HOMÉLIE : DIMANCHE DES MISSIONS THEUX 2024

29ème dimanche ordinaire. Mc 10,35-45
Dimanche des missions. Theux 2024

En ce dimanche des missions, nous prions pour les missionnaires. Ces hommes, ces femmes ont tout laissé, tout abandonné pour se faire serviteurs et frères, sœurs, de tous les peuples de la terre. Qu’est-ce qui a fait courir ces hommes, ces femmes, ces missionnaires qui, au lieu de chercher la gloire et la puissance, ne trouvent souvent que la pauvreté, la souffrance et la mort ?
Il n’y a qu’une explication : l’amour, un amour fou, bien sûr. Amour pour Jésus.  Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ?  Oui, car aimer, c’est vouloir imiter en tout celui qu’on aime.
Et ce Jésus est venu pour servir et donner sa vie pour la multitude.

Le missionnaire n’est pas venu pour commander en maître ou faire sentir son pouvoir, mais pour être serviteur et donner sa vie. Pour eux. Comme Jésus.
Servir, telle est l’ambition du missionnaire. Évangéliser, ce n’est pas d’abord communiquer un message, partager des convictions avec des mots, des discours. C’est se faire proche, entrer dans une logique de fraternité universelle, surtout avec les plus pauvres, les plus méprisés qui deviennent des amis, des frères et sœurs.
C’est vrai chez nous aussi. Plus que prêcher, être missionnaire c’est témoigner de l’Évangile par nos actes, notre façon d’être. Dans nos pays comme partout, les gens se méfient des propagandistes, des démarcheurs car ils y discernent vite une volonté de prosélytisme, d’appropriation, bref une forme de domination.
Le plus grand, c’est le serviteur ; le premier, c’est l’esclave de tous.

Saint Charles de Foucauld est un bon exemple. Il a été marqué par une phrase de son confesseur : « Le Christ a tellement pris la dernière place que jamais personne ne pourra la lui ravir ».
D’où son enfoncement dans l’effacement et dans le mépris de toute considération sociale. Il se tourne vers les peuples les plus éloignés, les Touaregs du Sahara. Il est seul sur ce terrain. Il n’est pas un missionnaire baptiseur mais il se veut le « frère universel ». Il prêche non par la parole mais par le sérieux d’un amour visible pour les tout-petits.
Il rêve d’annoncer ainsi l’Evangile. Or, c’est un échec certain. Il n’a converti personne. Il n’a aucun disciple. Il était venu pour servir les pauvres qui admiraient sa générosité. Mais voilà qu’en 1908, il est malade et proche de la mort. Il n’a plus rien à offrir.
Alors, c’est le grand renversement, celui que connaît un jour tout missionnaire. Lui qui était venu pour donner va enfin apprendre à recevoir Ce sont quelques femmes, pauvres parmi les pauvres, qui en prenant le peu de lait qui reste de quelques chèvres, vont lui sauver la vie. Il voulait être frère des petits, le voilà devenu petit frère. Il voulait aider les pauvres, le voilà devenu pauvre. Il a touché du doigt sa pauvreté, sa petitesse. Il a entendu cette phrase du Seigneur à St Paul : « Ma grâce te suffit… ma force se déploie dans ta faiblesse » (2 Co 12,9).

Aujourd’hui, en Belgique, ne sommes-nous pas aussi arrivés à ce point-là ? Malade, amaigrie, notre Église peut-elle prétendre encore à faire la leçon ? Apprendre à recevoir, nous convertir, devenir des petits frères et non des maîtres ou professeurs. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ? 

Abbé Marcel Villers

SAINT CHARLES DE FOUCAULD : 10. Le testament

10. Le testament: l’Union des défricheurs

Le 11 juin 1913, le Père de Foucauld débarque à Marseille avec Ouksem, un jeune Touareg, qu’il connaît depuis sept ans (photo ci-contre). Pendant trois mois et demi, il va lui faire visiter la France et rencontrer sa famille et ses amis. Le père de Foucauld, « en attendant que des laïcs et des prêtres viennent vivre l’existence quotidienne des Touaregs, voulait que l’inverse puisse se réaliser, qu’une hospitalité réciproque s’établisse. » (Six J.F., Le testament de Charles de Foucauld, 2005, p.86) « Ouksem n’a pas cessé un instant d’être en bonne santé, de bonne humeur, sans apparence de tristesse ni de mal du pays. Tous ceux qu’il a vus ont été pour lui de la plus extrême bonté. Il a visité écoles, hôpitaux, couvents, et il en verra d’autres encore ; il a toujours vécu de la vie de famille parmi les miens. » (Lettre au Père Voillard, 13/07/1913)

