CLÉS POUR LIRE MATTHIEU

Clés pour lire l’évangile de Matthieu
Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Matthieu. Cette semaine : Mt 1, 18-24 du 4ème dimanche de l’Avent.

4. Comment fut engendré Jésus Christ

Joseph, ne crains pas de prendre chez toi Marie,
ton épouse. (Mt 1, 20)

« Joseph, son époux, était un homme juste » (1, 19), c’est-à-dire un homme religieux qui n’a qu’un désir : se soumettre en tout à la volonté de Dieu. Puisque l’enfant porté par Marie vient de l’Esprit Saint » (1, 20), alors Joseph ne peut mettre la main dessus, ne peut s’arroger ce qui appartient à Dieu et à lui seul.

Mais Dieu lui donne mission, non pas de s’effacer, mais de tenir sa place d’époux près de Marie et de veiller paternellement sur l’enfant. Si Marie met au monde, c’est Joseph qui donne le nom, c’est-à-dire une identité sociale à cet enfant. Mais quel nom ? La question est capitale puisque le nom nous permettra de savoir qui est l’enfant de Marie, quelle est sa mission. Deux noms apparaissent : « Jésus, c’est-à-dire : le Seigneur sauve » (1,21) et « Emmanuel, qui se traduit : « Dieu-avec-nous. » (1, 23)

L’évangile de l’enfance selon Matthieu
Matthieu raconte l’enfance de Jésus du point de vue de Joseph, Luc plutôt du point de vue de Marie ; les perspectives sont différentes, les épisodes ne sont pas les mêmes. Chez Matthieu, pas d’annonciation, pas de nativité, pas de bergers, pas d’anges, pas de Jésus au Temple ni parmi les docteurs. Autant, en Luc, tout chante la joie et la gloire, autant chez Matthieu, l’atmosphère est plus sombre : Joseph veut s’éloigner de Marie, les Mages surprennent Hérode qui se découvre un concurrent, la furie d’Hérode entraîne la fuite et l’exil de Jésus, le massacre des innocents ; ce sera enfin le retour de Jésus, mais en Galilée par crainte du successeur d’Hérode. Dans toutes ces péripéties, le héros est indubitablement Joseph, figure d’Israël qui accueille, protège et prend soin de Jésus-Messie.

Abbé Marcel Villers

CLÉS POUR LIRE MATTHIEU

Clés pour lire l’évangile de Matthieu
Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Matthieu. Cette semaine : Mt 11, 2-11 du 3ème dimanche de l’Avent.

3. Es-tu celui qui doit venir ?

Allez annoncer ce que vous entendez et voyez. (Mt 11, 4)

Et qu’entendons-nous ? Que voyons-nous ? Tout simplement rien. Nous n’entendons rien de nouveau, nous ne voyons rien de changé. Nous sommes sourds et aveugles. Mais justement, c’est cela que Jésus est venu changer : nous ouvrir les yeux et les oreilles pour que nous puissions voir et entendre. Avec Jésus, les aveugles voient, les boiteux marchent, les sourds entendent. C’est d’abord nous, les aveugles, les sourds, les boiteux.

Ouvrez vos yeux et vos oreilles, mettez-vous en route. C’est Jésus, la Bonne Nouvelle pour les pauvres, les prisonniers, les aveugles, les opprimés, ceux qui ont faim, qui pleurent, sont haïs et rejetés. Tous ces « pauvres » sont heureux parce que Dieu, en Jésus, se fait proche d’eux.

Jean et Jésus
L’attitude de Jésus, faite de compassion et de bonté, correspondait mal aux exhortations sévères de Jean-Baptiste qui voyait la cognée du Messie déjà à la racine des arbres (Mt 3, 10) ; d’où la question inquiète de Jean : « Es-tu celui qui vient ? », le Messie. Derrière cette interrogation se laisse voir la concurrence entre les communautés issues de Jean le baptiste et celles issues de Jésus : qui est le Messie ? On sait que Jean fut le maître de Jésus et qu’entre eux, les affinités étaient importantes. Cela est vite devenu gênant pour les premiers chrétiens. On admettait mal que Jésus se soit soumis au baptême de Jean en vue du pardon des péchés. Ce conflit conduira les chrétiens à subordonner le Baptiseur à Jésus, ce que met en forme Matthieu (11, 7-14) qui situe Jean comme un grand prophète, mais le plus petit dans le Royaume des cieux.

