Vendredi-Saint
« Du haut de son trône patibulaire
Il va régner assisté de larrons
Plus noire que le péché de la terre
Son ombre étreindra de force Sion
Ces trois mâts hissés au sommet du monde
Sont pris en tempête aussitôt plantés
La terre en s’ouvrant dégorge ses tombes
La voile du temple est dilacérée
N’es-tu pas le Christ Sauve-toi toi-même
Crient le vent l’orage et l’un des larrons
L’autre dit tout bas Prends-moi dans ton règne
Comme à ton côté dans ta passion
Et nous qui venons de hurler le pire
Dans l’extrême angoisse où nous ricanons
Forçons notre orgueil notre honte à dire
Souviens-toi de nous qui te crucifions
Un seul soupir plus haut que la tempête
Un seul regard de silence suffit
Jésus en croix tourne vers nous la tête
Et dans ses yeux se lit son Paradis »
(Pierre Emmanuel, Évangéliaire, 1961)
Pierre EMMANUEL (1916-1984), poète français, enseignant et journaliste, élu à l’Académie française en 1968. Il n’aimait pas être défini comme poète chrétien, mais chercheur de Dieu il l’était, passionnément.