9. L’adorateur mêlé
Créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, l’homme est un être « frontière », entre le visible et l’invisible, entre la terre et le ciel.
« De la boue et du souffle divin, l’homme fût créé, image de l’Immortel… C’est pourquoi, en ma qualité de terreux, je suis attaché à la vie d’ici-bas, mais portant aussi une parcelle de la divinité, le désir du monde à venir travaille mon cœur. » (Grégoire de Nazianze, Poèmes dogmatiques, 8)
Être mixte, mêlé de ciel et de terre, rien de ses conditionnements terrestres ne saurait satisfaire ni définir l’être humain. « L’homme passe infiniment l’homme », écrivait Pascal. Il y a en lui ce souffle venant de Dieu qui le porte, le travaille, l’empêche de s’identifier à cette terre.
« Dieu plaça sur la terre cet adorateur mêlé, pour contempler la nature visible, être initié à l’invisible, régner sur les créatures de la terre, obéir aux ordres d’en haut, réalité à la fois terrestre et céleste, instable et immortelle, visible et invisible, tenant le milieu entre la grandeur et le néant, à la fois chair et esprit ; animal en route vers une autre patrie et, comble du mystère, rendu semblable à Dieu par un simple acquiescement à la volonté divine. » (Grégoire de Nazianze, Discours 45, Pour la Pâque, 7)
La grandeur de l’homme tient à ce « sans fond » de son être qui est la trace de son origine divine. A l’image de Dieu, l’homme échappe à toute définition. « La caractéristique de la divinité, c’est d’être insaisissable : cela aussi, l’image doit l’exprimer… Nous n’arrivons pas à définir la nature de notre dimension spirituelle, à l’image justement de notre Créateur : c’est donc que nous portons l’empreinte de l’insaisissable divinité par le mystère qui est en nous. » (Grégoire de Nysse, De la création de l’homme, 11)
L’homme est le lieu de Dieu. Mais on peut tout aussi bien dire que Dieu est le lieu de l’homme.
Abbé Marcel Villers
Grégoire de Nysse (335-394), de vaste culture, devient évêque de Nysse en Cappadoce. Son ministère joua un rôle de premier plan dans la défense de l’orthodoxie nicéenne (contre l’arianisme). Il laissa une œuvre considérable axée sur la théologie systématique, sur la Bible, etc.