SOURCES : 76. VENDREDI-SAINT

Vendredi-Saint

« Du haut de son trône patibulaire
Il va régner assisté de larrons
Plus noire que le péché de la terre
Son ombre étreindra de force Sion

Ces trois mâts hissés au sommet du monde
Sont pris en tempête aussitôt plantés
La terre en s’ouvrant dégorge ses tombes
La voile du temple est dilacérée

N’es-tu pas le Christ Sauve-toi toi-même
Crient le vent l’orage et l’un des larrons
L’autre dit tout bas Prends-moi dans ton règne
Comme à ton côté dans ta passion

Et nous qui venons de hurler le pire
Dans l’extrême angoisse où nous ricanons
Forçons notre orgueil notre honte à dire
Souviens-toi de nous qui te crucifions

Un seul soupir plus haut que la tempête
Un seul regard de silence suffit
Jésus en croix tourne vers nous la tête
Et dans ses yeux se lit son Paradis »
(Pierre Emmanuel, Évangéliaire, 1961)

Pierre EMMANUEL (1916-1984), poète français, enseignant et journaliste, élu à l’Académie française en 1968. Il n’aimait pas être défini comme poète chrétien, mais chercheur de Dieu il l’était, passionnément.

SOURCES : 75. JEUDI-SAINT

Jeudi-Saint

« Lui qui avait envoyé
Les porteurs de la nouvelle
Comme ils avaient tant marché
Il leur lava les pieds
Par reconnaissance
Pour les enseigner

Comme est gauche un serviteur
Qui voit son Seigneur et Maître
A genoux lui faire honneur
Si haute humilité
Bien plus l’intimide
Que la majesté

Depuis deux mille ans Seigneur
Que tes pas saignent sans cesse
Aux arêtes de nos cœurs
Seule cette éhontée
Cette pécheresse
T’a lavé les pieds

La chambre s’emplit de nuit
Et lentes paroles
Sur table un pain rompu
Une coupe vide
L’alliance est consommée »
(Pierre Emmanuel, Évangéliaire, 1961)

Pierre EMMANUEL (1916-1984), poète français, enseignant et journaliste, élu à l’Académie française en 1968. Il n’aimait pas être défini comme poète chrétien, mais chercheur de Dieu, il l’était, passionnément. 

HOMÉLIE DU CINQUIÈME DIMANCHE DU CARÊME THEUX 2024

SAUVEGARDER LA MAISON COMMUNE

                                                 5ème dimanche du carême Theux 2024
                                                                           L’héritage

Si le grain de blé ne meurt, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits.  La croix devient l’arbre de vie. De la mort peut renaître la vie. Comme de l’hiver, le printemps ; du carême, Pâque ; du sacrifice, la résurrection.
Nous inscrivons notre existence et notre action dans ce mouvement de mort et de renaissance. Au long de ce carême, le jeûne, la prière et le partage nous ont fait mourir à nous-mêmes et sont porteurs de fruits au bénéfice de notre propre santé spirituelle comme du salut de nos frères et sœurs accablés par l’injustice et les conséquences de nos œuvres mauvaises. Nous avons aussi entendu « notre sœur la terre qui crie en raison des dégâts que nous lui causons ».
Tout cela a mis en évidence notre interdépendance : nous sommes tous liés les uns aux autres, tant dans le mal que dans le bien.

Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits. De la mort naît la vie. Mort et résurrection rythment l’existence humaine et non seulement sa phase terminale. C’est tous les jours qu’il nous faut mourir et ressusciter, sortir de nos tombeaux, nous réveiller, nous libérer de la mort et nous lever pour vivre et défendre la vie. Mais dans les faits, dans notre comportement quotidien, œuvrons-nous pour la vie ou pour la mort ? Notre action, notre manière d’être contribuent-elles à une culture de la vie ou une culture de la mort ?

