Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Après cinq des signes attribués à Jésus par Jean, nous lisons aujourd’hui celui qui synthétise la série des sept et introduit au cœur de l’évangile, le mystère de la croix : Jn 2, 13-22. La mort et la résurrection constituent la clé du message christique.
16. Détruisez ce Temple
En trois jours, je le relèverai… Lui parlait du temple de son corps. (Jn 2,19-20)
Plus Dieu nous parait grand, plus nous pensons devoir nous tenir à distance. C’est ainsi que le Temple de Jérusalem était conçu. Plus on approchait du lieu où Dieu était censé résider, plus il fallait être pur. Finalement, seuls les prêtres accédaient à l’autel et le grand-prêtre pouvait, une fois par an, entrer à l’intérieur du Sanctuaire. Par respect pour la grandeur de Dieu, on l’avait rendu inaccessible.
« Détruisez ce Temple » (2,19), proclame Jésus, abattez ces murs qui coupent les hommes de Dieu. En Jésus, Dieu est désormais présent à tout homme. Emmanuel, Dieu avec nous. Il n’y a plus besoin de Temple. Le Temple, c’est le corps de Jésus, c’est Jésus lui-même en qui Dieu habite notre humanité. Il a dressé sa tente parmi nous et est devenu compagnon de nos vies. Désormais, le lieu où l’homme et Dieu se rencontrent n’est plus le Temple, mais notre propre condition humaine. Il n’y a plus de temps ou de lieux réservés à Dieu. C’est au cœur de nos vies que Dieu se laisse rencontrer.
Le malentendu ou l’art du double sens
« Il fit un fouet avec des cordes et les chassa tous du Temple. » (2,15) Comment interpréter cet acte de Jésus ? L’évangéliste va multiplier les niveaux de lecture de ce geste et jouer sur le malentendu que provoque la confusion de ces niveaux. C’est un procédé typique de l’évangéliste Jean : Jésus prononce une parole qui peut se comprendre en deux sens différents. « Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai. » (2,19) Les « trois jours » ne peuvent manquer, pour le chrétien, d’évoquer la résurrection. Les Juifs interprètent la parole de Jésus littéralement : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire et toi en trois jours tu le relèverais ! » (2,20) Autrement dit, c’est ridicule. L’évangéliste intervient alors et propose son interprétation, celle des chrétiens après Pâques : « Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. » (2,21) Deux lectures s’affrontent : l’une littérale, celle des adversaires ; l’autre métaphorique, celle de l’évangéliste. Comment expliquer ce sens second ? Le narrateur intervient à nouveau et guide son lecteur : « Quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela : ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.
Abbé Marcel Villers