SAINT CHARLES DE FOUCAULD : 6. Missionnaire en terre d’islam

6. Missionnaire en terre d’islam

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Décembre 1895, à peu de distance d’Akbès, des massacres terribles ont lieu. « On parle de 60.000 tués… et parmi les survivants, sur les ruines de leurs villages brûlés, dépouillés de tout, une misère, une faim, une souffrance effrayante. » (Lettre à l’abbé Huvelin,16/01/1896) Entre 1894 et 1896, sous prétexte d’insurrection, le sultan Abd-Ul-Hamid II lança contre les Arméniens chrétiens les farouches tribus kurdes soutenues par l’armée régulière. Les massacres ne firent pas moins de 150.000 victimes.

La Trappe est en pays musulman dépendant de l’Empire ottoman et est entourée de minorités chrétiennes, catholiques ou orthodoxes. C’est dans ce cadre que Ch. de Foucauld découvre la question missionnaire. Le prieuré « ne fut pas établi dans un but directement missionnaire, mais sa situation en terre d’Islam et en pays orthodoxe lui a donné, de fait, une ouverture en cette direction, d’autant plus que l’installation, l’exploitation des terres et les constructions qui démarrent en 1894 mettent ouvriers et voisins au contact des moines. Un petit orphelinat fut même ouvert au monastère pour aider les familles. » (Bouvier, p. 35) Charles de Foucauld en y arrivant constate que son rêve de clôture est à vivre à la manière des pays de mission, c’est-à-dire en tenant compte de l’environnement : le prieuré « catholique » est à l’écart au fond d’une vallée, à dix minutes d’un hameau, Cheiklé, où vivent une quarantaine d’habitants, tous turcs, et à une demi-heure de la ville d’Akbès, où les Lazaristes ont une résidence et des œuvres. La Trappe est donc insérée dans une organisation missionnaire dont elle doit tenir compte.

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Histoire des missions. 24. La mutation

24. La mutation de la mission

Présentant une nouvelle théologie de la mission, le concile a provoqué un bouleversement de la pratique missionnaire et une remise en question des stratégies traditionnelles. Un missionnaire d’Afrique, Dominique Nothomb, exprime, en 1968, son vécu de la mutation en marche de la Mission de l’Église. Il met en évidence quatre lignes d’évolution.

  1. Des missions, affaire des instituts, à la Mission, œuvre de l’Église

L’activité missionnaire cesse d’être le monopole des congrégations et instituts spécialisés dans les « missions étrangères ». Les « missions » s’estompent devant « la Mission ». Hier, chaque institut missionnaire avait ses œuvres et ses territoires. Aujourd’hui, ils se situent, non en marge, mais dans telle Église particulière. Ainsi, il n’y a plus de « missions des Pères Blancs », il y a des diocèses avec un évêque où tous travaillent à la même Mission de l’Église.

  1. De la Mission, affaire des clercs, à la Mission, œuvre prophétique

Jusqu’il y a peu, les prêtres étaient considérés comme les seuls missionnaires authentiques. Cette conception cléricale de la mission oublie que la vocation missionnaire ne découle pas de l’appel au sacerdoce, mais se greffe sur la grâce du baptême. Si l’objectif de la mission est l’adhésion au Christ, il reste que toute collaboration au développement intégral d’un peuple, d’un homme, est œuvre missionnaire de l’Église. L’éveil et la formation d’un laïcat chrétien responsable deviennent aussi urgente que la mise en place d’un clergé local.

  1. De la Mission, bienfait paternel, à la Mission, service fraternel

 Jadis, le missionnaire était « le Père », le généreux bienfaiteur. D’une Église paternaliste, il faut arriver à une Église fraternelle où le missionnaire s’efforce de marcher au rythme des autochtones, entre dans leurs projets, se place à leur point de vue. Aujourd’hui, le missionnaire doit fournir un gros effort d’intégration et d’amitié fraternelle.

  1. Des missions aux païens à la Mission aux hommes

Le non-chrétien n’est plus considéré comme un condamné sur la route de la perdition. Il est rencontré d’abord dans sa recherche, consciente ou non, de Dieu qui l’appelle. Le missionnaire doit être l’homme du dialogue : il interroge, il écoute, il propose son message. Il ne vise plus seulement le salut des âmes, il veut le salut de tout l’homme et de tout homme.

Dominique NOTHOMB
Extraits de Vivante Afrique, n°259, nov.-déc. 1968, p. 10-15.

