SOURCES : 154. VIVRE L’INESPÉRÉ

SOURCES

Dans cette rubrique, il est question de sources, celles qui nous font vivre, celles qui donnent sens à notre action, celles qui contribuent à construire notre identité. Aujourd’hui comme hier, nous avons besoin de boire à ces sources pour vivre et donner sens à notre engagement. Nous vous proposons la lecture de la lettre écrite aux jeunes par Frère Roger pour l’ouverture du concile des jeunes de 1974 à Taizé.

Vivre l’inespéré (2) 

« L’essentiel demeure caché à tes propres yeux.
Mais l’ardeur de ta recherche en est soutenue plus encore,
pour avancer vers l’unique réalité.
Alors, peu à peu, il devient possible de pressentir
la profondeur, la largeur, d’un amour qui dépasse toute connaissance.
Là tu touches aux portes de la contemplation.
Là tu puises les énergies pour les recommencements,
pour l’audace des engagements.

… En tout homme se trouve une part de solitude
qu’aucune intimité humaine  ne peut combler,
pas même l’amour le plus fort entre deux êtres.
Qui ne consent pas à ce lieu de solitude connait la révolte
contre les hommes, contre Dieu lui-même.

Pourtant tu n’es jamais seul.
Laisse-toi sonder jusqu’au cœur de toi-même,
et tu verras que tout homme est créé pour être habité.
Là, au creux de l’être,
là où personne ne ressemble à personne,
le Christ t’attend.
Là se passe l’inattendu.

… Après coup seulement, parfois longtemps après, tu comprendras :
le Christ a passé, sa surabondance a été donnée.
Au moment où les yeux s’ouvrent à ce passage, tu te diras :
« Mon cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de moi
pendant qu’il me parlait ? »

Frère Roger de Taizé, Vivre l’inespéré, 1983

ROGER SCHUTZ (1915-2005), protestant d’origine suisse, fils de pasteur. Il s’installe en France en 1940, dans le village de Taizé où il fonde une communauté monastique œcuménique. 

CLÉS POUR LIRE LUC : 44. FOI ET MOUTARDE

Clés pour lire l’évangile de Luc

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile. Cette semaine, Lc 17, 5-10 du 27e dimanche ordinaire.

La foi et la moutarde
Seigneur, augmente en nous la foi ! (Lc 17, 5)

La réponse de Jésus est encourageante : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde… » (17, 6). Il suffit de peu. La foi est une réalité qui peut augmenter, mais même minime, elle peut produire des effets extraordinaires : « vous auriez dit à l’arbre que voici : Déracine-toi et va te planter dans la mer, et il vous aurait obéi » (17, 6).

S’agit-il de faire des miracles et des prodiges pour impressionner les gens et les amener à la foi ? La foi a-t-elle besoin de manifestations grandioses pour être crue ? L’arbre qui va se planter dans la mer, n’est-ce pas tout simplement l’image du royaume de Dieu qui va se planter au cœur du mal ? On saisit alors que la foi, même infime, est victoire sur le mal et la mort.

N’allons pas imaginer que nous soyons capables par nous-mêmes de ces réalisations exceptionnelles. « Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir » (17, 10).

La graine de moutarde et l’arbre dans la mer
Dans cette comparaison, commencement et fin s’opposent : la foi comme une graine de moutarde, la plus petite des graines, et l’arbre planté dans la mer, triomphant ainsi des flots par sa taille. Ce contraste indique que « dans ce qui est minuscule agit déjà ce qui le rendra immense. Dans l’instant présent s’amorce déjà ce qui va arriver, mais qui est encore caché. C’est pourquoi il faut croire à la présence cachée du Royaume dans l’action de Jésus où partant de ce qui n’est rien, et malgré tous les échecs, Dieu mène à son achèvement ce qu’il a commencé. Il s’agit de prendre Dieu au sérieux et de compter réellement sur lui, en dépit de toutes les apparences » (J. JÉRÉMIAS, Les paraboles de Jésus, 1962). Telle est la foi !

