Clé pour lire l’évangile de Marc : 19. La nouveauté

Clés pour lire l’évangile de Marc

Dans cette série hebdomadaire (parution le mercredi matin), nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Marc. Cette semaine : Mc 2,21-22.

19. La nouveauté

À vin nouveau, outres neuves (Mc 2,22)

Avec Jésus, les temps nouveaux sont arrivés. Il est le messager de la joyeuse nouvelle. La nouveauté que Jésus apporte, c’est le salut offert à tout homme, juif ou païen, juste ou pécheur. Tous sont invités. Le temps des anciennes pratiques, celui des vieilles traditions, est passé.

« Les deux antithèses métaphoriques (2,21-22) marquent, comme neuf/vieux, la différence entre la pratique de Jésus et la pratique du jeûne, significative du système religieux juif. D’un côté, le champ symbolique juif est dit un vieux tissu (ou texte), qui ne supporte pas d’être cousu par un nouveau tissu (texte) ; d’un autre côté, il est comparé à un ordre vieux (outre) qui ne peut pas supporter la force d’un vin nouveau. La subversion est dite clairement : déchirure du vieux texte symbolique, éclatement de l’ordre ancien. » (Fernando BELO, Lecture matérialiste de l’évangile de Marc, 1974, p. 156-157)

Déchirure, éclatement, tel est l’impact de la nouveauté de Jésus sur l’antique religion. Il s’agit bien de subversion, inacceptable au point qu’on se hâtera d’éliminer Jésus le novateur.

La subversion de la religion

La proximité du Règne de Dieu qu’annonce Jésus est incompatible avec les catégories du judaïsme de l’époque. Le vin nouveau de l’Évangile ne peut être versé dans les vieilles outres de la religion juive. Jésus refuse le compromis qui consisterait à rapporter une pièce neuve sur un vieux vêtement. Il faut accepter de changer, de se convertir au monde nouveau. La résistance au changement est naturelle et rassurante, mais elle n’est plus possible pour les chrétiens de Marc tentés par un retour aux pratiques juives (Camille FOCANT, L’évangile selon Marc, 2010, p.122-123). Jésus est-il allé jusqu’à la rupture avec le judaïsme de son temps ? Non, car il n’a jamais prôné un rejet du judaïsme, mais sa réforme. Néanmoins, il rencontra une forte opposition de certains segments du monde religieux juif. Ce qui le conduira à la mort en croix.

Abbé Marcel Villers

Clé pour lire l’évangile de Marc : 18. Il fut enlevé au ciel

Clés pour lire l’évangile de Marc

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Marc. Cette semaine : Mc 16,19-20.

18. Il fut enlevé au ciel

Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé,
fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu (Mc 16,19)

L’aventure de Jésus se termine. Il monte au ciel comme deux de ses illustres prédécesseurs : Hénoch (Gn 5,24) et Élie (2R,2). C’est une façon de traduire leur destin unique : ils n’ont pas connu la mort et sont quelque part, au ciel, dans le monde de Dieu. D’où ils doivent revenir.

Cela signifie, dans le langage apocalyptique (voir n° 6 de cette série), qu’ils sont en réserve pour une intervention lors de la fin des temps. Élie était ainsi attendu pour annoncer la venue du Messie et l’inauguration des temps derniers. Quant à Jésus, il doit revenir, au dernier jour, comme Seigneur de tous les hommes et Juge ultime de ce monde.

Il est monté aux cieux, est assis à la droite du Père tout-puissant, d’où il viendra juger les vivants et les morts. Ainsi l’affirmons-nous dans le Symbole des Apôtres, notre Credo.

Les langages de la résurrection

Dans les écrits du Nouveau Testament, trois langages sont utilisés pour dire ce qui est arrivé à Jésus après sa mort. « Il est ressuscité d’entre les morts » exprime bien l’aspect premier : Jésus n’appartient plus au monde des morts. Alors, se pose la question de savoir où il est : « Il est monté au ciel » exprime la réponse, à savoir qu’il est dans un autre monde, celui de Dieu. Enfin, on se demande s’il a encore un rapport avec notre aujourd’hui : « Il est présent par son Esprit » répond la Pentecôte. Ces trois aspects du même événement ont été traduits dans une chronologie liturgique : Pâques, Ascension, Pentecôte. Ce ne sont en fait que trois manières de dire la même chose : le Seigneur est vivant.

Abbé Marcel Villers

Clé pour lire l’évangile de Marc : 17. La joie des noces

Clés pour lire l’évangile de Marc

Dans cette série hebdomadaire (parution le mercredi matin), nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Marc. Cette semaine : Mc 2,18-20.

17. La joie des noces

Les invités de la noce pourraient-ils jeûner
pendant que l’époux est avec eux ? (Mc 2,19)

Une noce. Magnifique image de la mission de Jésus ! À ceux qui reprochent aux disciples de ne pas jeûner, Jésus répond que le temps n’est plus au jeûne, mais à la joie. Il le justifie par une comparaison qui fait appel à une expérience que chacun a pu connaître : la participation à un repas de noce. En présence du marié, les gens de la noce ne vont tout de même pas s’interdire de manger !

