Un pardon à demander ?

Une réflexion de l’abbé François-Xavier Jacques, suscitée par la souffrance de familles rencontrées lors de funérailles de personnes décédées en maison de repos ou en hôpital pendant le confinement

Dans la vie, il y a des situations dans lesquelles il n’y a plus de bonnes solutions. Quoi qu’on décide, ce ne sera pas parfait, il y aura des difficultés, des épreuves, peut-être un échec.

Dans la vie, il y a aussi des décisions prises en confiance à un moment donné et qu’on croyait bonnes, qui rencontrent ensuite des difficultés non envisagées ou imprévues et qui, parfois, tournent à l’échec.

N’est-ce pas ce qui s’est passé avec certaines décisions prises pour lutter contre le coronavirus ?

Lorsque le Conseil National de Sécurité a décidé de fermer les maisons de repos et les hôpitaux aux visites des familles et amis, lorsqu’il a interdit les funérailles publiques, lorsqu’il a décidé le confinement, la fermeture des écoles et universités et l’arrêt des activités religieuses, culturelles, sportives, économiques et de loisirs, avait-il envisagé et prévu la grande souffrance des résidents des maisons de repos, des malades hospitalisés, la détresse de leurs familles et du personnel soignant, la grande solitude et les troubles psychologiques de certaines personnes confinées, la violence intrafamiliale, les décrochages scolaires, la désocialisation des petits enfants, les conséquences des soins médicaux à l’arrêt ou au ralenti ??

Il avait sans doute prévu les difficultés économiques puisque des aides ont de suite été organisées. Mais pour tout ce qui est de l’humain, du relationnel, du psychologique, du spirituel, du culturel et même du médical ordinaire ?????

Pour protéger et sauver la vie, les décideurs ont apporté de la souffrance et de la mort. C’était peut-être inévitable. C’était peut-être les moins mauvaises décisions malgré leurs conséquences. Mais ces conséquences étaient-elles envisagées, prévues et assumées ou ont-elles été une très mauvaise surprise ?

Dans la vie, pour vivre dignement et en vérité, pour garder des relations harmonieuses, il faut savoir reconnaître et assumer ses erreurs et demander pardon.

Pour essayer de sortir la tête haute de la pandémie, ne serait-il pas important que les décideurs reconnaissent les douleurs et souffrances entraînées par leurs décisions, même si elles ont été prises en conscience et à contrecœur faute de mieux ? Ne serait-il pas aussi important qu’ils demandent pardon à toutes les victimes des décisions prises ? Demander pardon aux personnes décédées dans la solitude et la détresse et à leurs familles, dans la prière si on est croyant et si on croit en une vie dans l’au-delà et dans un hommage civil pour tous, peut-être par un deuil national ; demander pardon aux résidents des maisons de repos et aux malades en veillant au personnel et à l’équipement des institutions ; demander pardon aux personnes traumatisées par le confinement et aux victimes de maltraitance en leur apportant l’aide psychologique et sociale nécessaire ; demander pardon aux enfants et aux jeunes en décrochage scolaire en soutenant le personnel enseignant ; demander pardon aux victimes économiques en les aidant à recréer ou retrouver de l’emploi et en leur assurant les revenus nécessaires à une vie digne. Des paroles discrètes ont parfois été prononcées, mais ne faudrait-il pas une demande publique de pardon par la parole et par des décisions ? Et ceux qui sortiront indemnes de la pandémie, parfois même grandis et enrichis, ne devraient-ils pas s’associer à cette demande de pardon ?

Au Mali, ils ont une culture de la demande du pardon. A la fin d’une mission, les personnes demandent pardon pour le mal qu’ils ont pu faire et pour le bien qu’ils n’ont pas fait. Lorsque des Européens assistent à de tels moments, ils sont souvent très impressionnés. Nous devrions certainement nous en inspirer.

Et surtout, lorsque nous nous dirons « C’est derrière nous », n’oublions pas toutes celles et tous ceux qui sortiront de la pandémie blessés et abîmés, peut-être pour longtemps.

François-Xavier JACQUES

 

2 commentaires sur « Un pardon à demander ? »

  1. Merci, François-Xavier, pour ces réflexions tellement justes et cette ouverture à une autre culture et ses valeurs.
    Il est vrai que nous vivons trop peu (déjà au niveau personnel) le pardon demandé et reçu alors qu’il est à la base de toute relation vraie…. Que dire alors au niveau des responsables politiques, religieux et autres… qui accepte de reconnaître ses erreurs, croyant par là-même se diminuer ?
    Il est intéressant de savoir que d’autres cultures vivent ce pardon autrement que nous… Merci d’avoir éclairé notre lanterne sur cet aspect essentiel de nos relations.
    Michel GOMEZ

  2. Je ne suis, quant à moi, pas entièrement d’accord.
    La critique est aisée. Il y a certainement eu, au départ, un manque de prévoyance. Peu de choses, avaient été préparées. Pas de plan, pas assez de matériel. Mais il faut dire que très peu de gens s’en inquiétaient alors. Il a donc fallu réagir vite, dans une certaine précipitation. Les hésitations et les erreurs étaient alors inévitables. Si quelqu’un devait demander pardon, ce serait les responsables des négligences passées.
    Bien sûr, que le Conseil National de Sécurité a envisagé les conséquences fâcheuses du confinement. Il les a signalées d’emblée. Mais est-ce pour ça qu’il ne fallait rien faire ? Et c’est vrai que c’est plus facile de prendre des mesures économiques vitales pour que les personnes financièrement touchées puissent survivre. Les problèmes psychique, spirituel, culturel sont beaucoup plus difficiles à gérer que l’aspect matériel. Et ils ont été, il est vrai, laissés un peu pour compte. On a paré au plus pressé.
    Ce ne sont pas les mesures prises qui apportaient la mort. C’est d’abord le virus. Au contraire, les mesures ont limité les dégats. Essayez d’imaginer ce que cela aurait été sans confinement. A-t-on oublié les grandes pestes des siècles passés. Jusque la grippe espagnole de 1918 dont on ne connaît même pas le nombre exact de victimes : entre 20.000.000 et 100.000.000 de morts, on ne sait pas bien. Les premiers cas apparaissaient en France en 1916-1917 et ce n’est qu’en aoùt 1918 que des mesures sérieuses ont été prises. Puis ça a été l’hécatombe. Actuellement, on a atteint les 402.000 décès.
    Quand un médecin administre des vaccins, il sait qu’il y a un faible risque de problèmes. Mais il sait qu’il sauve de nombreuses vies. Doit-il demander pardon ? Quand les infirmières procèdent à la radiothérapie sur des malades cancéreux pour leur sauver la vie, elles savent très bien qu’il y aura des conséquences difficiles à supporter. Doivent-elles demander pardon ? Quand les pompiers arrosent une maison pour minimiser les dégâts, ils savent que l’eau aspergée va abîmer beaucoup de choses. Doivent-ils demander pardon ?
    C’est Jair Bolsonaro, Donald Trump et quelques autres qui devront demander pardon. Eux, ils n’ont pas pris de mesures, ou très peu. Mais, là, je crois qu’il y a peu de chances pour qu’ils s’amendent.

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