SOURCES : 51. HYMNE DE L’UNIVERS

SOURCES

Dans cette rubrique, il est question de sources, celles qui nous font vivre, celles qui donnent sens à notre action, celles qui contribuent à construire notre identité.  Aujourd’hui comme hier, nous avons besoin de boire à ces sources pour vivre et donner sens à notre engagement.  Chaque jeudi, vous est proposé un texte à lire, méditer, prier.

Abbé Marcel Villers

51. Hymne de l’univers

« En quoi la création loue-t-elle Dieu ?
En ce que toi , lorsque tu la contemples et en vois la beauté, tu loues Dieu en elle.

La splendeur de la terre est comme la voix de cette terre sans voix.
Tu regardes, tu vois la splendeur de la terre, tu en vois la fécondité.
Tu en vois la vitalité, tu observes comme elle accueille les semences
et comme elle produit souvent ce qu’on n’a pas semé ;
tu vois tout cela.

Ta contemplation est comme une interrogation à la terre.
Ta recherche même est interrogation.
Il te vient à l’esprit que la création n’a pu tirer son être d’elle-même.

Ce que tu as découvert au cœur de la création,
c’est cela qui te fait louer le créateur.
N’est-il pas vrai que,
dans la contemplation de la splendeur universelle du monde,
la beauté elle-même se fait pour ainsi dire voix et te répond :
« Je ne me suis pas faite moi-même, c’est Dieu qui m’a faite. » (Saint Augustin, Explication des psaumes. Ps 144,13)

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AUGUSTIN D’HIPPONE (354-430), converti au christianisme par saint Ambroise de Milan, retourne en Afrique du Nord et y devient prêtre, puis évêque. Il a composé une œuvre immense de théologien comme de prédicateur. Il eut une influence prépondérante dans la pensée chrétienne occidentale.

HOMÉLIE : JOURNÉE DE PRIÉRE POUR LA SAUVEGARDE DE LA CRÉATION

Theux Dimanche de la Création 3 septembre 2023

Nous voilà en septembre. C’est la rentrée, comme on dit. Nous reprenons le cours normal de nos activités. C’est une reprise et aussi un commencement. L’Église nous propose de célébrer la création en ce début septembre. Depuis 2019, le 1er septembre est reconnu comme Journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la création et se prolonge tout le mois jusqu’à la saint François d’Assise, le 4 octobre.

Ce qui nous est demandé, c’est de reprendre conscience, approfondir et traduire en actes notre « vocation de gardiens de la Création de Dieu ». Il s’agit de sauvegarder notre maison commune. La création, notre terre, notre maison commune, est menacée par nos comportements. Aujourd’hui, comme l’écrit le pape François, « notre sœur la terre crie en raison des dégâts que nous lui causons… Notre terre opprimée et dévastée gémit. »

« Quel avantage, un homme aura-t-il à gagner le monde entier, si c’est au prix de sa vie ? » A la place d’un homme, entendez l’humanité.

Tous, nous aimons contempler un paysage, admirer montagnes, océans, forêts ou campagnes. C’est ce que nous avons fait pendant ces mois d’été. Plonger dans la nature qui n’est pas un simple cadre, une sorte de décor de notre vie ; elle est en nous ; nous sommes immergés en elle : air, eau et produits de la terre nous sont communs.

Mais qu’en avons-nous fait ?
« Notre sœur la terre crie en raison des dégâts que nous lui causons par l’utilisation irresponsable et par l’abus des biens que Dieu a déposés en elle» écrit le pape François (Laudato si’, 2)

Écouter le cri de la création, c’est bien sûr prendre en compte les mutations climatiques : les fortes chaleurs, la canicule, les incendies gigantesques. Mais surtout l’épuisement des ressources naturelles. Les prix astronomiques de l’énergie nous le rappellent ; on grogne, la colère monte mais aussi la pauvreté. La dégradation de l’environnement a des conséquences sociales dramatiques
Est-on cela le progrès ?

La plupart des discours politiques et des économistes identifient progrès et croissance. A chaque problème,  la solution miracle est la croissance. Pour y contribuer, on nous incite à consommer, et toujours plus. « Profitez, profitez de tel prix ou de tel rabais. » C’est le verbe par excellence qui semble résumer l’idéal de vie qui nous est proposé : « profitez ».

La vraie question est ailleurs : « Pourquoi passons-nous en ce monde, pourquoi venons-nous à cette vie, pourquoi travaillons-nous, pourquoi cette terre a-t-elle besoin de nous ? »
C’est à ce niveau que se situe la crise écologique. La cause principale est humaine, à savoir la démesure de l’être humain qui se place au centre du monde et qui use de tout à son seul profit. C’est la logique du “utilise et jette”, qui engendre tant de déchets. Déchets dont les montagnes envahissent notre espace vital et dont on ne sait que faire sinon les envoyer ailleurs.

