Le Pain de Vie, signe de miséricorde

Lapinbleu536C-Ps33_5

Homélie de l’abbé Jean-Marc Ista
pour le 19ème dimanche du temps ordinaire,
Theux, le 9 août 2015

1ère lecture : 1 Rois 19,4-8 + Psaume 33 + 2ème lecture : Éphésiens 4,30- 5,2
+ Évangile : Jean 6,41-51

Miséricorde… Bienveillance

Dans les textes bibliques de ce dimanche, il y a un FIL ROUGE qui conditionne tout. C’est la miséricorde. Ce mot n’est pas prononcé directement. Mais la miséricorde fait partie de la nature même de Dieu. La première lecture nous parle du prophète Élie qui n’en peut plus d’être poursuivi par l’hostilité de la reine Jézabel. En fuyant dans le désert, il pense échapper à cette femme.

Mais pourrait-il échapper à sa mission de prophète. À quoi bon tant de zèle ? À quoi bon lutter à contre-courant ? Épuisé par tout ce qui lui arrive et plus seul que jamais, il en vient à demander la mort : Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie. Loin des hommes, il pourra s’endormir et mourir tranquillement.

En cela, il nous représente lorsque la vie se fait trop lourde à porter , la désespérance ou la dépression (qui n’existait pas à l’époque) nous guette. Nous nous retrouvons au fond du trou encore plus bas que nous ne l’aurions imaginé. Alors survient le désir de mort pour avoir la paix…

Toutefois, voici Dieu qui s’approche : il ne fait pas de reproche à Élie. Il laisse bien dormir son serviteur. Puis il lui sert un repas : Lève-toi et mange. Lire la suite « Le Pain de Vie, signe de miséricorde »

Notre agenda ressemble-t-il à celui de Jésus ?

LapinBleu5TOB

Tel était le thème de l’homélie de notre curé, l’abbé Jean-Marc Ista :
devant le récit que saint Marc nous fait d’une journée ordinaire de Jésus,
comment évaluons-nous notre propre emploi du temps ?

Voici le texte de son homélie,
suivi de quelques photos de cette belle célébration en Unité pastorale,
à Theux, le dimanche 8 février dernier (5ème du Temps ordinaire, année B)

D’une certaine façon, le récit de saint Marc de ce dimanche (1,29-39) nous donne un bref aperçu de l’agenda de Jésus à Capharnaüm au début de sa vie publique.

Marc insiste sur trois temps forts : Jésus passe en faisant le bien ; Jésus prie ; Jésus sort pour s’ouvrir aux autres.

Comparons son agenda avec le nôtre et voyons si notre emploi du temps est semblable au sien.

Jésus passe en faisant le bien. En visite dans la maison de Simon, il guérit sa belle-mère qui était malade et, par après, en fin de journée, on lui amène tous les malades et ceux qui étaient possédés par un esprit mauvais. Et Il les guérissait.

Prenons notre agenda. Sommes-nous soucieux du bonheur de nos frères ? Que faisons-nous pour qu’ils soient heureux, corps et âme ? Il y a tant de blessés, de déprimés, de malades de toutes sortes sur notre route. Les voyons-nous d’abord ? Notre annonce de la Bonne Nouvelle est-elle une parole creuse ou bien s’appuie-t-elle sur des gestes concrets à l’égard des plus déshérités ?

Nous pouvons aussi nous poser la question de pourquoi nous avons tant de difficulté à donner priorité aux autres ? Par égoïsme ? Parce que tellement nous étions avides de reconnaissance, notre service nous a déçus et épuisés ? L’Évangile nous montre la belle-mère de Pierre relevée de sa fièvre et allant au service de Jésus et des disciples. Marc indique qu’elle sert non comme une esclave mais en authentique diaconesse. Elle sert légèrement dans un libre échange. Là est son secret. Les faits parlent pour elle : elle a d’abord accepté de recevoir. Sa fièvre la rendait impure, surtout un jour de Sabbat. Néanmoins, elle a laissé Jésus s’approcher -pire la toucher- pour prendre soin d’elle !

Et nous, comment nous laissons-nous faire ? Avons-nous la simplicité de lâcher prise et de laisser Jésus s’approcher et prendre soin de nous ? Lire la suite « Notre agenda ressemble-t-il à celui de Jésus ? »

La paix passe par le dialogue ! Mgr Delville et « Je suis Charlie »

Logo du diocèse de Liège

Je suis Charlie

Une explication par Mgr Jean-Pierre Delville,
évêque de Liège, spécialiste de l’histoire du christianisme

Cette journée du 7 janvier 2015 marque un sommet de violence dont la symbolique est énorme. Deux logiques s’affrontent : la logique hyper-identitaire des frères Kouachi qui se réclament abusivement de l’islam, et la logique hyper-critique des douze journalistes de Charlie-Hebdo, sauvagement assassinés. Les deux logiques font partie de la mondialisation vécue aujourd’hui. Suite à cet attentat, beaucoup de Français ont adopté le slogan Je suis Charlie.

