Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Un geste qui annonce la mort de Jésus : Jn 12, 1-11.
54. L’onction
Marie oignit les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux. (12,3)
Le geste de Marie est surprenant pour plusieurs raisons. Normalement, on honore un invité en oignant sa tête, non ses pieds. La quantité utilisée – une livre (327,5 gr) de nard pur – relève de l’excès comme la valeur du parfum estimée à 300 deniers (équivalent à dix mois de salaire d’un journalier). Enfin, une femme ne dénoue pas ses cheveux en public et encore moins les utilise pour essuyer les pieds d’un homme. Ce geste exprime l’amour et la vénération de Marie pour Jésus.
Deux interprétations sont données de ce geste. Pour Judas, c’est du gaspillage : « Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum au bénéfice des pauvres ? » (12,5) Pour Jésus, Marie a agi « en vue du jour de mon ensevelissement » (12, 7) car selon la tradition juive, l’onction des pieds se faisait non pour un vivant mais pour un mort. L’amour de Jésus incarné par Marie s’oppose à l’amour de l’argent représenté par Judas.
Des pauvres, vous en aurez toujours (12,8)
« Jésus reçoit le geste de Marie comme une preuve d’amour. Mais en opposant les pauvres et sa personne, non seulement il souligne la prévalence de tout homme sur toute valeur marchande, mais il laisse apparaître quelques chose den sa dignité exceptionnelle qui autorise cette démesure dans la dépense : « Moi, vous ne m’aurez pas toujours » (12,8). Entre la femme et Judas, deux regards sur Jésus sont mis en opposition. Le premier place Jésus au-dessus de tout et marque, peu avant sa mort, un amour sans limite. Le second place la valeur marchande au-dessus de la personne de Jésus. Ce récit ne doit pas être interprété comme la prédominance du culte sur les pauvres, comme on dit : « Rien n’est trop beau pour Dieu. » (Alain MARCHADOUR, L’évangile de Jean, 1992)
Abbé Marcel Villers