C’est le troisième (5 premiers mois de 1909 ; 5 mois début 1911) et dernier voyage (7 mois de juin à décembre 1913) en France que le Père de Foucauld effectue depuis qu’il est installé à Tamanrasset. Lui qui avait quitté sa famille et la France pour toujours, qui a toujours voulu la clôture, le voilà qui s’est mis à voyager. Son souci, et c’est ce qui l’amène à faire ces voyages en France, c’est la fondation « d’une confrérie pour l’évangélisation des infidèles de nos colonies » (Lettre à G.Tourdes, 16/08/1913), et qu’il baptise l’Association des Frères et Sœurs du Sacré-Cœur.

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SAINT CHARLES DE FOUCAULD : 9. Tamanrasset

9. Devenir du pays : Tamanrasset ou l’apprivoisement

Le 23 janvier 1908, Moussa-Ag-Amastane, Aménokal des Touaregs du Hoggar, entre dans la maison du Père de Foucauld. Nous sommes à Tamanrasset. Ch. de Foucauld est au lit, malade, sans force et au bord de la mort. L’inquiétude saisit Moussa, le Père de Foucauld est son hôte, il en est responsable. Sans tarder, il ordonne d’amener du lait. Mais, ce n’est pas simple en cette période de grave sécheresse, qui dure depuis deux ans. « Les chèvres sont aussi sèches que la terre, et les gens autant que les chèvres. » (Lettre à Marie de Bondy, 17/07/07). Un homme arrive enfin avec une petite outre et le marabout – ainsi appelle-t-on le Père de Foucauld – boit le lait. Il se remettra lentement grâce à ses voisins et amis Touaregs. En attendant les vivres demandées, quelques jours avant, par le Père de Foucauld à Laperrine, commandant la zone des Oasis : « Je prie Laperrine de m’envoyer du lait concentré, un peu de vin et quelques autres choses pour tâcher de me remonter. » (Lettre à Marie de Bondy, 15/01/08) Il faudra deux mois pour qu’elles arrivent. En attendant, le lait des Touaregs sauvera Ch. de Foucauld qui, depuis trois ans qu’il est à Tamanrasset, suit un régime alimentaire invraisemblable : une bouillie d’orge et quelques dattes, chaque jour. Pas étonnant qu’il soit atteint du scorbut (« maladie par carence alimentaire, provoquée par l’absence ou insuffisance des vitamines C, et caractérisée par divers troubles : fièvre, anémie, hémorragies, gastro-entérite).

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SAINT CHARLES DE FOUCAULD : 8. La fraternité universelle

8. La fraternité universelle : la zaouïa de Béni-Abbès

Il est 4h30 du matin, le 29 août 1902, on tambourine sur la porte, quelqu’un appelle le marabout. Celui-ci termine sa messe et sort. « Je célèbre la sainte messe à laquelle personne n’assiste en semaine, avant le jour pour n’être pas trop dérangé par le bruit et faire l’action de grâces un peu tranquille, ; mais j’ai beau m’y prendre de bonne heure, je suis toujours appelé trois ou quatre fois pendant l’action de grâces. » (Lettre à Marie de Bondy, 29/08/1902) Nous sommes dans un autre monde, à Béni-Abbès, où le Père de Foucauld est arrivé le 28 octobre 1901.

Béni-Abbès est la principale oasis d’un chapelet d’oasis sahariennes qui s’étire le long de la frontière du Sud-Marocain. La population de cette région de la Saoura est faite essentiellement de haratins, noirs islamisés qui vivent de dattes et de mil, souvent pillés par des bandes de marocains qui raflent moissons et esclaves.

Béni-Abbès abrite 130 familles au milieu d’une forêt de 6000 palmiers et une garnison de 800 hommes, dont 200 français. On est encore en pleine « pacification » du Sahara, placé sous régime militaire. Il y a encore « deux commerçants espagnols et six à dix juifs marchands ou ouvriers (sans leur famille). » (Lettre à Mgr Guérin, 04/02/1902) Il y a donc une certaine pluralité de religions.

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