Il faut remettre l’homme à sa juste place dans l’univers, celle voulue par Dieu : « cultiver et protéger le jardin du monde (Gn 2,15) ». L’homme n’est pas le « patron » de l’univers. Nous sommes immergés au sein d’une communion universelle : « créés par le même Père, nous et tous les êtres de l’univers, sommes unis par des liens invisibles, et formons une sorte de famille universelle », de fraternité cosmique dirait saint François d’Assise.

Alors « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. »

Abbé Marcel Villers

CLÉS POUR LIRE MATTHIEU

Clés pour lire l’évangile de Matthieu
Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Matthieu. Cette semaine : Mt 24, 37-44 du 1er dimanche de l’Avent.

1. Comme il en fut aux jours de Noé

Les gens ne se sont doutés de rien… Tenez-vous donc prêts. (Mt 24,39.44)

Comme le déluge, la venue du Christ est toujours inattendue, subite. Et donc, une surprise : « l’un sera pris, l’autre laissé » (24, 40). D’où la consigne : « veillez donc car vous ne savez pas quand » (24, 42).
Il y a deux sortes de gens : ceux qui « ne se doutent de rien » (24, 39), qui vivent sans se poser de questions ; ceux qui se doutent de quelque chose, attendent quelqu’un. D’où la seconde consigne : « Tenez-vous donc prêts » (24, 44).

Le Seigneur vient. Et bientôt. Comme le déluge, la venue du Christ est une fin et un commencement : la fin d’un monde et l’inauguration d’un nouveau. Comme le déluge, comme le voleur, ça va nous tomber dessus. Nous voilà prévenus. Si, aux jours de Noé, « on mangeait, on buvait, on se mariait » (24, 38) sans se douter de rien, nous, nous savons, nous sommes prévenus.

Le principe de Noé
Une actualisation récente du mythe de Noé peut nous aider à interpréter le texte de Matthieu. « Depuis deux siècles, l’humanité a tout mis en œuvre pour se rendre maître du monde. Mais à l’aube du 3e millénaire, le mythe de Prométhée ne correspond plus aux attentes de l’homme contemporain, qui se tourne vers un autre modèle : celui de Noé. Devant les excès de la modernisation, il ne cherche plus à changer le monde mais à le sauver, à l’image de Noé invitant dans son arche les êtres destinés à être secourus du déluge. De l’écologie à la conservation du patrimoine, il s’agit de sauvegarder les outils de la civilisation, de prendre en charge la fragilité du monde pour le protéger, le consolider et mettre en sûreté tout ce que la civilisation compte de richesses, afin de donner naissance à une société plus humaine. » (Michel LACROIX, Le principe de Noé ou l’éthique de la sauvegarde, 1997)

Abbé Marcel Villers

SOURCES : 4. Le beau et le désir

4. LE BEAU ET LE DÉSIR

« Dieu est Beauté. C’est cette Beauté qui produit toute amitié, toute communion. C’est cette Beauté qui meut tous les êtres et les conserve en leur donnant l’amoureux désir de leur propre beauté.
Le Beau véritable se confond avec le Bien quel que soit le motif qui meut les êtres, c’est toujours vers le Beau-et-Bien qu’ils tendent, et il n’est rien qui n’ait part au Beau-et-Bien…C’est grâce à lui qu’à sa manière propre tout communie à tout, que les êtres s’aiment sans se perdre les uns dans les autres, que tout s’harmonise, que les parties s’accordent au sein du tout… » (Denys L’Aréopagite, Noms divins, IV, 7 )

Dans l’attraction de l’humain pour la beauté, dans l’amour de l’homme et de la femme, dans la communion du croyant à Celui qui est la plénitude du Beau et du Bien, se manifeste un élan semblable à ce que nommons la création. Dieu sort de lui-même ; ce mouvement est désir qui fait venir à l’être tout ce qui existe. L’acte créateur est une extase.
« En Dieu, le désir d’éros est extatique. Grâce à lui les amants ne s’appartiennent plus. Ils appartiennent à ceux qu’ils aiment… Dieu aussi sort de lui-même lorsqu’il captive tous les êtres par le sortilège de son amour et de son désir. » (Denys L’Aréopagite, Noms divins, IV, 13 )

Le désir, c’est d’abord celui de Dieu pour nous, auquel tout élan amoureux de l’humain est réponse.

Abbé Marcel Villers


Pseudo-Denys L’Aréopagite : sous ce pseudonyme qui évoque le grec converti par saint Paul sur l’Aréopage (Ac 17,34), se cache probablement un moine du Ve s., d’origine syrienne et formé à Athènes, qui veut convertir la pensée grecque en l’introduisant dans la théologie chrétienne.