6. La mission et le choc des cultures (XVIe s.)
Aux XVe et XVIe siècles, la découverte de mondes nouveaux et même insoupçonnés, comme l’Amérique, provoque un nouvel élan missionnaire. La pierre de touche en est désormais la différence culturelle. Jusqu’alors il était évident que le christianisme et la culture européenne ne faisaient qu’un. La confrontation à d’autres cultures, savantes ou sauvages, met en question cette confusion au risque de rendre le christianisme un fait européen et nier ainsi sa dimension universelle : « Allez et faites de toutes les nations des disciples. » (Mt 28, 18-20)
La question missionnaire devient donc autant culturelle que religieuse. La rencontre des cultures peut prendre trois formes : domination, adaptation, dialogue que l’on retrouve dans les stratégies missionnaires, particulièrement à l’époque charnière des grandes découvertes où l’humanité prend conscience de la pluralité des mondes et des cultures.
Suivant le marchand ou le conquérant, le missionnaire vise la transposition du modèle européen de l’Église sur ces terres lointaines. Cela implique la domination sur l’autre à qui on impose un nouveau système de valeurs. Face à des cultures et religions locales considérées comme inconsistantes, des peuples aux mœurs sauvages, les missionnaires pratiquèrent la politique de la table rase, à savoir la destruction des temples et objets sacrés, l’interdiction des rites et croyances. On pratiquait un apostolat de masse dont le baptême était à la fois l’objectif et le moyen, puisque « hors de l’Église, pas de salut », axiome pris alors à la lettre. Le soir, en rentrant, les missionnaires se vantaient d’avoir « la crampe du baptême ».
Sur les ruines de l’ancienne vision du monde, appuyé sur la puissance coloniale, on instaura le christianisme sous sa forme européenne. Le Nouveau Monde ne fut ainsi qu’une reproduction du modèle occidental. Ainsi, Goa, en Inde, est occupée par les Portugais en 1510. En 1534, elle devient un évêché ; en 1560, elle compte 13000 indigènes baptisés. Assez vite, Goa prit les allures de ville chrétienne à la portugaise avec de nombreuses églises et couvents. Au Mexique, en 1526, cinq ans après la conquête militaire, Cortès fait venir douze Franciscains. L’évêché de Mexico est créé en 1528. D’autres religieux, Dominicains et Augustins suivent. En moins de cinquante ans, ils couvrent le pays de couvents (ci-contre couvent St. Antoine de Izamal, Yucatan) et mettent en place un quadrillage du territoire par des postes de mission.
Abbé Marcel Villers