SAUVEGARDER LA MAISON COMMUNE
5ème dimanche du carême Theux 2024
L’héritage
Si le grain de blé ne meurt, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits. La croix devient l’arbre de vie. De la mort peut renaître la vie. Comme de l’hiver, le printemps ; du carême, Pâque ; du sacrifice, la résurrection.
Nous inscrivons notre existence et notre action dans ce mouvement de mort et de renaissance. Au long de ce carême, le jeûne, la prière et le partage nous ont fait mourir à nous-mêmes et sont porteurs de fruits au bénéfice de notre propre santé spirituelle comme du salut de nos frères et sœurs accablés par l’injustice et les conséquences de nos œuvres mauvaises. Nous avons aussi entendu « notre sœur la terre qui crie en raison des dégâts que nous lui causons ».
Tout cela a mis en évidence notre interdépendance : nous sommes tous liés les uns aux autres, tant dans le mal que dans le bien.
Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits. De la mort naît la vie. Mort et résurrection rythment l’existence humaine et non seulement sa phase terminale. C’est tous les jours qu’il nous faut mourir et ressusciter, sortir de nos tombeaux, nous réveiller, nous libérer de la mort et nous lever pour vivre et défendre la vie. Mais dans les faits, dans notre comportement quotidien, œuvrons-nous pour la vie ou pour la mort ? Notre action, notre manière d’être contribuent-elles à une culture de la vie ou une culture de la mort ?
Culture de la mort que l’obsession de produire, posséder toujours plus, jusqu’à plus soif, rejetant alors des montagnes de déchets, comme l’on vomit d’avoir trop mangé. Nous avons succombé à la tentation d’Adam qui a mangé le fruit défendu, voulant ramener la création à son ego, jouir de ses fruits pour lui-même, user des produits de la terre comme d’une chose à consommer ou d’une idole. Nous ressemblons à la grenouille de La Fontaine par cette boulimie d’un ego qui veut se faire aussi gros qu’un dieu. La créature perd ainsi toute mesure, notre moi prend la place de Dieu. Aujourd’hui, le climat devenu fou sonne comme une alarme pour stopper ce délire de toute-puissance.
Culture de la mort ou culture de la vie ? Reconnaissons avec humilité et courage notre limite. Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits. Voilà le paradoxe énoncé par Jésus : si tu veux la vie, tu dois accepter la mort, c’est-à-dire, la limite, reconnaître ta condition de créature. Mourir à soi est source de vie. La vie passe par l’autolimitation, le renoncement à la préférence pour soi. N’est-ce pas ce que révèle le destin du Fils de l’homme, la passion de Jésus. Il ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, mais il s’est anéanti, abaissé jusqu’à la mort. De cette mort a surgi la vie. Cette autolimitation ouvre le salut, de même notre sobriété peut ouvrir l’avenir de la maison commune. Tendons l’oreille aux espérances des jeunes et aux rêves des enfants !
Nous avons une grande responsabilité : faire en sorte que leur avenir ne soit pas refusé. Leur avenir et celui de la planète sont entre nos mains.
Abbé Marcel Villers
