Clés pour lire Matthieu : 6. L’étoile et les mages

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Matthieu. Cette semaine : Mt 2, 1-12 de la fête de l’Épiphanie.

6. Une étoile s’est levée

Nous avons vu son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui. (Mt 2,2)

Hérode convoque tous les savants pour savoir « où devait naître le Christ » (2, 4). Dans les Écritures, on lit : « Bethléem, de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. » (2, 6) Devant l’enfant Jésus, « ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. » (2, 11) Ces offrandes témoignent de la véritable identité de l’enfant de Bethléem. Il est Dieu à qui on offre l’encens de la prière. Il est Roi à qui on offre l’or précieux. Il est un homme destiné à mourir, à qui on offre la myrrhe de l’embaumement.
Le portrait de Jésus et sa mission se précisent ainsi grâce aux Écritures juives et aux offrandes des Mages, représentant les peuples païens.

L’itinéraire suivi par les Mages est celui de tout chrétien. Il va de l’étoile à l’Écriture pour aboutir à la vivante et humaine présence de l’enfant en qui Dieu rencontre la quête des hommes.

Les mages venus d’Orient
« Les mages, mi-savants, mi-magiciens, pratiquent la divination, la médecine, l’astrologie et interprètent les songes. La Bible ne les aime pas et il ne peut s’agir que de païens, la magie étant bannie d’Israël. Ces mages viennent d’Orient, car les mages orientaux sont les plus réputés, surtout les Chaldéens de Babylone. Matthieu ne précise pas leur nationalité. Les dons qu’ils apportent font songer à l’Arabie. Ils peuvent aussi bien venir de Perse comme ces mages venus à Rome en 66 honorer l’empereur Néron.
L’Église d’Occident compte trois mages, un par cadeau apporté, et en fait des rois. Cet anoblissement reflète une certaine familiarité avec l’Ancien Testament. En effet, selon le psaume 72, ce sont les souverains des nations qui viennent offrir au Messie les trésors de leur pays. Matthieu ne parle pas de rois : ce sont des païens qui, à partir de leur science et des Écritures viennent au Christ. C’est la première leçon missionnaire de l’évangéliste. » (Claude TASSIN, L’Évangile de Matthieu, 1991)

Abbé Marcel Villers

Histoire des missions. 24. La mutation

24. La mutation de la mission

Présentant une nouvelle théologie de la mission, le concile a provoqué un bouleversement de la pratique missionnaire et une remise en question des stratégies traditionnelles. Un missionnaire d’Afrique, Dominique Nothomb, exprime, en 1968, son vécu de la mutation en marche de la Mission de l’Église. Il met en évidence quatre lignes d’évolution.

  1. Des missions, affaire des instituts, à la Mission, œuvre de l’Église

L’activité missionnaire cesse d’être le monopole des congrégations et instituts spécialisés dans les « missions étrangères ». Les « missions » s’estompent devant « la Mission ». Hier, chaque institut missionnaire avait ses œuvres et ses territoires. Aujourd’hui, ils se situent, non en marge, mais dans telle Église particulière. Ainsi, il n’y a plus de « missions des Pères Blancs », il y a des diocèses avec un évêque où tous travaillent à la même Mission de l’Église.

  1. De la Mission, affaire des clercs, à la Mission, œuvre prophétique

Jusqu’il y a peu, les prêtres étaient considérés comme les seuls missionnaires authentiques. Cette conception cléricale de la mission oublie que la vocation missionnaire ne découle pas de l’appel au sacerdoce, mais se greffe sur la grâce du baptême. Si l’objectif de la mission est l’adhésion au Christ, il reste que toute collaboration au développement intégral d’un peuple, d’un homme, est œuvre missionnaire de l’Église. L’éveil et la formation d’un laïcat chrétien responsable deviennent aussi urgente que la mise en place d’un clergé local.

  1. De la Mission, bienfait paternel, à la Mission, service fraternel

 Jadis, le missionnaire était « le Père », le généreux bienfaiteur. D’une Église paternaliste, il faut arriver à une Église fraternelle où le missionnaire s’efforce de marcher au rythme des autochtones, entre dans leurs projets, se place à leur point de vue. Aujourd’hui, le missionnaire doit fournir un gros effort d’intégration et d’amitié fraternelle.

  1. Des missions aux païens à la Mission aux hommes

Le non-chrétien n’est plus considéré comme un condamné sur la route de la perdition. Il est rencontré d’abord dans sa recherche, consciente ou non, de Dieu qui l’appelle. Le missionnaire doit être l’homme du dialogue : il interroge, il écoute, il propose son message. Il ne vise plus seulement le salut des âmes, il veut le salut de tout l’homme et de tout homme.

Dominique NOTHOMB
Extraits de Vivante Afrique, n°259, nov.-déc. 1968, p. 10-15.

 

 

Clés pour lire l’évangile de Marc : 34. Pur-impur

Clé pour lire l’évangile de Marc

Dans cette série hebdomadaire (parution le mercredi matin), nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Marc. Cette semaine : Mc 7, 1-23 du 22e dimanche du temps ordinaire.

34. Pur-impur

 Rien de ce qui est extérieur à l’homme ne peut le rendre impur, mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. (Mc 7,15)

Jésus distingue deux types de souillure. La souillure externe concerne par exemple la nourriture : des mains ou des plats non lavés rendent impurs les aliments, par simple contact. La souillure éthique est d’ordre intérieur, relative aux intentions et a son siège dans le cœur de la personne. « C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. » (7,21-23) Jésus substitue ainsi à la conception rituelle de la pureté celle de la pureté morale, favorisant l’intériorisation de la religion.

« C’est ainsi que Jésus déclarait purs tous les aliments » (7,19) Telle est la conclusion tirée de cette discussion. Marc clôt ainsi un débat interne à l’Église primitive portant sur l’obligation de suivre les prescriptions alimentaires juives. L’enjeu est la communauté de table entre chrétiens issus du judaïsme et ceux venant du monde païen. La sentence de Jésus est claire : aucune nourriture, qu’elle soit interdite, non casher ou contaminée, n’est susceptible de rendre l’homme impur. Ainsi s’efface une des frontières entre Juifs et païens.

L’ouverture missionnaire

Par la remise en question des interdits alimentaires prescrits par la loi juive, et « qui auraient limité la mission chrétienne vers les païens, Jésus ouvrait, selon Marc, une voie qui justifie la tradition missionnaire ultérieure. Jésus a d’ailleurs annoncé que « l’évangile doit être proclamé à toutes les nations » (13,10). C’est en fonction de cette intention missionnaire que le Jésus de Marc prône le dépassement des règles de pureté liées à une société particulière, voire particulariste, qu’elles devraient protéger.

Grâce aux principes posés : tous les aliments sont purs ; c’est du cœur que vient le mal, Marc brise les barrières du particularisme et ouvre fondamentalement la porte vers un élargissement de la mission en direction des païens. » (Camille FOCANT, L’évangile selon Marc, 2011, p.274-276)

Abbé Marcel Villers