Histoire des missions. 24. La mutation

24. La mutation de la mission

Présentant une nouvelle théologie de la mission, le concile a provoqué un bouleversement de la pratique missionnaire et une remise en question des stratégies traditionnelles. Un missionnaire d’Afrique, Dominique Nothomb, exprime, en 1968, son vécu de la mutation en marche de la Mission de l’Église. Il met en évidence quatre lignes d’évolution.

  1. Des missions, affaire des instituts, à la Mission, œuvre de l’Église

L’activité missionnaire cesse d’être le monopole des congrégations et instituts spécialisés dans les « missions étrangères ». Les « missions » s’estompent devant « la Mission ». Hier, chaque institut missionnaire avait ses œuvres et ses territoires. Aujourd’hui, ils se situent, non en marge, mais dans telle Église particulière. Ainsi, il n’y a plus de « missions des Pères Blancs », il y a des diocèses avec un évêque où tous travaillent à la même Mission de l’Église.

  1. De la Mission, affaire des clercs, à la Mission, œuvre prophétique

Jusqu’il y a peu, les prêtres étaient considérés comme les seuls missionnaires authentiques. Cette conception cléricale de la mission oublie que la vocation missionnaire ne découle pas de l’appel au sacerdoce, mais se greffe sur la grâce du baptême. Si l’objectif de la mission est l’adhésion au Christ, il reste que toute collaboration au développement intégral d’un peuple, d’un homme, est œuvre missionnaire de l’Église. L’éveil et la formation d’un laïcat chrétien responsable deviennent aussi urgente que la mise en place d’un clergé local.

  1. De la Mission, bienfait paternel, à la Mission, service fraternel

 Jadis, le missionnaire était « le Père », le généreux bienfaiteur. D’une Église paternaliste, il faut arriver à une Église fraternelle où le missionnaire s’efforce de marcher au rythme des autochtones, entre dans leurs projets, se place à leur point de vue. Aujourd’hui, le missionnaire doit fournir un gros effort d’intégration et d’amitié fraternelle.

  1. Des missions aux païens à la Mission aux hommes

Le non-chrétien n’est plus considéré comme un condamné sur la route de la perdition. Il est rencontré d’abord dans sa recherche, consciente ou non, de Dieu qui l’appelle. Le missionnaire doit être l’homme du dialogue : il interroge, il écoute, il propose son message. Il ne vise plus seulement le salut des âmes, il veut le salut de tout l’homme et de tout homme.

Dominique NOTHOMB
Extraits de Vivante Afrique, n°259, nov.-déc. 1968, p. 10-15.

 

 

Clés pour lire l’évangile de Matthieu. 25. La route

Dans cette série hebdomadaire (parution le mercredi matin), nous voulons fournir, cette année, des clés pour ouvrir et apprécier l’évangile de Matthieu. Comme la liturgie s’éloigne de la lecture de Matthieu jusqu’à la mi-juin, nous reprenons la lecture continue de l’évangile de Matthieu : Mt 10, 5-15.

25. Prendre la route

Proclamez que le royaume des cieux est tout proche. (Mt 10,7)

Le missionnaire, c’est un envoyé. En tant que représentant de celui qui l’envoie, il n’a qu’un devoir : parler et agir comme son envoyeur. Être missionnaire, c’est entrer dans la lignée de Jésus, poursuivre sa voie, en proclamant le même message et accomplissant les mêmes actes. « Sur votre route, guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons. » (10,8).

Être missionnaire, c’est dire et faire comme Jésus, mais encore adopter son style de vie et de comportement. Style fait de dépouillement et de confiance en Dieu comme dans l’hospitalité des destinataires. « Ne vous procurez ni or, ni argent, ni sac pour la route, ni tunique de rechange, ni sandales, ni bâton » (10, 9-10).

L’équipement du missionnaire

« Matthieu (10, 9-10) n’interdit pas d’emporter de l’argent, mais d’en gagner, et lui seul mentionne la monnaie en or. L’or ne gonflait sans doute pas le portefeuille des compagnons de Jésus, mais peut-être celui des ministres chrétiens plus aisés au temps de l’évangéliste. Quant au trousseau des envoyés, ni sac à provision, ni vêtement de rechange, ni le luxe des sandales, ni bâton contre les dangers de la route. Le messager doit apparaître vulnérable et livré aux événements. » (Claude TASSIN, L’Évangile de Matthieu, 1991).