Jésus est l’époux qui convie tout le monde à ses noces avec l’humanité. Il est le messager de la joie : le Règne de Dieu est arrivé avec lui. Alors, « tant qu’ils ont l’époux avec eux, ils ne peuvent pas jeûner » (2,19). Le jeûne est, en effet, une pratique qui dit la faim et la soif de Dieu, l’attente ardente de sa venue.

Le temps de l’attente est terminé. Jésus par sa présence est la joyeuse nouvelle. C’est lui l’Évangile. Il inaugure un monde nouveau qu’il appelle le Royaume de Dieu. Tous sont invités à y entrer et à partager la joie des noces avec Dieu. Tous sont bienvenus à la grande table pour s’y rassasier et combler toute faim.

Le jeûne

En Israël, il y avait des jours officiels de jeûne. Avant l’exil, c’était uniquement le jour de la fête des expiations ou Grand Pardon (Lv 16,29) ; après l’exil, il y avait quatre jours de jeûne public annuels (Zach 7,3.5 ; 8,19). Au temps de Jésus, la pratique du jeûne était recommandée et pratiquée dans les groupes religieux comme les pharisiens ou les baptistes (Jean-Jacques VON ALLMEN, Vocabulaire biblique, 1969, p. 144-145). En témoigne le pharisien de la parabole qui se vante de jeûner deux fois par semaine (Lc 18,12). Le jeûne était assimilé à une forme d’humiliation, de deuil, d’affliction. Il était l’expression d’une profonde repentance comme d’une attente de Dieu (Joël 1,14 ; 2,12). Jésus n’a jamais exigé le jeûne comme une pratique à observer régulièrement puisqu’avec lui le salut est advenu. L’Église a cependant rapidement retrouvé la pratique du jeûne, essentiellement comme une pratique pénitentielle mais aussi comme une expression de l’attente et une forme de préparation aux grandes fêtes, surtout de Pâques et de Noël.

Abbé Marcel Villers

Clé pour lire l’évangile de Marc : 16. Le pouvoir de Jésus

Clés pour lire l’évangile de Marc

Dans cette série hebdomadaire (parution le mercredi matin), nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Marc. Cette semaine : Mc 2,1-12.

16. Le pouvoir de Jésus

Qui peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ? (Mc 2,7)

Au paralytique qu’on lui amène, Jésus déclare : « Mon enfant, tes péchés sont pardonnés » (2,5). Mais qui peut pardonner les péchés ? N’est-ce pas un pouvoir propre à Dieu ? Cette question du pouvoir pose inévitablement celle de l’identité de Jésus.

Qui est cet homme ? Interrogation constante que l’évangile de Marc pose à son lecteur. La question des scribes : « Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? » (2,7) est en fait la nôtre. Deux réponses sont possibles : ou bien ce Jésus est un blasphémateur, ou bien il est doté d’un pouvoir divin.

Que répond Jésus ? Au « pour quoi » de la question, on s’attendrait à un « parce que » dans la réponse, mais Jésus répond comme si la question avait été : « Qui es-tu ? » À la fausse question sur ses faits et déclarations, il donne la vraie réponse, celle qui concerne sa personne : il est « le Fils de l’homme qui a autorité pour pardonner les péchés sur la terre » (2,10).

L’objectif de l’évangéliste est de nous faire passer de l’une à l’autre interprétation, du blasphémateur au Fils de l’homme. (voir n° 8 de cette série) C’est notre image de Dieu qui est en jeu. Ou bien nous interprétons l’action de Jésus à partir de notre conception préalable de Dieu et alors il n’est pas possible qu’un humain puisse pardonner les péchés ; Jésus alors ne peut être qu’un blasphémateur. Ou bien c’est à partir de Jésus et de sa manière d’agir que nous devons nous faire une nouvelle image de Dieu.

Le péché : une paralysie

« Échouer dans le mouvement vers une cible », tel est le sens étymologique du terme grec (hamartia) employé par les évangiles synoptiques et traduit par « péché ». On est dans le cadre d’une métaphore, celle d’un groupe humain en marche vers un but. Le péché est ce qui menace la cohésion ou l’avancée du groupe. Le paralytique en est une bonne image, il n’avance pas et entrave la marche des autres. Tel est bien le péché : un blocage. Pour illustrer ce que signifie le pardon des péchés, l’évangile met en scène un malade libéré de sa paralysie. Ce n’est pas pour rien que Jésus l’invite à se lever et à marcher. Le but de Jésus est de remettre en marche sur le chemin de la vie comme l’indiquent les premiers versets de l’évangile de Marc : « Voici que j’envoie mon messager en avant de toi pour ouvrir ton chemin » (1,2). (Jean-Pierre PRÉVOST, Nouveau vocabulaire biblique, 2004, p.394-395)

Abbé Marcel Villers