Voyez comme ils s’aiment
« Dieu qui fais toutes choses nouvelles quand passe le vent de l’Esprit, viens encore accomplir tes merveilles aujourd’hui. N’as-tu pas sanctifié les prémices du Peuple choisi par amour ? Illumine tous ceux que l’Église met au jour. Dans la brise ou l’éclat du tonnerre, l’Esprit nous entraîne en son chant ! C’est ta voix, ô Seigneur, sur la terre, maintenant » (Hymne de l’office divin).
En un bref chant, tout est dit. Le Dieu qui renouvelle vient en ces jours encore agir par son Esprit. Il veut nous accompagner comme il l’a fait pour le Peuple élu et pour l’Église dès ses fonts baptismaux. Ce n’est pas un hasard si la fête juive du don de la Loi coïncide avec le don de l’Esprit : c’est de la Providence… Aujourd’hui, encore, que nous soyons en période de bonheur ou de difficultés, le Seigneur veut nous parler par son Esprit. Mais savons-nous bien entendre ce qu’il nous dit ? A Theux, dans notre unité paroissiale, notre charte commence par ces mots : « Passionnés de l’Évangile du Christ, nous voulons confier au Père le soin de guider notre communauté par son Esprit ». De cette demande inaugurale qui est en fait une remise entre les mains du Seigneur, « notre constitution pastorale » nous amène à déclarer en finale : « Ensemble, nous voulons créer une communauté animée par l’Esprit qui crée et recrée dans la ligne de l’incarnation, de Pâques et de Pentecôte ». La semaine dernière, Jésus nous a fait part de sa prière inclusive (Jn 17), ce partage s’est poursuivi lors des messes de semaine. Qu’en est-il de sa joie qu’il voulait voir demeurer en nous ? La charte citée plus haut évoque une rencontre, une communion de désirs. Celui de Dieu et le nôtre ? Qu’en est-il dans les faits ? Comment allons-nous vivre cette Pentecôte ? Nous y sommes-nous même préparés ?
« Que notre unité soit une famille où l’Esprit Saint est toujours accueilli parce tout n’aura pas été prévu, réfléchi, ordonné et décidé par avance. Ensemble, nous voulons créer un espace où l’on grandit avec discernement. » Soyons réalistes et concrets. Notre famille se réunira selon les horaires et habitudes traditionnelles. Pour moi, l’innovation sera d’enfiler mes bottes pour rejoindre une communauté locale afin de célébrer les entrées en communion dans un bois ?! C’est la covid qui amène du changement : l’Esprit aura-t-il l’occasion de faire du neuf ? Espérons. De manière générale, comment, en Église, a-t-on pu laisser s’installer des communions, « petites et grandes », lors d’une fête majeure ? Malgré ses traditions vivantes et créatives, n’a-t-on pas laissé pousser un arbre qui masque la forêt des dons de l’Esprit ? Comment un public peu habitué à la fréquentation de l’Écriture peut-il accueillir le signe des langues de feu et celui du don des langues ?
Je n’insiste même pas ici sur la quasi disparition des confirmations qui devraient prendre leur place à la Pentecôte ? Le sacrement de confirmation, le don de l’Esprit est devenu un réel mystère… Cette semaine, le magazine La Vie publie un dossier sur les Églises évangéliques. Il est remarquable que ce soient, à l’heure actuelle, les seules en progression au niveau mondial ? Même chez nous ! Je note au passage qu’elles arrivent souvent à s’adresser à un public pauvre et démuni… Sans se comparer, il y a là de quoi réfléchir et méditer…
Voilà ! Ces quelques réflexions locales et générales ne visent pas à entrer en morosité : que du contraire !? La Pentecôte est aussi la mémoire d’un groupe de disciples qui y ont cru jusqu’au bout ou qui sont revenus après un lâchage. Un groupe de personnes qui se trouvent démunies devant le départ définitif de leur Maître et Seigneur. Malgré la joie de l’avoir revu vivant ! En fait, c’est ce dénuement qui le pousse à la confiance en la réalisation de la promesse et en la Parole. « Je vous le dis en vérité : c’est votre intérêt que je m’en aille ; car si je ne m’en vais pas, l’Esprit saint, le Défenseur, ne viendra pas à vous » (Jn 16.7). Bien plus, le départ de Jésus est bien une condition de possibilité du Don de l’Esprit. Pauvres et démunis, nous le sommes ; priants également mais il nous revient de ne pas limiter l’action de l’Esprit aux épiclèses de la messe ou à la récitation du Notre Père ?! A « Saint-Jean-Baptiste-en-la-fenêtre-de-Theux », nous demandons au Père « qu’il nous aide à construire, selon sa volonté et son désir, une unité paroissiale » dont on pourra dire « Voyez comme ils s’aiment ! » (Jn 13.35). Ici comme ailleurs, nous sommes tous en chemin. N’oublions pas non plus que l’Esprit travaille aussi au-delà ! La conversion de Paul et de tant d’autres en témoignent ! N’ayons pas peur de l’Esprit dont « nul ne sait d’où il vient et où il va » !
