Histoire des missions : 20. Au coeur des masses

20. Au cœur des masses

L’élan missionnaire de la fin des années 1940 pousse à inventer des formes d’apostolat adaptées à un milieu indifférent ou hostile au christianisme. Le fondateur des Petits Frères de Jésus, René Voillaume (1905-2003), propose en 1951, dans « Au cœur des masses », une nouvelle approche de la mission. Ce livre a eu une influence considérable dans la mesure où il a été lu et médité par quasi tout le clergé francophone des années 50 et 60. Le message spirituel qu’il délivre, dans le sillage de Charles de Foucauld, promeut l’idée d’une mission modeste, ramenée à un témoignage discret, voire silencieux, qui accepte l’enfouissement dans l’anonymat, au cœur des masses, et recourt d’abord à la prière. Le partage de la vie des plus pauvres prend le pas aussi bien sur la mission « par le haut », c’est-à-dire la formation et la conversion des élites, que sur la mission « par le bas », à force d’œuvres et de démonstrations publiques.

Les Petits Frères ou Petites Sœurs de Jésus décident de renoncer à toute forme de présence trop voyante dès lors qu’elle est ressentie comme agressive et fait obstacle à la rencontre de l’autre. À la mission conquérante succède ainsi l’expérience de l’humilité allant jusqu’à l’acceptation de l’inutilité, « seul, en bleu de travail, perdu au milieu de vos camarades du chantier ou appliqué en mission à d’humbles tâches de service ou de charité ». Le dénuement expérimenté au cœur des masses musulmanes où vivaient Voillaume et les Petits Frères depuis 1933 en Algérie, devient un modèle pour atteindre les masses ouvrières déchristianisées.[1]

« Nous vivons, écrivent les Petits Frères de Jésus, en petites communautés, que nous appelons “fraternités”, insérées dans les quartiers populaires ; nous essayons de partager au plus près la vie des gens simples, par le travail, le logement, des relations d’amitié, l’engagement dans la vie associative. L’Église nous a reconnus comme une Fraternité ayant une vie contemplative qui nous est propre, faite aussi bien du partage de la condition sociale de ceux et celles qui sont « sans nom et sans influence » que de l’adoration du Christ livré en nourriture pour la vie du monde. Comme le disent nos Constitutions, « les frères sont envoyés au milieu des gens non pour en devenir les pasteurs ou les guides, mais simplement pour être leurs frères. Cette communauté de vie est leur témoignage propre, leur participation à la mission de l’Église. »[2]

On va caractériser ce type missionnaire par un de ses traits : l’enfouissement. Cette logique de discrétion et d’immersion au cœur du monde va constituer, jusque dans les années 70, la forme privilégiée de la mission à une époque où l’Église a perdu son impact sur la société et pensait devoir se faire pardonner son triomphalisme d’hier.

Abbé Marcel Villers
Illustration : deux Petits Frères dans la banlieue d’Alger (1964)

[1] Claude Prudhomme, Le grand retour de la mission ?, in Vingtième siècle. Revue d’histoire, 66, avril-juin 2000. [2]https://petitsfreresdejesus.com/nosfraternites/europe/

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