Clés pour lire l’évangile de Luc 55. Souviens-toi de moi !

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile. Cette semaine, Lc 23, 35-43 du 34e dimanche ordinaire, fête du Christ Roi.

55. Souviens-toi de moi !

Avec moi, tu seras dans le Paradis. (Lc 23, 43)

Aujourd’hui, comme il y a vingt siècles, face à Jésus crucifié, on peut distinguer quatre attitudes. « Le peuple restait là à observer. » (23, 35) Stupéfait ou résigné, il regarde, sans rien dire. « Les chefs ricanaient : il en a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Elu. » (23, 35) Ses prétentions sont dérisoires et son Royaume, un rêve. Restent moqueries et ricanements. « L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait : Sauve-toi toi-même et nous aussi ! » (23, 39) Injure ou plutôt cri de désespoir, de révolte de tous les écrasés de l’histoire.

Vient le bon larron : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume. » (23, 42) Aucune résignation, aucune révolte. Il accepte son sort, ne demande pas de miracle, mais simplement, il prie Jésus : « Souviens-toi de moi. » (23, 42) Témoignage de confiance, expression de la foi qui s’en remet à Jésus, même dans l’obscurité.

Le sommet de ce récit est la promesse de Jésus : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » (23, 43) Être avec Jésus, voilà ce qui fait le chrétien, le disciple.

Le Paradis

« Ce mot vient du vieux-perse, pairi-daéza, parc (en hébreu, pardès). Les LXX (traduction de la Bible en grec) désignent par ce mot le jardin de délices où Dieu avait placé le premier homme. Il est appelé jardin d’Éden et situé à la source des eaux du monde entier. Cette localisation du jardin n’a pas pour objet de situer géographiquement l’Éden mais de donner une description hyperbolique   du jardin merveilleux. A la fin des temps, le paradis est restauré.

Dans le Nouveau Testament, cette félicité est accordée dès maintenant, dans la communion avec le Christ. Dans Lc 23, 43, le paradis est le lieu de séjour provisoire des justes où ils vivent avec le Christ. Selon Mc 13, 27 et 2 Co 12, 2, le paradis est au ciel. » (André CHOURAQUI, Dictionnaire de la Bible et des religions du livre, 1985)

   Abbé Marcel Villers

Homélie pour la fête du Christ-Roi, ce dimanche 24 novembre

LePeupleRegardaitL’abbé Marcel Villers a prononcé l’homélie qui suit, en la fête du Christ-Roi, ce 24 novembre, à Theux

Il commentait l’évangile, extrait de Luc 23,35-43.

La croix est le terme de la vie et de l’action de Jésus. C’est un fait.
C’est aussi l’épreuve de la foi.
Face à cette mort se pose la question essentielle –et dont la réponse sépare chrétiens et autres– Jésus a-t-il échoué ?
Aujourd’hui, comme il y a vingt siècles, face à Jésus crucifié, on peut distinguer quatre positions, quatre attitudes, celles que l’évangile de ce jour met en scène, celles du peuple, des chefs et des soldats, de chacun des deux larrons.

Le peuple restait là à regarder.
Muet, il contemple celui qui avait annoncé un monde de fraternité et guéri l’homme de ses maladies et péchés. Il avait suscité une belle espérance, ce Jésus, en parlant d’un Dieu d’amour et de liberté, de pardon et de vie. Ce monde nouveau meurt avec lui. L’injustice a triomphé une fois de plus. Jésus a échoué. Où est-il son Royaume ? Stupéfait ou résigné, le peuple restait là à regarder, sans rien dire.

Les chefs ricanaient : Il en a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu.
Ces chefs du peuple ou de la religion se sont opposés à Jésus. Au nom de l’ordre, de la Loi, d’une certaine idée de Dieu. Car comment garantir un ordre social si, comme le proclamait Jésus, tous les hommes sont égaux et frères ? Comment maintenir une religion et des commandements si Dieu pardonne gratuitement ? Et surtout, comment un homme mourant sur une croix peut-il être l’Élu, le Sauveur ? Ses prétentions sont dérisoires et son Royaume, un rêve. Restent moqueries et ricanements.

L’un des malfaiteurs suspendus à la croix l’injuriait : Sauve-toi toi-même et nous avec !
Injure ou plutôt cri de désespoir, de révolte de tous les écrasés de l’histoire. Comment Dieu peut-il tolérer le mal, la souffrance ? A quoi sert le Messie s’il n’arrive pas à nous épargner mort et souffrances ? Pourquoi ne fait-il pas un miracle pour moi ? On ne peut être que révolté par le silence et l’impuissance de Jésus. Qui peut mettre sa confiance dans un sauveur qui se laisse crucifier ? De quel Royaume peut-il être le Roi ?

Après résignation, moquerie et révolte, reste une quatrième attitude, celle du bon larron : Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne.
Aucune résignation, aucune révolte. Il accepte son sort : nous avons ce que nous méritons.
Aucune moquerie, aucun reproche adressé à Jésus. Au contraire : Lui, il n’a rien fait de mal, premier élément d’une confession de foi, reconnaissant en Jésus l’Innocent, le Juste.
Enfin, le bon larron ne demande pas de miracle, mais simplement, il prie Jésus : Souviens-toi de moi. Témoignage de sa confiance, expression de la foi qui s’en remet à Jésus, même dans l’obscurité : Souviens-toi de moi.

Vient alors le sommet de ce récit, la promesse de Jésus :
Amen, je te le déclare : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis.
Être avec Jésus, voilà ce qui fait le chrétien, le disciple.
Malgré les souffrances et la mort, Jésus nous promet d’être toujours avec lui.
Le voilà son Royaume, et son Règne est celui de l’être-avec.
Avec lui, et grâce à lui, nous connaissons la bonté du Père céleste.
Avec lui, nous partageons les souffrances de notre condition humaine.
Avec lui, nous connaîtrons la lumière et la paix du Paradis.
Tel est le sort du chrétien : être avec Jésus.
Et cela nous suffit.

Abbé Marcel Villers
P.S. Merci à Jean-François Kieffer pour son dessin Et le peuple restait là à regarder.