Abbé Marcel Villers

CLÉS POUR LIRE MATTHIEU

Clés pour lire l’évangile de Matthieu
Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Matthieu. Cette semaine : Mt 3, 1-12 du 2ème dimanche de l’Avent.

2. Le Royaume des cieux est tout proche

Produisez donc un fruit digne de la conversion. (Mt 3, 8)

Jean est vêtu de peaux de bêtes, le vêtement sauvage des premiers hommes dans leur corps à corps avec la nature. « Il portait un vêtement de poils de chameau ; il avait pour nourriture des sauterelles et du miel sauvage. » (3, 4) Que veut nous dire l’évangéliste par cette description ? « Une nouvelle humanité est en train de naître. Ce vêtement de bêtes, c’est l’habit des commencements, le costume des origines. » (J. Debruynne)

Jean invite ainsi à un nouveau commencement, une nouvelle naissance que son baptême symbolise. Mais croyons-nous qu’un autre monde est non seulement possible, mais qu’il est en train de naître ? « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. » (3, 3) Se convertir, c’est se repentir, changer de comportement, penser autrement. C’est, au sens le plus littéral, faire demi-tour, se retourner, changer de direction. Mais pourquoi ne changeons-nous pas de route ?

Le Royaume des cieux
Matthieu écrit « des cieux » plutôt que « de Dieu » quand il parle du Règne ou Royaume annoncé. Il parle ainsi comme un juif qui évite de prononcer le nom de Dieu. « Le royaume des cieux est une notion courante dans la littérature apocalyptique juive du 1er siècle avant Jésus-Christ qui l’emprunte elle-même à l’Ancien Testament. Cette expression désigne non pas le lieu ou l’étendue du règne de Dieu (comme peut le faire le mot français de « royaume »), mais plutôt le fait que Dieu est roi, que Dieu règne. Cette royauté, ce règne n’est pas manifeste dans ce monde, mais le jour vient où elle sera pleinement manifestée. L’attente du Royaume constituait l’essentiel de l’espérance d’Israël. Ce qui est nouveau avec Jésus, la bonne nouvelle, c’est que le temps est venu, le règne de Dieu est tout proche. » (J.-J. von ALLMEN, Vocabulaire biblique, 1969)

Abbé Marcel Villers

CLÉS POUR LIRE MATTHIEU

Clés pour lire l’évangile de Matthieu
Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Matthieu. Cette semaine : Mt 24, 37-44 du 1er dimanche de l’Avent.

1. Comme il en fut aux jours de Noé

Les gens ne se sont doutés de rien… Tenez-vous donc prêts. (Mt 24,39.44)

Comme le déluge, la venue du Christ est toujours inattendue, subite. Et donc, une surprise : « l’un sera pris, l’autre laissé » (24, 40). D’où la consigne : « veillez donc car vous ne savez pas quand » (24, 42).
Il y a deux sortes de gens : ceux qui « ne se doutent de rien » (24, 39), qui vivent sans se poser de questions ; ceux qui se doutent de quelque chose, attendent quelqu’un. D’où la seconde consigne : « Tenez-vous donc prêts » (24, 44).

Le Seigneur vient. Et bientôt. Comme le déluge, la venue du Christ est une fin et un commencement : la fin d’un monde et l’inauguration d’un nouveau. Comme le déluge, comme le voleur, ça va nous tomber dessus. Nous voilà prévenus. Si, aux jours de Noé, « on mangeait, on buvait, on se mariait » (24, 38) sans se douter de rien, nous, nous savons, nous sommes prévenus.

Le principe de Noé
Une actualisation récente du mythe de Noé peut nous aider à interpréter le texte de Matthieu. « Depuis deux siècles, l’humanité a tout mis en œuvre pour se rendre maître du monde. Mais à l’aube du 3e millénaire, le mythe de Prométhée ne correspond plus aux attentes de l’homme contemporain, qui se tourne vers un autre modèle : celui de Noé. Devant les excès de la modernisation, il ne cherche plus à changer le monde mais à le sauver, à l’image de Noé invitant dans son arche les êtres destinés à être secourus du déluge. De l’écologie à la conservation du patrimoine, il s’agit de sauvegarder les outils de la civilisation, de prendre en charge la fragilité du monde pour le protéger, le consolider et mettre en sûreté tout ce que la civilisation compte de richesses, afin de donner naissance à une société plus humaine. » (Michel LACROIX, Le principe de Noé ou l’éthique de la sauvegarde, 1997)

Abbé Marcel Villers