Clés pour lire l’évangile de Jean : 35. Apologie

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Nous poursuivons la lecture continue de l’évangile. Jésus fait son apologie face à la contestation de son action : Jn 5, 19-30.

35. Apologie

« Le Fils ne peut rien faire de lui-même, il fait ce qu’il voit faire par le Père. » (Jn 5,19)

Face à ses adversaires, Jésus justifie ses actes, les guérisons opérées. Ce sont des œuvres de vie faites en accord total avec le Père. « Comme le Père relève les morts et les fait vivre, ainsi le Fils, lui aussi, fait vivre qui il veut. » (5,21) S’il y a identité d’ouvrage entre le Père et le fils, « ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement » (5,19), il y a totale dépendance du Fils envers le Père : « je ne peux rien faire de moi-même… je ne cherche pas à faire ma volonté, mais le vouloir de celui qui m’a envoyé. » (5,30). Tout le mystère de Jésus est ici dévoilé.

Il est le jugement en personne : « Qui écoute ma parole et croit à celui qui m’a envoyé a la vie éternelle… il est passé de la mort à la vie. » (5, 24) C’est ici et maintenant face à Jésus que se joue l’éternité. La résurrection des morts à la fin des temps n’est que l’accomplissement de ce que déjà aujourd’hui la parole de Jésus opère car elle est vie.

 Vie dans le quatrième évangile

« En saint Jean, « Vie » est un terme-clé, il comporte 36 occurrences dont 17 fois « vie éternelle ». Le verbe « vivre » apparaît sous des formes diverses, notamment aux chapitres 4 et 6. Cette famille linguistique est caractéristique de l’évangile selon Jean pour qui la vie, c’est bien plus que la vie humaine. « Vie » a souvent le même sens que vie éternelle. La vie éternelle consiste dans la connaissance du Père qui se réalise par la médiation du Fils, son envoyé, c’est l’équivalent du salut. Là où les synoptiques parlent du Royaume, du Règne, Jean évoque la vie éternelle. Le Père donne la vie au Fils qui peut alors la communiquer. Pour les rabbins, l’attachement à la Torah est source de vie. La communauté johannique attend la vie des paroles de Jésus et du commandement du Père. Foi et vie sont liées ; la vie éternelle suppose la foi. » (Jean-Pierre LÉMONON, Pour lire l’évangile selon saint Jean, 2020)

Abbé Marcel Villers

32e dimanche Luc 20, 27-38 Les morts ressuscitent

Y a-t-il quelque chose après la mort ?
Cette question, nous nous la posons tous, et de manière aigüe, lorsque nous voyons un de nos proches mourir et donc quitter cette terre. Après la mort, qu’y a-t-il ? La mort est-elle la fin de tout, la chute dans le néant ? Ou bien débouche-t-elle sur un autre monde, une autre vie ? A cette question essentielle et qui fait notre différence, notre humanité, les réponses sont multiples. On peut les ramener à cinq réponses principales.

Pour les uns, à la mort, nous ne disparaissons pas entièrement. Si notre corps va à la corruption définitive, notre âme est immortelle. Une partie de nous-même n’est donc pas touchée par la mort. L’être humain survit, mais à moitié en quelque sorte. La mort n’atteint que le corps, pas l’âme.
Cette vision des choses vient du monde grec ancien et n’exige pas la foi en Dieu. Elle consiste à penser l’être humain comme un composé d’un corps et d’une âme.

Pour d’autres, à la mort, nous changeons de corps et d’existence. Une deuxième vie nous est donnée, mais sur terre. C’est la réincarnation, processus se renouvelant un nombre de fois indéterminé. Nous aurions ainsi de nombreuses vies successives, mais sous des formes diverses : homme, femme, animal, végétal, etc.
Cette conception vient de l’hindouisme et du bouddhisme. Pas besoin d’un Dieu, la réincarnation étant programmée par notre nature.

Une troisième option, simple et nette, consiste à affirmer que la mort est la chute dans le vide, le néant. Bref, après la mort, il n’y a rien. Si l’homme survit, c’est uniquement en ses enfants et dans le souvenir.
Cette position est celle des matérialistes de toujours qui ne croient pas en Dieu, mais c’est aussi la position des hommes de la Bible jusqu’au 6e siècle avant Jésus-Christ. Ils croyaient en Dieu, mais pour cette seule vie terrestre. Ainsi les Sadducéens qui, dans l’évangile que nous venons de lire, questionnent Jésus. Pour eux, c’est sur terre que Dieu récompense les justes et punit les pécheurs. Il y a beaucoup de Sadducéens parmi les chrétiens d’aujourd’hui puisqu’on sait que plus de 50% de ceux qui s’affirment chrétiens ne croient à aucune forme de vie après la mort.

