Comme je vous ai aimés
Il y a peu, quelqu’un me demandait comment cela se passait avec les messes avec inscriptions. Dans ma réponse, je disais que ce n’était pas trop mal mais qu’il avait fallu du temps à certains pour comprendre qu’ils pouvaient céder leur place de temps en temps pour permettre à d’autres de participer à une célébration. J’ai alors reçu la réaction suivante : « S’il fallait compter sur ceux qui vont à la messe pour faire attention aux autres, cela se saurait ! » Réaction péremptoire qui m’a surpris chez cette personne en général positive. En communication, je discerne que dans ce jugement, la personne pouvait sûrement faire référence à une expérience personnelle, sans doute désagréable mais je n’ai pas creusé. En fait, je ne voulais pas en arriver à défendre l’indéfendable. Certes, la majorité des pratiquants sont attentifs et bienveillants envers les autres. Mais jusqu’à quel point ?
Ce dimanche, le dernier avant l’Ascension, le Christ Jésus continue de nous faire part de son testament spirituel. Ce partage commence déjà par : « Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres » (Jn 13.34) et passe par l’image de l’allégorie de la Vigne (Jn 15.1-8) que nous avons entendue la semaine dernière. Aujourd’hui, Jésus arrive au cœur de son discours d’adieu et précise sa pensée, son héritage : « Mon commandement le voici : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande » (Jn 15.9-17).
Jésus ne fait pas dans l’idéologie ni dans la morale. Il part de l’expérience des disciples. « Comme je vous ai aimés. » Ceci met en avant que Dieu à travers lui a l’initiative de nous faire goûter au don parfait qu’est l’amour gratuit. Aimer l’autre en vérité c’est le vouloir bien et heureux. « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en son amour. Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. » De même que Jésus est aimé de Dieu de manière unique et y trouve tout son bonheur, de même, nous, aimés du Christ, nous pouvons éprouver la même félicité. Pour nous le faire comprendre, Jésus effectue une formidable transition ou plutôt une déclaration d’amour ! C’est aux serviteurs et aux inférieurs d’exécuter des ordres et des commandements. Jésus dit : « Je ne vous appelle plus serviteurs… je vous appelle mes amis ».
Cette amitié a l’air d’être conditionnée par le « SI » du commandement à respecter. Mais, nous ne nous y trompons pas : « Garder » pour Jésus signifie « demeurer ». « Garder un commandement » rime avec « demeurer dans l’amour ». D’ailleurs, son secret Jésus l’a partagé, le partage avec ceux qu’il aime. « Tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » Nous retrouvons ici l’aspect intime et charnel biblique que nous connaissons et qui ne nous renvoie pas à une connaissance purement intellectuelle. Une personne malade et handicapée me partageait dernièrement que lors d’une nuit d’insomnie et d’inconfort, elle avait été visitée par le Seigneur dans l’amour était encore plus grand que celui de son mari, pourtant aux petits soins avec elle. Cela l’avait apaisée dans sa détresse. C’est bien de cela qu’il s’agit pour nous tous : faire l’expérience d’un amour unique qui nous donne des ailes.
C’est ainsi que le jeune ingénieur en agronomie Gabriel de la Bretesche est devenu un rappeur pour le Seigneur. Il témoigne aujourd’hui que lors d’une nuit d’insomnie au cours de sa retraite de confirmation, durant son adolescence, il a été séduit par Jésus en se plongeant dans la lecture des Évangiles. Ce fut une surprise pour lui ! Des années plus tard, lors d’une veillée, à une autre retraite, il a fait à Dieu une prière qui le plaçait en vérité devant lui avec ses faiblesses, ses angoisses et sa tristesse de vivre. « J’ai eu soudain la certitude d’être rejoint par Lui et cette rencontre a fait naître en moi un sentiment profond de joie, de lumière, de paix, de pur bonheur et d’immense liberté – il n’y a pas de mot pour décrire cette ouverture du cœur qui était la réponse du Seigneur à mon cri. Depuis ce coup de foudre, on peut le dire : j’y crois ! Et je sais, jusque dans ma chair, que la foi n’est pas affaire de psychologie ou de phénomène de groupe mais une rencontre réelle avec un Dieu vivant. »*
Maintenant, riche de ce témoignage singulier, tournons-nous vers la lecture des Actes au chapitre 10 : Pierre et Corneille. Qu’est-ce qui se passe pour ce dernier ? Le centurion est un craignant Dieu. Au premier siècle de notre ère, le judaïsme est la religion à la mode. Bref, Corneille est un homme de son temps en pleine quête spirituelle. Il a le sens de la transcendance, c’est pourquoi il se jette au pied de Pierre qui le relève (V 25-26). Nous pouvons comprendre que Pierre rétablit ainsi l’égalité foncière comme il se doit entrer tous les êtres humains. Pierre reconnaît aussi sa justice. « Lève- toi…en vérité je le comprends, Dieu est impartial. Il accueille, quelle que soit la nation, celui qui le craint et dont les œuvres sont justes. » Ainsi, Corneille comme Gabriel ci-avant, se sent reconnu pour ce qu’il est et dans ce qu’il vit. A travers, l’attitude de Pierre, l’amour fait les premiers pas tel que nous le chantons encore ! Ici, comme toujours, Dieu est à l’initiative. Il montre par le don inopiné de l’Esprit. « Pierre parlait encore quand l’Esprit Saint descendit sur tous ceux qui écoutaient la Parole. » Dieu qui est l’amour mais qui se cache ne peut résister à des cœurs disponibles. Corneille est touché ainsi que ceux de sa maisonnée. Gabriel rapporte que dans son désir de ne pas cacher sa foi dans le respect voit d’autres jeunes d’autres religions ou convictions touchés par ses compositions.