 

 

HISTOIRE DES MISSIONS 8. La cité chrétienne

8. La mission :
créer la cité chrétienne idéale (XVII°-XVIII° s.)

Les réductions, organisées surtout par les Jésuites, mais aussi par les Franciscains, sont d’abord l’expression de la volonté de protéger les indigènes contre les colons, mais aussi une tentative de créer une civilisation chrétienne indigène. C’est un objectif que défendait toute une tradition pour laquelle une rupture avec le monde, considéré comme hostile, était nécessaire pour pouvoir vivre pleinement l’Évangile. L’ambition était de créer un autre monde, une contre-culture, une société à côté de l’autre. Cette perspective anima le mouvement missionnaire. Imaginant arriver sur une terre vierge de toute influence de l’Occident, les missionnaires avaient le projet de construire une société chrétienne, un monde nouveau où l’Évangile serait la référence unique. On est dans le registre de l’utopie.

La réalisation la plus emblématique fut la république des Guaranis organisée par les Jésuites au Paraguay. Ils obtinrent du roi d’Espagne le droit de regrouper les Indiens et de les isoler complètement de la société coloniale dans une sorte de « réduit ». Les Jésuites fondèrent ainsi un État guarani où ils avaient l’occasion de créer de toute pièce la société chrétienne idéale. « Ce fut un système politique théocratique qui survécut grâce à une économie agraire communautaire et à une politique sociale totalitaire, paternaliste. Cette forme de colonisation jésuite était également un processus de civilisation, passage d’une société « naturelle » à la société politique. » (G. Imbruglia)

La première réduction fut mise sur pied en 1609. Il y en eu 40 regroupant 150000 indigènes. L’effondrement suivit l’interdiction de la Compagnie de Jésus par les puissances coloniales catholiques entre 1759 et 1767.

                                  Extrait du film « Mission » (1986)                   

Abbé Marcel Villers

Sur tout ceci, voir Ludovico MURATORI, Relation des missions du Paraguay, 1983.

HISTOIRE DES MISSIONS. 7. Adaptation aux cultures (XVIIe s.)

7. La mission, rencontre des cultures (XVIIe s.)

La deuxième stratégie des missionnaires fut celle de l’adaptation. La rencontre et les échanges entre groupes sociaux et cultures différentes entraînent inévitablement métissage et changements culturels : on s’adapte à l’autre. Cela vaut dans les deux sens : le missionnaire, issu du monde latin et européen, va adapter son discours et son action au contexte social comme à la langue des populations. L’accommodation à la religion et à la culture de ces peuples va conduire à certaines formes de cohabitation ou de « baptême » des rites, fêtes et croyances locales au risque du syncrétisme. On adopte dans la liturgie certains gestes et rites significatifs de la culture locale. Et surtout, on apprend et utilise les langues indigènes. On traduit la Bible et le catéchisme. Parmi les premiers missionnaires du Mexique, Pierre de Gand, (Idegem 1480-Mexico 1572), frère franciscain flamand, étudie la langue des Aztèques et compose un catéchisme illustré sous forme de dessins coloriés.

Les Jésuites furent les plus audacieux dans la mise en œuvre de cette stratégie de l’adaptation. N. Standaert a mis en évidence quatre lignes de force de l’action missionnaire menée par les Jésuites au XVIIe siècle : « la politique d’accommodation ou d’adaptation, l’évangélisation à partir d’en haut, la propagation des sciences et techniques occidentales, l’ouverture et la tolérance à l’égard des autres cultures. » (Le Face-à-face des Dieux, Piconrue, 2007, p. 111)

François Xavier inaugura cette nouvelle forme d’action missionnaire par son approche sympathique et admirative de la culture du Japon où il passa trois ans (1549-1551). Roberto de Nobili (1577-1656), jésuite italien, vécut en Inde en adoptant l’habit et les coutumes des moines hindous. Matteo Ricci (1552-1610), jésuite italien, est le représentant le plus connu de cette méthode de l’adaptation qu’il pratiqua en Chine. Adoptant l’habit des lettrés, maîtrisant la langue et la littérature classique chinoises, il présente le christianisme dans les catégories mentales chinoises. Il est présent à la cour de l’empereur où il se distingue par sa science et sa maîtrise des techniques de l’horlogerie, de la cartographie et de l’astronomie. Le plus remarquable, c’est son argumentation rationnelle et non dogmatique, pour persuader les Chinois de la vérité du christianisme. Il approcha ainsi la forme ultime de la rencontre des cultures : le dialogue.

Abbé Marcel Villers