La quatrième position est celle des Pharisiens de l’Évangile pour qui Dieu a préparé pour ses élus une terre nouvelle, un paradis éternel. Dans ce jardin, les hommes seront époux et pères comblés, les femmes toujours jeunes. Tous les rêves d’ici-bas seront réalisés.
Ils croient donc à une résurrection matérielle des morts. Nous ressusciterons tels que nous sommes, avec notre corps en l’état, pour un bonheur sans nuages et nous retrouverons les nôtres. C’est d’eux que se moquent les Sadducéens de l’évangile avec leur histoire farfelue de la femme aux sept maris.
Cette conception matérielle et quelque peu infantile de la vie après la mort n’a pas disparu. De nombreux chrétiens se représentent ainsi l’au-delà. De même, une lecture littérale du Coran dans la tradition musulmane.

Et Jésus dans tout cela. Quelle est sa position, sa croyance ? C’est la cinquième. Pour Jésus, il est impossible, par définition, de se faire la moindre idée du monde à venir à partir des réalités que nous connaissons ici-bas. La résurrection n’est pas un phénomène automatique, mais l’œuvre de Dieu seul. Ressusciter, c’est participer à la vie même de Dieu, ce que nous ne pouvons obtenir par nos propres puissances.
Alors comment nous représenter ce qu’est la vie divine à partir de notre expérience humaine ? Ils seront semblables aux anges, dit Jésus, et ils ne peuvent plus mourir. Les morts ressuscitent donc pour une autre vie que celle que nous connaissons, une vie qui fera de nous des fils de Dieu.
Pour Jésus, Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Il est le Dieu de l’alliance avec Abraham, Isaac et Jacob. Jamais, il n’abandonnera ses amis et il les relèvera de la mort pour les inonder de sa lumière. Nous serons semblables aux anges, vivant d’une vie qui ne peut plus mourir.

Telle est notre foi. Tout le reste est vaine curiosité.

Abbé Marcel Villers
Homélie du 32e dimanche C
Desnié 9/11/2019
Illustration : Maurice Denis, La procession des béatitudes, 1915

Clés pour lire l’évangile de Luc 53. Les morts ressuscitent

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile. Cette semaine, Lc 20, 27-38 du 32e dimanche ordinaire.

53. Les morts ressuscitent

Ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection. (Lc 20, 36)

Pour les pharisiens, Dieu a préparé pour ses élus une terre nouvelle, un paradis éternel. Dans ce jardin, les hommes seront époux et pères comblés, les femmes toujours jeunes. Tous les rêves d’ici-bas seront réalisés. Nous ressusciterons tels que nous sommes. C’est de cette position que se moquent les Sadducéens avec leur histoire farfelue de la femme aux sept maris.

Pour Jésus, il est impossible, par définition, de se faire la moindre idée du monde à venir à partir des réalités que nous connaissons ici-bas. Car comment nous représenter ce qu’est la vie divine à partir de notre expérience humaine ? Ils seront semblables aux anges, dit Jésus, et ils ne peuvent plus mourir. (20, 36) Les morts ressuscitent donc pour une autre vie que celle que nous connaissons, une vie qui fera de nous des fils de Dieu. Telle est notre foi. Tout le reste est vaine curiosité.

Les sadducéens

« Le nom des sadducéens est dérivé de Sadoq, le grand prêtre au temps de David. Par la suite, les fils de Sadoq ont été considérés comme les seuls prêtres légitimes. Vers 200 avant Jésus-Christ, les sadducéens constituaient le parti sacerdotal, composé en grande partie de membres venant de familles riches. Ils avaient le contrôle du Temple et étaient représentés dans le Sanhédrin. Ils étaient sous l’influence hellénique, et plus tard, ils furent en bons termes avec l’occupant romain. Leur habilité diplomatique était grande. Ils attendaient des occupants la liberté de religion. Contrairement aux pharisiens, ils n’étaient pas aimés par le peuple. Avec la destruction du Temple en 70 de l’ère chrétienne, les sadducéens qui avaient trouvé leur tâche dans le culte du Temple, disparurent de la scène historique. » (André CHOURAQUI, Dictionnaire de la Bible et des religions du livre, 1985)

Abbé Marcel Villers