Abbé Marcel Villers

Clés pour lire l’évangile de Matthieu. 23. Rendez-vous

Dans cette série hebdomadaire (parution le mercredi matin), nous voulons fournir, cette année, des clés pour ouvrir et apprécier l’évangile de Matthieu. Comme la liturgie s’éloigne de la lecture de Matthieu jusqu’à la mi-juin, nous reprenons cette semaine la finale de l’évangile de Matthieu : Mt 28, 16-17.

23. Le rendez-vous

Les Onze s’en allèrent où Jésus leur avait ordonné de se rendre. (Mt 28, 13)

Le rendez-vous a été donné par Jésus ressuscité aux femmes. « Allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront » (28,10). Pourquoi la Galilée ? Cette terre frontière, mêlée de populations d’origines diverses, symbolise le monde païen et donc la destination universelle de la bonne nouvelle de la résurrection de Jésus. Voilà la mission des disciples : annoncer au monde la réalité du salut manifesté en Jésus ressuscité.

« Quand ils le virent, certains eurent des doutes » (28,17). Le motif du doute est un élément habituel dans les récits des apparitions, du Christ ressuscité comme d’autres. C’est qu’il s’agit de croire et non de soumission à une évidence. Le Ressuscité ne s’impose pas, il s’offre à notre foi, à notre liberté, à notre décision.

La montagne

« Les onze s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre » (28,13). « On revoit la montagne où le démon montrait à Jésus tous les royaumes de la terre, le mont des Béatitudes où le Maître proclamait la charte du royaume et la montagne de la transfiguration où se manifesta la gloire du Fils de l’homme ; et sur tout cela, l’ombre du Mont Nébo (Dt 34) où Moïse fit ses adieux quand son peuple allait entrer en terre promise. » (Claude TASSIN, L’Évangile de Matthieu, 1991) C’est sur la montagne, enfin, que le Christ ressuscité donne ses consignes pour le temps à venir, jusqu’à la fin du monde.

Abbé Marcel Villers

HISTOIRE DES MISSIONS. 6. Le choc des cultures (XVIe s.)

6. La mission et le choc des cultures (XVIe s.)

Aux XVe et XVIe siècles, la découverte de mondes nouveaux et même insoupçonnés, comme l’Amérique, provoque un nouvel élan missionnaire. La pierre de touche en est désormais la différence culturelle. Jusqu’alors il était évident que le christianisme et la culture européenne ne faisaient qu’un. La confrontation à d’autres cultures, savantes ou sauvages, met en question cette confusion au risque de rendre le christianisme un fait européen et nier ainsi sa dimension universelle : « Allez et faites de toutes les nations des disciples. » (Mt 28, 18-20)

La question missionnaire devient donc autant culturelle que religieuse. La rencontre des cultures peut prendre trois formes : domination, adaptation, dialogue que l’on retrouve dans les stratégies missionnaires, particulièrement à l’époque charnière des grandes découvertes où l’humanité prend conscience de la pluralité des mondes et des cultures.

Suivant le marchand ou le conquérant, le missionnaire vise la transposition du modèle européen de l’Église sur ces terres lointaines. Cela implique la domination sur l’autre à qui on impose un nouveau système de valeurs. Face à des cultures et religions locales considérées comme inconsistantes, des peuples aux mœurs sauvages, les missionnaires pratiquèrent la politique de la table rase, à savoir la destruction des temples et objets sacrés, l’interdiction des rites et croyances. On pratiquait un apostolat de masse dont le baptême était à la fois l’objectif et le moyen, puisque « hors de l’Église, pas de salut », axiome pris alors à la lettre. Le soir, en rentrant, les missionnaires se vantaient d’avoir « la crampe du baptême ».

Sur les ruines de l’ancienne vision du monde, appuyé sur la puissance coloniale, on instaura le christianisme sous sa forme européenne. Le Nouveau Monde ne fut ainsi qu’une reproduction du modèle occidental. Ainsi, Goa, en Inde, est occupée par les Portugais en 1510. En 1534, elle devient un évêché ; en 1560, elle compte 13000 indigènes baptisés. Assez vite, Goa prit les allures de ville chrétienne à la portugaise avec de nombreuses églises et couvents. Au Mexique, en 1526, cinq ans après la conquête militaire, Cortès fait venir douze Franciscains. L’évêché de Mexico est créé en 1528. D’autres religieux, Dominicains et Augustins suivent. En moins de cinquante ans, ils couvrent le pays de couvents (ci-contre couvent St. Antoine de Izamal, Yucatan) et mettent en place un quadrillage du territoire par des postes de mission.

Abbé Marcel Villers