1224-1274). Les oraisons puisent leur densité doctrinale dans un article de sa Somme théologique. La séquence Lauda Sion, modèle d’une poésie dogmatique, est un chef d’œuvre de théologie et de spiritualité comme le laisse voir cet extrait :

« Ces deux espèces deviennent seulement des formes, non des substances, sous lesquelles subsistent des réalités sublimes…
Le Christ tout entier demeure sous chacune des deux espèces…
Voici vraiment le pain des anges rendu pain des voyageurs de ce monde ».

Cette fête, appelée aussi Fête-Dieu, va donner lieu rapidement, dès 1279 dans le diocèse de Cologne, à une procession au cours de laquelle le Saint Sacrement est montré aux fidèles. L’hostie consacrée, placée dans un ostensoir, est visible à travers la transparence d’un verre. A l’issue de la grand-messe, le Corps du Christ est porté à travers les rues et les places ; c’est Dieu lui-même qui manifeste ainsi sa présence au milieu des hommes. Les processions eucharistiques ne suffirent pas à satisfaire le désir des fidèles de contempler l’hostie. On organisa des expositions du Saint Sacrement à partir de la fin du 14e siècle.

Abbé Marcel Villers