Synode 2021-23 – Une déformation de l’Église : le cléricalisme

Une déformation de l’Église : le cléricalisme

Nous faisons tous notre entrée dans l’Église en tant que laïcs. Le premier sacrement, celui qui scelle pour toujours notre identité et dont nous devrions toujours être fiers, est le baptême… Personne n’a été baptisé prêtre ni évêque. Ils nous ont baptisés laïcs et c’est le signe indélébile que personne ne pourra jamais effacer. Cela nous fait du bien de nous rappeler que l’Église n’est pas une élite de prêtres, de personnes consacrées, d’évêques, mais que nous formons tous le saint peuple fidèle de Dieu. Oublier cela comporte plusieurs risques et déformations dans notre expérience, à la fois personnelle et communautaire, du ministère que l’Église nous a confié. Nous sommes, comme le souligne bien le Concile Vatican II, le peuple de Dieu, dont l’identité est « la dignité et la liberté des fils de Dieu, dans le cœur desquels demeure l’Esprit Saint, comme dans un temple » (Lumen gentium, n. 9). Le saint peuple fidèle de Dieu est oint par la grâce de l’Esprit Saint, et c’est pour cela qu’au moment de réfléchir, de penser, d’évaluer, de discerner, nous devons être très attentifs à cette onction.

Je dois dans le même temps ajouter un autre élément que je considère comme le fruit d’une façon erronée de vivre l’ecclésiologie proposée par Vatican II. Nous ne pouvons pas réfléchir sur le thème du laïcat en ignorant l’une des déformations les plus grandes : le cléricalisme. Cette attitude annule non seulement la personnalité des chrétiens, mais tend également à diminuer et à sous-évaluer la grâce baptismale que l’Esprit Saint a placée dans le cœur de notre peuple. Le cléricalisme conduit à une homologation du laïcat ; en le traitant comme un « mandataire », il limite les différentes initiatives et efforts et, si j’ose dire, les audaces nécessaires pour pouvoir apporter la Bonne Nouvelle de l’Évangile dans tous les domaines de l’activité sociale et surtout politique. Le cléricalisme, loin de donner une impulsion aux différentes contributions et propositions, éteint peu à peu le feu prophétique dont l’Église tout entière est appelée à rendre témoignage dans le cœur de ses peuples. Le cléricalisme oublie que la visibilité et la sacramentalité de l’Église appartiennent à tout le peuple de Dieu (cf. Lumen gentium, nn. 9-14), et pas seulement à quelques élus et personnes éclairées…

Bien souvent, nous sommes tombés dans la tentation de penser que le laïc engagé est celui qui travaille dans les œuvres de l’Église et/ou dans les affaires de la paroisse ou du diocèse, et nous avons peu réfléchi sur la façon d’accompagner un baptisé dans sa vie publique et quotidienne ; sur la façon dont, dans son activité quotidienne, avec les responsabilités qui lui incombent, il s’engage en tant que chrétien dans la vie publique. Sans nous en rendre compte, nous avons généré une élite laïque en croyant que ne sont laïcs engagés que ceux qui travaillent dans les affaires « des prêtres », et nous avons oublié, en le négligeant, le croyant qui bien souvent brûle son espérance dans la lutte quotidienne pour vivre sa foi. Telles sont les situations que le cléricalisme ne peut voir, car il est plus préoccupé par le fait de dominer les espaces que de générer des processus. Nous devons par conséquent reconnaître que le laïc, par sa réalité, par son identité, parce qu’il est immergé dans le cœur de la vie sociale, publique et politique, parce qu’il appartient à des formes culturelles qui se génèrent constamment, a besoin de nouvelles formes d’organisation et de célébration de la foi. Les rythmes actuels sont si différents (je ne dis pas meilleurs ou pires) de ceux que l’on vivait il y a trente ans ! « Cela demande d’imaginer des espaces de prière et de communion avec des caractéristiques innovantes, plus attirantes et significatives pour les populations urbaines » (Evangelii gaudium, n. 73). Il est illogique, voire impossible de penser que nous, en tant que pasteurs, devrions avoir le monopole des solutions pour les défis multiples que la vie contemporaine nous présente. Au contraire, nous devons être du côté de notre peuple, en l’accompagnant dans ses recherches et en stimulant cette imagination capable de répondre à la problématique actuelle.

Lettre du pape François au cardinal Ouellet. 19 mars 2016. Extraits

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