La logique de Je suis Charlie

Pourquoi se reconnaît-on à ce slogan, même si on ne partage pas nécessairement les idées de Charlie-Hebdo ? « Charles » ou « Charlie » est un nom identitaire de la France. C’est le nom de son premier roi Charles Ier, qui n’est autre que Charlemagne. « Charles » est un nom germanique, « Karl », car Charlemagne et toute la dynastie des rois carolingiens est germanique, elle est de la tribu des Francs. Ce sont les Francs, entrés en Gaule dès le 4e siècle, qui vont transformer les Gaulois en « Français », c’est-à-dire « Francs ». L’identité française est donc plurielle : elle est la fusion de la culture germanique avec la culture gauloise, d’origine latine et celte. Cette fusion s’est faite grâce à l’influence du christianisme, qui a beaucoup inspiré Charlemagne. Dire Je suis Charlie reflète cette expérience millénaire de rencontre des cultures germanique et latine ; c’est le reflet d’une culture plurielle.

La logique des frères Kouachi et du wahhabisme

Face à cela, l’Islam revendiqué par les terroristes est un ersatz d’Islam. Il s’agit du courant wahhabite, qui est une reconstitution fictive de l’Islam médiéval, simplifié à l’extrême et réduit à certaines lois codifiées dans la sharia. C’est un Islam de combat, destiné à s’opposer au pluralisme et au matérialisme de la culture mondiale actuelle. Il s’agit d’une culture de revanche face aux humiliations subies par l’Islam suite à la chute de l’Empire ottoman en Turquie (1918) et à la perte de toutes ses possessions européennes (les Balkans), suite aussi aux oppressions engendrées par les colonisateurs anglais et français sur les régions musulmanes historiques (Pakistan, Syrie, Irak ; Algérie, Tunisie). Cette identité devient un véritable fascisme, comme l’a montré le P. Emilio Platti dans Tertio (décembre 2014). Ici il s’agirait d’une inspiration de la branche yéménite d’Al-Qaïda.

La nécessité du dialogue et de la liberté d’expression

Cette opposition entre une identité plurielle et une identité fermée a provoqué l’attentat du 7 janvier. La réaction Je suis Charlie manifeste la conscience de l’importance d’une identité ouverte, dans notre monde actuel. Pareille identité entraîne la nécessité d’un dialogue. C’est ce que voulaient provoquer les journalistes de Charlie-Hebdo par leur liberté d’expression. Elle demande un surplus d’engagement. Le monde musulman a compris l’importance de ce dialogue ; un imam du Hezbollah a dit très clairement ce vendredi 9 janvier : Les djihadistes de Paris ont fait bien plus de tort à l’Islam que les caricatures de Mahomed parues dans Charlie-Hebdo.

Le rôle des guerres dans la diffusion du terrorisme

Inversement les guerres qui s’éternisent dans le monde, comme en Syrie et en Irak, produisent des guerriers qui, revenus dans leur pays, ont tendance à continuer à agir comme guerriers. Ils sont autant de bombes à retardement. Pour endiguer le phénomène, il faut avancer dans le dialogue et arrêter la guerre. Pour arrêter la guerre en Syrie, il faut mettre la Russie dans le coup, car c’est elle qui détient les clés de la solution ; c’est elle qui tient au gouvernement de Bachar El-Assad parce qu’il protège la flotte russe dans les ports syriens. On doit donc éviter de diaboliser constamment la Russie et son régime, si on veut avancer vers la paix. Une voie ouverte est de commencer par la pacification d’Alep. Cette grande métropole culturelle est habituée au dialogue inter-religieux. Mais elle est disputée entre les deux partis, le régime syrien et le Daech des djihadistes. Sa pacification serait un pas exemplatif. L’ONU s’y attelle, à l’initiative de de la Communauté S. Egidio. Tout ceci exige de dépasser des a priori faciles.

L’enchaînement : l’attentat anti-juif de la Porte de Vincennes et celui de Maiduguri au Nigéria

Samedi 9 janvier, s’est ajouté l’attenta commis pas Coulibaly contre l’Hyper Cacher, magasin juif de Paris, à la Porte de Vincennes. Il est significatif de cette volonté d’exclusivisme du mouvement djihadiste. On apprend au même moment qu’une bombe a tué 19 personnes au Nigéria, sur le marché de Maiduguri, ce 10 janvier. Elle manifeste une action de Boko Haram, le mouvement terroriste qui attaque la population nigériane. L’attaque a fait plus de morts que celle de Paris, mais bien moins de bruit. Elle est bien moins médiatisée. Mais elle relève de la même logique.

La piste du dialogue inter-religieux et de l’évangile

C’est pourquoi, face à ces périls, seul le chemin du dialogue entre les religions et les convictions, dans le cadre d’une société plurielle et respectueuse de l’autre est porteur d’avenir. Le rôle des chrétiens est fondamental, car leur habitude à vivre un idéal de foi dans le cadre d’une pluralité du message originel (les deux testaments, les quatre évangiles) leur permet de diffuser la logique de l’amour dans le respect mutuel.

+ Jean-Pierre Delville,
é
vêque de Liège

A lire aussi (notamment !), pour ceux qui se posent des questions sur Je suis Charlie :
* l’opinion du Lapin bleu, le « prêtre-bloggeur-dessinateur » Coolus
* l’opinion de Sébastien Belleflamme, professeur de religion à Liège

Bonne réflexion… et bonne prière !