SOURCES : 18. Deux pièges

SOURCES

Dans cette rubrique, il est question de sources, celles qui nous font vivre, celles qui donnent sens à notre action, celles qui contribuent à construire notre identité.  Aujourd’hui comme hier, nous avons besoin de boire à ces sources pour vivre et donner sens à notre engagement.  Chaque jeudi, vous est proposé un texte à lire, méditer, prier.

Abbé Marcel Villers

18. DEUX PIÈGES

 « Il est parmi nous deux sortes d’épreuves. Nous sommes attaqués en ce monde ou par l’affliction, qui, comme l’or dans le creuser, éprouve notre âme et fait connaître sa force en exerçant sa patience, ou par la prospérité même, qui est un autre genre d’épreuve.

Car il est également difficile, et de ne pas nous laisser abattre dans les peines de la vie, et de ne pas nous laisser emporter par l’orgueil dans l’excès du bonheur.

Job nous fournit un exemple de la première sorte d’épreuve. Cet athlète généreux et invincible a soutenu tous ses efforts avec un cœur ferme et inébranlable, s’est montré d’autant plus grand, d’autant plus élevé au-dessus des disgrâces que son ennemi lui livrait des combats plus rudes et plus cruels.

Le riche de l’évangile, aux greniers bien remplis, nous offre un exemple de l’épreuve dans les heureux succès. Ce riche possédait déjà de grandes richesses, en espérait de nouvelles, parce qu’un Dieu bon n’avait point puni d’abord son ingratitude, mais qu’il ajoutait tous les jours à ses biens, pour essayer si, en rassasiant son cœur, il pourrait le tourner vers la sensibilité et la bienfaisance. Son avarice ne lui permettait pas d’abandonner ses anciennes récoltes et donc de renfermer les nouvelles vu leur abondance ; il était embarrassé et ne savait à quoi se résoudre. Son âme est oppressée et agitée par les soucis. Parfaite image de ces gourmands insatiables, qui aiment mieux charger leur estomac outre mesure et se nuire à eux-mêmes que d’abandonner leurs restes à celui qui en est dans le besoin. »

Saint Basile (330-379) de Césarée en Cappadoce, Homélie contre l’avarice.
Moine, il est contraint par le peuple chrétien de devenir prêtre, puis évêque de Césarée. Face à une société qui écrase les pauvres, il organise, près de sa ville une véritable cité d’accueil, tenue par des moines : hôtellerie, hospice, hôpital, nourriture et logements gratuits pour les plus pauvres.

CLÉS POUR LIRE MATTHIEU

Clés pour lire l’évangile de Matthieu
Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Matthieu. Cette semaine : Mt 11, 2-11 du 3ème dimanche de l’Avent.

3. Es-tu celui qui doit venir ?

Allez annoncer ce que vous entendez et voyez. (Mt 11, 4)

Et qu’entendons-nous ? Que voyons-nous ? Tout simplement rien. Nous n’entendons rien de nouveau, nous ne voyons rien de changé. Nous sommes sourds et aveugles. Mais justement, c’est cela que Jésus est venu changer : nous ouvrir les yeux et les oreilles pour que nous puissions voir et entendre. Avec Jésus, les aveugles voient, les boiteux marchent, les sourds entendent. C’est d’abord nous, les aveugles, les sourds, les boiteux.

Ouvrez vos yeux et vos oreilles, mettez-vous en route. C’est Jésus, la Bonne Nouvelle pour les pauvres, les prisonniers, les aveugles, les opprimés, ceux qui ont faim, qui pleurent, sont haïs et rejetés. Tous ces « pauvres » sont heureux parce que Dieu, en Jésus, se fait proche d’eux.

Jean et Jésus
L’attitude de Jésus, faite de compassion et de bonté, correspondait mal aux exhortations sévères de Jean-Baptiste qui voyait la cognée du Messie déjà à la racine des arbres (Mt 3, 10) ; d’où la question inquiète de Jean : « Es-tu celui qui vient ? », le Messie. Derrière cette interrogation se laisse voir la concurrence entre les communautés issues de Jean le baptiste et celles issues de Jésus : qui est le Messie ? On sait que Jean fut le maître de Jésus et qu’entre eux, les affinités étaient importantes. Cela est vite devenu gênant pour les premiers chrétiens. On admettait mal que Jésus se soit soumis au baptême de Jean en vue du pardon des péchés. Ce conflit conduira les chrétiens à subordonner le Baptiseur à Jésus, ce que met en forme Matthieu (11, 7-14) qui situe Jean comme un grand prophète, mais le plus petit dans le Royaume des cieux.

Abbé Marcel Villers

Clés pour lire l’évangile de Jean : 54. L’onction

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Un geste qui annonce la mort de Jésus : Jn 12, 1-11.

54. L’onction

Marie oignit les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux. (12,3)

Le geste de Marie est surprenant pour plusieurs raisons. Normalement, on honore un invité en oignant sa tête, non ses pieds. La quantité utilisée – une livre (327,5 gr) de nard pur – relève de l’excès comme la valeur du parfum estimée à 300 deniers (équivalent à dix mois de salaire d’un journalier). Enfin, une femme ne dénoue pas ses cheveux en public et encore moins les utilise pour essuyer les pieds d’un homme. Ce geste exprime l’amour et la vénération de Marie pour Jésus.

Deux interprétations sont données de ce geste. Pour Judas, c’est du gaspillage : « Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum au bénéfice des pauvres ? » (12,5) Pour Jésus, Marie a agi « en vue du jour de mon ensevelissement » (12, 7) car selon la tradition juive, l’onction des pieds se faisait non pour un vivant mais pour un mort. L’amour de Jésus incarné par Marie s’oppose à l’amour de l’argent représenté par Judas.

Des pauvres, vous en aurez toujours (12,8)

« Jésus reçoit le geste de Marie comme une preuve d’amour. Mais en opposant les pauvres et sa personne, non seulement il souligne la prévalence de tout homme sur toute valeur marchande, mais il laisse apparaître quelques chose den sa dignité exceptionnelle qui autorise cette démesure dans la dépense : « Moi, vous ne m’aurez pas toujours » (12,8). Entre la femme et Judas, deux regards sur Jésus sont mis en opposition. Le premier place Jésus au-dessus de tout et marque, peu avant sa mort, un amour sans limite. Le second place la valeur marchande au-dessus de la personne de Jésus. Ce récit ne doit pas être interprété comme la prédominance du culte sur les pauvres, comme on dit : « Rien n’est trop beau pour Dieu. » (Alain MARCHADOUR, L’évangile de Jean, 1992)

Abbé Marcel Villers