Et si, le Père lui le sait puisque l’Esprit vient de lui et retourne tout vers lui !
Joyeuse et sainte fête !
Jean-Marc, votre curé.
Addenda :
- Je n’ai pas voulu, en ce jour de Pentecôte, « la faire trop longue » comme on dit chez nous, mais je vous invite à vous laisser interpeller par l’extrait de la lettre aux Galates (5.16-25) proposée par la liturgie. Pour mémoire, les Galates étaient réputés dans l’Antiquité pour les mœurs frustes, mais il y a une comparaison possible avec notre société assez permissive. Merci à Paul pour sa position claire et radicale concernant la vie selon l’Esprit !
- Vous êtes plus d’un à avoir réagi positivement à ma dernière note sur la situation d’origine complexe en Terre Sainte. J’y reviendrai plus tard car il me semble que, derrière le bruit des explosions, se dessine un brin d’espoir basé sur la démocratie. Ici, je souhaite juste nous mettre en garde sur des réactions passionnelles et sentimentales venues de la triste réalité mais aussi de l’influence d’une guerre médiatique. Dans les années ’60-70, Israël a joué le jeu de la victimisation. (Ex : la guerre des Six Jours (1967) provoquée par un incident naval dans le golfe d’Akaba : en fait, Israël était prêt à réagir à la montée en puissance des armées arabes). Aujourd’hui, nous ne devons pas être dupes d’une potentielle expulsion de familles à Jérusalem-Est (injuste, si pas illégale) qui devient une récupération violente du Hamas avec ses tirs de rockets sur des civils ! Ces tirs ont masqué la victoire civile légitime des Arabes israéliens sur le mont du Temple et à la porte de Damas. Il faut savoir que la Terre Sainte est l’endroit le plus dense en couverture journalistique du globe ; forcément, l’explosion possible à court terme à tout moment explique la rentabilité d’un plus qu’éventuel papier ou reportage. Le Hamas, mouvement islamiste prônant toujours la destruction de l’État d’Israël, le sait. Dans la dernière crise, hors-jeu de fait, il n’a pas hésité à entamer des tirs dont l’ampleur montre qu’il était prêt (comment ?) sans ignorer que les ripostes de l’armée israélienne ne se feront pas sans victimes civiles en nombre dont des enfants ; Il faut le dire, ces gens n’ont aucun respect pour les vies humaines. Le bilan au monde donnant, hélas, le décompte des enfants tués était prévu et prévisible… Mais connaissons-nous le bilan détaillé des enfants mourants dans la Syrie affamée, le Liban en crise économique ou d’autres terres de conflits ou de déshérence (exemples : la Libye, le Yémen ou le Congo) ? A vrai dire non… ceci pour dire méfiance, gardons la tête froide malgré les horreurs. Surtout demeurons vigilants devant ceux qui utilisent leurs « prochains » comme boucliers humains pour faire valoir leur cause destructrice et oppressive. Je n’exonère nullement dans mes propos l’État d’Israël qui doit pouvoir rendre compte de ses actions légalement si ce n’est aux yeux de l’histoire. Histoire humaine et sainte ! … Aimer ne va pas sans passion ni lucidité.