Culture de la mort que l’obsession de produire, posséder toujours plus, jusqu’à plus soif, rejetant alors des montagnes de déchets, comme l’on vomit d’avoir trop mangé. Nous avons succombé à la tentation d’Adam qui a mangé le fruit défendu, voulant ramener la création à son ego, jouir de ses fruits pour lui-même, user des produits de la terre comme d’une chose à consommer ou d’une idole. Nous ressemblons à la grenouille de La Fontaine par cette boulimie d’un ego qui veut se faire aussi gros qu’un dieu. La créature perd ainsi toute mesure, notre moi prend la place de Dieu. Aujourd’hui, le climat devenu fou sonne comme une alarme pour stopper ce délire de toute-puissance.

Culture de la mort ou culture de la vie ? Reconnaissons avec humilité et courage notre limite. Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits. Voilà le paradoxe énoncé par Jésus : si tu veux la vie, tu dois accepter la mort, c’est-à-dire, la limite, reconnaître ta condition de créature. Mourir à soi est source de vie. La vie passe par l’autolimitation, le renoncement à la préférence pour soi. N’est-ce pas ce que révèle le destin du Fils de l’homme, la passion de Jésus. Il ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, mais il s’est anéanti, abaissé jusqu’à la mort.  De cette mort a surgi la vie. Cette autolimitation ouvre le salut, de même notre sobriété peut ouvrir l’avenir de la maison commune. Tendons l’oreille aux espérances des jeunes et aux rêves des enfants !
Nous avons une grande responsabilité : faire en sorte que leur avenir ne soit pas refusé. Leur avenir et celui de la planète sont entre nos mains.

Abbé Marcel Villers

HOMÉLIE DU TROISIEME DIMANCHE DU CARÊME 2024 THEUX

SAUVEGARDER LA MAISON COMMUNE
Troisième dimanche du carême 2024
Congé sabbatique

Jésus ne peut supporter ce qu’on fait de Dieu dans ce Temple : un potentat, assoiffé de sang qui se complaît dans le sacrifice d’animaux, symbole de celui des humains. Il chasse hors du Temple brebis, bœufs et colombes qui attendent la mise à mort. Il purifie ainsi le Temple pour le véritable culte.  A nous chrétiens, le dimanche est offert pour la purification de nos relations avec Dieu, avec les autres et avec notre environnement.

La loi antique imposait de chômer le septième jour. Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ton serviteur, ni les bêtes, ni l’immigré qui est dans ta ville. Le septième jour, Dieu se reposa de toutes ses œuvres et il ordonna que chaque septième jour soit jour de repos.

Une année sabbatique fut également instituée, tous les sept ans, pendant laquelle un repos complet était accordé à la terre ; on ne semait pas, on mangeait ce que la terre produisait spontanément, gratuitement. On respectait ainsi la terre qui n’est pas un objet inerte, sans âme, une simple matière à pressurer jusqu’à en extraire le plus de rendement possible.

Passées sept semaines d’années, 49 ans, le Jubilé était célébré. La loi bascule ici dans un autre registre que celui de la nature, celui de la réforme sociale. Le Jubilé était une année de pardon universel, de libération des dettes et des esclaves. C’est l’équivalent d’une amnistie qui redonne à chacun la chance d’un nouveau départ. C’est le sens de l’année sainte que l’Église proclame tous les 25 ans depuis le XVe s. : temps de conversion, de pardon et donc d’action de grâces. Ce sera le cas l’an prochain, en 2025. 

Cette législation cherche à assurer l’équilibre des rapports de l’homme avec la terre et ses produits, l’équilibre entre son travail et l’environnement. Mais aussi l’équité et la justice sociale car la terre est un bien commun et ses produits appartiennent à tous. Lorsque vous récolterez la moisson, vous ne moissonnerez pas jusqu’à l’extrémité du champ. Tu ne glaneras pas ta moisson, tu ne grapilleras pas ta vigne et tu ne ramasseras pas les fruits tombés dans ton verger. Tu les abandonneras au pauvre et à l’étranger. (Lv 19, 9-10)

Comme les agriculteurs nous le rappellent par leurs manifestations, écologie et justice vont de pair : pas l’un sans l’autre.

Abbé Marcel Villers

Illustration : Un dimanche au village, oeuvre d’un artiste haïtien.