Dans les Actes, le baptême vient ensuite. C’est une révolution pour Pierre très attaché aux rites et coutumes du judaïsme. Les Actes racontent que le missionnaire du Christ a été éveillé et préparé par une vision (Ac 10. 9-16). Fini les observances qui séparent, si les aliments impurs n’existent plus (Mc 7.4-13), tout le monde devient fréquentable. En fait, nous réalisons ici que la rencontre de Pierre et Corneille, et pourquoi pas les rencontres de Gabriel avec d’autres jeunes est dans les mains de Dieu !? Tout cela permet à Corneille d’accéder au salut et de vivre sa foi en actes. Converti au sens propre par le Seigneur, il peut incarner ce qui l’habite. « L’habitation » de Dieu en lui et ses proches l’amènent à vivre l’hospitalité. « Alors ils lui demandèrent de rester quelques jours avec eux. »
En faisant mémoire de ce que notre tradition appelle « Pentecôte des païens », nous voyons combien nous ne pouvons rien faire sans Jésus et son Esprit. Anne Soupa a écrit pour un signet de notre dernier carême : « Tu continues ton œuvre, Seigneur, et tu nous modèles à ton exemple. Tu nous entraînes vers nous-mêmes. La leçon est claire mais rude ! Ni la richesse, ni la puissance ni le défi aux lois de la nature ne nous feront vivre. Pourtant, j’y ai souvent cédé… Toi seul, sais mes reculades, mes ruses pour me justifier. Vois, je suis à nu devant toi. Tu me forges comme l’or au creuset. Ai-je tant de tant de prix à tes yeux ? Au désert, tu as résisté. Alors pourquoi pas moi ? Oh Seigneur, qu’elle est belle cette communion entre toi et moi. Fils de Dieu venu dans le monde, tu m’apprends le beau métier d’être humain. Loué sois-tu ! Ainsi soit-il ! »
Amen ! Ainsi soit-il ! Que notre témoignage de vie soit clair ! Jusque dans les petits détails ! Je sais que j’écris avec mon style car j’ai les mots qui chantent. Le français dans sa complexité riche que j’utilise me passionne comme l’Évangile me passionne ! Au risque de perdre ou d’énerver certains ! Aussi, en finale, permettez-moi de citer Gab (Gabriel) avec le direct propre au rap et aux jeunes d’aujourd’hui ! Je le fais en espérant parler au cœur d’enfant, au cœur que nous avons tous en nous puisque le Seigneur demeure en nous ! Quelle que soit notre histoire et notre culture personnelle ! Tout ceci en vue de la mission parce que nous nous savons aimés de Dieu !
« Allez ! Go ! Go !… Je suis pas juste un gentil garçon, juste un honnête homme. J’aime faire les choses à ma façon. Et j’vais les faire bien. Trop longtemps que les miens se taisent. Non, personne me tiendra en laisse. J’suis pas de ceux qui poncent les chaises quand le monde part en couilles…Je fais çà plutôt pour ceux qui sont pas de ma culture …Qu’on aille réaliser nos rêves… Je demande au Créateur de visiter mon âme… En attendant, j’écris la joie de se donner sans compter les larmes… » Je vous invite à écouter le texte in extenso sur You Tube. Gab. Gentil garçon. Et surtout à le proposer à vos jeunes ! Il est temps de ne plus être des gentils. Comme toujours depuis que le Christ est venu pour demeurer en nous.
Jean-Marc,
votre curé.
Note *: Les essentiels in la Vie n°3949