CLÉS POUR LIRE MATTHIEU

Clés pour lire l’évangile de Matthieu
Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Matthieu. Cette semaine : Mt 24, 37-44 du 1er dimanche de l’Avent.

1. Comme il en fut aux jours de Noé

Les gens ne se sont doutés de rien… Tenez-vous donc prêts. (Mt 24,39.44)

Comme le déluge, la venue du Christ est toujours inattendue, subite. Et donc, une surprise : « l’un sera pris, l’autre laissé » (24, 40). D’où la consigne : « veillez donc car vous ne savez pas quand » (24, 42).
Il y a deux sortes de gens : ceux qui « ne se doutent de rien » (24, 39), qui vivent sans se poser de questions ; ceux qui se doutent de quelque chose, attendent quelqu’un. D’où la seconde consigne : « Tenez-vous donc prêts » (24, 44).

Le Seigneur vient. Et bientôt. Comme le déluge, la venue du Christ est une fin et un commencement : la fin d’un monde et l’inauguration d’un nouveau. Comme le déluge, comme le voleur, ça va nous tomber dessus. Nous voilà prévenus. Si, aux jours de Noé, « on mangeait, on buvait, on se mariait » (24, 38) sans se douter de rien, nous, nous savons, nous sommes prévenus.

Le principe de Noé
Une actualisation récente du mythe de Noé peut nous aider à interpréter le texte de Matthieu. « Depuis deux siècles, l’humanité a tout mis en œuvre pour se rendre maître du monde. Mais à l’aube du 3e millénaire, le mythe de Prométhée ne correspond plus aux attentes de l’homme contemporain, qui se tourne vers un autre modèle : celui de Noé. Devant les excès de la modernisation, il ne cherche plus à changer le monde mais à le sauver, à l’image de Noé invitant dans son arche les êtres destinés à être secourus du déluge. De l’écologie à la conservation du patrimoine, il s’agit de sauvegarder les outils de la civilisation, de prendre en charge la fragilité du monde pour le protéger, le consolider et mettre en sûreté tout ce que la civilisation compte de richesses, afin de donner naissance à une société plus humaine. » (Michel LACROIX, Le principe de Noé ou l’éthique de la sauvegarde, 1997)

Abbé Marcel Villers

SOURCES : 4. Le beau et le désir

4. LE BEAU ET LE DÉSIR

« Dieu est Beauté. C’est cette Beauté qui produit toute amitié, toute communion. C’est cette Beauté qui meut tous les êtres et les conserve en leur donnant l’amoureux désir de leur propre beauté.
Le Beau véritable se confond avec le Bien quel que soit le motif qui meut les êtres, c’est toujours vers le Beau-et-Bien qu’ils tendent, et il n’est rien qui n’ait part au Beau-et-Bien…C’est grâce à lui qu’à sa manière propre tout communie à tout, que les êtres s’aiment sans se perdre les uns dans les autres, que tout s’harmonise, que les parties s’accordent au sein du tout… » (Denys L’Aréopagite, Noms divins, IV, 7 )

Dans l’attraction de l’humain pour la beauté, dans l’amour de l’homme et de la femme, dans la communion du croyant à Celui qui est la plénitude du Beau et du Bien, se manifeste un élan semblable à ce que nommons la création. Dieu sort de lui-même ; ce mouvement est désir qui fait venir à l’être tout ce qui existe. L’acte créateur est une extase.
« En Dieu, le désir d’éros est extatique. Grâce à lui les amants ne s’appartiennent plus. Ils appartiennent à ceux qu’ils aiment… Dieu aussi sort de lui-même lorsqu’il captive tous les êtres par le sortilège de son amour et de son désir. » (Denys L’Aréopagite, Noms divins, IV, 13 )

Le désir, c’est d’abord celui de Dieu pour nous, auquel tout élan amoureux de l’humain est réponse.

Abbé Marcel Villers


Pseudo-Denys L’Aréopagite : sous ce pseudonyme qui évoque le grec converti par saint Paul sur l’Aréopage (Ac 17,34), se cache probablement un moine du Ve s., d’origine syrienne et formé à Athènes, qui veut convertir la pensée grecque en l’introduisant dans la théologie chrétienne.