SAINT CHARLES DE FOUCAULD 1. Le premier retournement

 

                                                                           Si l’on veut connaître un homme,

il faut chercher celui vers lequel sa vie est secrètement tournée,

celui à qui de préférence à tout autre, il parle,

même quand apparemment il s’adresse à nous.

Tout dépend de cet autre qu’il s’est choisi.

Tout dépend de celui auquel il s’adresse en silence,

Pour l’amour duquel il a fait de sa vie ce qu’elle est.

(C. Bobin, Le Très-Bas, 1992)

 

Pour connaître quelqu’un, il faut « chercher celui vers lequel sa vie est secrètement tournée ». Pour Charles de Foucauld, la réponse est l’insigne qu’il portait sur sa tunique et dont il usait comme entête de ses lettres et méditations.

Nous vous proposons en vue de sa canonisation une série de 10 épisodes retraçant l’essentiel de son itinéraire spirituel. Ils seront publiés sur notre site les mardis et vendredis.

1. Le premier retournement: du dilettante à l’ascète

Le 24 avril 1885, Henri Duveyrier, géographe, qui entreprit l’exploration du Sahara Algérien et réalisa la première expédition, de mai 1859 à septembre 1861, dans le monde touareg, fait rapport à la Société de Géographie de Paris sur le voyage, entre juin 83 et mai 84, du Vicomte Charles de Foucauld au Maroc, un pays qui n’avait jamais encore été exploré.

Cette reconnaissance du Maroc, Duveyrier explique que Charles de Foucauld « l’a accomplie, sans l’aide du gouvernement, à ses frais, et en faisant avec le sacrifice de son avenir dans la carrière militaire un autre sacrifice plus grand encore. Il s’est résigné à voyager sous le travestissement du juif, au milieu de populations qui considèrent le juif comme un être utile, mais inférieur. Prenant bravement ce rôle, il a fait abnégation absolue de son bien-être, et c’est sans tente, sans lit, presque sans bagages, qu’il a travaillé pendant onze mois chez des peuples qui, ayant plus d’une fois démasqué l’acteur, l’ont, à deux ou trois reprises, placé en face du châtiment qu’il méritait, c’est-à-dire la mort.…on ne sait ce qu’il faut le plus admirer, ou de ces résultats si beaux et si utiles, ou du dévouement, du courage et de l’abnégation ascétique grâce auxquels ce jeune officier les a obtenus… Sacrifiant bien autre chose que ses aises, ayant fait et tenu jusqu’au bout bien plus qu’un vœu de pauvreté et de misère… » (Rapport à la Société de Géographie, 24 avril 1885)

La médaille d’or de la Société de Géographie de Paris est décernée à Charles de Foucauld qui devient ainsi un explorateur célèbre, admiré internationalement. Une brillante carrière s’ouvre devant lui. Il a 27 ans.

Mais pourquoi cette expédition ?
« Je déteste la vie de garnison : je trouve le métier assommant en temps de paix ce qui est l’état habituel… aussi j’étais résolu depuis longtemps, écrit-il le 18 février 1882 alors qu’il vient de terminer, le 20 janvier, une campagne militaire (qui a duré 7-8 mois) contre la révolte du Cheikh Bou Amama dans le Sud-Oranais, à quitter un jour ou l’autre la carrière militaire. Dans ces dispositions, j’ai préféré m’en aller tout de suite : à quoi bon traîner encore quelques années, sans aucun but, une vie où je ne trouve aucun intérêt ; j’aime mieux profiter de ma jeunesse en voyageant ; de cette façon au moins je m’instruirai et je ne perdrai pas mon temps. » (Lettres à un ami de lycée. Correspondance inédite avec Gabriel Tourdes (1874-1915, pp. 116-117)

L’exploration du Maroc l’occupera près de six ans : une année de préparation, une année de voyage, quatre ans pour la rédaction, puis la publication de son ouvrage Reconnaissance au Maroc (Paris, début 1888).  Le fêtard et l’épicurien qu’il était depuis 1876 est devenu un bourreau de travail. Il s’est confectionné une espèce d’horaire. « Il marque le commencement du travail à 7 heures du matin, et la fin à minuit, avec deux interruptions d’une demi-heure pour le repas – tout le reste est divisé en petits cours : l’arabe a ses heures, l’histoire, la géographie… » (Lettres à un ami de lycée, 27/11/82) A Tamanrasset, il consacrera 10h45 par jour à ses travaux linguistiques.

Abbé Marcel Villers
Illustration : Jijé

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