Abbé Marcel Villers

SOURCES : 153. VIVRE L’INESPÉRÉ

SOURCES

Dans cette rubrique, il est question de sources, celles qui nous font vivre, celles qui donnent sens à notre action, celles qui contribuent à construire notre identité. Aujourd’hui comme hier, nous avons besoin de boire à ces sources pour vivre et donner sens à notre engagement. Nous vous proposons, en trois épisodes successifs, la lecture de la lettre écrite aux jeunes par Frère Roger pour l’ouverture du concile des jeunes de 1974 à Taizé.

Vivre l’inespéré

« Avec le peuple de Dieu, avec des hommes de toute la terre,
tu es invité à vivre l’inespéré.
A toi tout seul, comment connaîtrais-tu le rayonnement de Dieu ?
Trop éblouissant pour être vu,
Dieu est un Dieu qui aveugle le regard.

Le Christ, lui, capte ce feu dévorant
et sans éclat laisse Dieu transparaître.
Connu ou non, le Christ est là, auprès de chacun.
Il est tellement lié à l’homme
qu’il demeure en lui, même à son insu.
Il est là comme un clandestin,
brûlure au cœur de l’homme,
lumière dans l’obscurité.

Mais le Christ est aussi un autre que toi-même.
Lui, le Vivant, se tient en avant et au-delà de toi.
Là est son secret, lui t’a aimé le premier.
Là est le sens de ta vie :
être aimé pour toujours,
aimé jusque dans l’éternité,
pour qu’à ton tour tu ailles jusqu’à mourir d’aimer.

Sans l’amour, à quoi bon exister ?
… Si tu pries, c’est par amour.
Si tu luttes pour rendre visage humain à l’homme exploité,
c’est encore par amour.
Te laisseras-tu introduire sur ce chemin ?
Au risque de perdre ta vie par amour,
vivras-tu le Christ pour les hommes ?

Frère Roger de Taizé, Vivre l’inespéré, 1983

ROGER SCHUTZ (1915-2005), protestant d’origine suisse, fils de pasteur. Il s’installe en France en 1940, dans le village de Taizé où il fonde une communauté monastique œcuménique.

CLÉS POUR LIRE LUC : 43. L’ABÎME

Clés pour lire l’évangile de Luc

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile. Cette semaine, Lc 16, 19-31 du 26e dimanche ordinaire.

L’abîme
Ils ont Moïse et les prophètes : qu’ils les écoutent ! (Lc 16, 29)

« Quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus » (16, 31). Les riches resteront les riches et les pauvres resteront pauvres. Rien ne peut combler l’abîme entre eux « établi entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient passer vers vous ne le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne traverse pas vers nous » (16, 26). Cet abîme est celui qui sépare le ciel et l’enfer.

Le grand abîme qui séparait sur terre le riche et le pauvre est, dans l’au-delà, le même, mais inversé. Cette inversion révèle qu’un autre monde est possible, que Dieu a choisi son camp, celui du pauvre Lazare dont le nom signifie : « celui que Dieu secourt ». Reste à observer la Loi de Moïse : « Tu devras ouvrir ta main pour ton frère, pour ton pauvre et ton indigent » (Dt 15, 7-11).

L’au-delà
« Le pauvre mourut et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. » (16, 22) « Au séjour des morts, le riche était en proie à la torture… je souffre terriblement dans cette fournaise » (16, 23-24). Deux situations sont opposées : le sein d’Abraham pour Lazare et la fournaise pour le riche.
« Les Juifs se représentaient le bonheur éternel comme un banquet auquel participent les patriarches. On y mangeait étendu sur un coussin, et la tête de chacun se trouvait près de la poitrine du voisin. Être dans le sein d’Abraham est donc une manière juive de dire être à côté de lui, à la place d’honneur dans le festin céleste. Le riche souffre de la soif, alors qu’il y a de l’eau là où se trouve Lazare. On songe au paradis merveilleusement irrigué par quatre fleuves (Gn 2, 9-14) » (ACEBAC, Les Évangiles, 1983).

 Abbé Marcel Villers