Mais, Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu ?

EnfantpauvreRoi

Homélie de l’abbé Marcel Villers pour la solennité du Christ Roi,
à Theux et Jehanster, le dimanche 23 novembre 2014
34ème dimanche A – Mt 25, 31-46

Mais, Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu ?
C’est l’étonnement, la surprise.
Aussi bien chez les élus que les rejetés. Comme pour chacun de nous.
Il y a de quoi être scandalisés.
Les hommes sont, en effet, jugés par le Christ sur leur ignorance.
Mais, Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu ?

Pourquoi récompenser les uns alors qu’ils n’ont même pas pensé au Christ en secourant les pauvres ? Pourquoi punir les autres puisqu’ils ne savaient pas que le Christ se cachait parmi les plus petits ?
Ni les uns, ni les autres ne savaient.
Il n’est pas juste de les sanctionner sur leur ignorance.

Et pourtant, n’est-ce pas ce que fait le Fils de l’homme ?
Ce faisant, il anéantit un des piliers de la morale : la rétribution, la récompense des actes. Le plus souvent, c’est l’espoir d’une récompense qui nous motive à agir. Mais voilà, le Christ demande plus : l’acte gratuit, désintéressé.

Il s’agit de servir et aimer sans arrière-pensée.

L’amour du prochain n’est pas un moyen de plaire à Dieu. L’autre doit être aimé pour lui-même. Et, aimé en acte. J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’étais nu, et vous m’avez habillé…

Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait, révèle le Christ.
Ces petits, ce sont ceux vers qui Jésus est allé tout au long de sa vie : les pauvres, les exclus, les malades, les pécheurs…
Ignorer les affamés, rejeter les étrangers, mépriser les prisonniers, c’est ignorer le Christ, rejeter le Fils de l’homme, mépriser le Juge de la fin des temps.

Mais alors, le Juge des hommes, c’est le petit ! Lire la suite « Mais, Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu ? »

Vous serez mes témoins!

Ascension1

Fête de l’Ascension – Theux, le 29 mai 2014
Mt 28,16-20

Certains départs sont des commencements.
Il y a des retraits qui sont sources de renouveau.

Il est bon pour vous que je parte, disait Jésus à ses apôtres au soir de sa vie.
Le Maître se retire pour que ses disciples prennent la parole et deviennent maîtres à leur tour.

Il y a des présences encombrantes et immobilisantes. Ce peut être le cas dans le rapport maître-élève, maître-disciples. D’un autre côté, l’absence du maître crée un vide et provoque une angoisse terrifiante chez ses élèves, mais cela les oblige à chercher par eux-mêmes. Puis à interpréter, actualiser l’enseignement du maître. Ensuite ils forgent leurs propres convictions. Enfin, ils deviennent à leur tour maîtres et initiateurs.

N’est-ce pas le but ultime poursuivi par tout enseignant, tout parent, tout maître : s’effacer pour que naisse l’autre ? Cette expérience humaine peut aider à saisir le mystère de l’Ascension.

Jésus disparaît aux yeux de ses disciples. Ceux-ci en restent ébahis. Ils fixent le ciel, saisis d’angoisse à la pensée de se retrouver seuls. Jésus est parti, mais il laisse son travail inachevé : la royauté n’est pas restaurée en Israël, la communauté des croyants n’est pas à l’abri des persécutions, la mission auprès des nations s’avère difficile.

On est loin du programme que Jésus avait annoncé au début de son action : libérer les captifs, rendre la vue aux aveugles, la liberté aux opprimés, l’annulation des dettes et des péchés.

Que vont faire les disciples de Jésus ?

Laisser tomber ou prendre en charge, faire leur le programme de Jésus ?
Au lieu de rester là à regarder vers le ciel, les disciples sont partis annoncer l’Évangile à toutes les nations.
Le départ de Jésus, c’est aussi celui des apôtres.
L’Ascension de Jésus correspond à l’inauguration de la mission de l’Église avec la force de l’Esprit promis.

Trois enseignements peuvent être retirés de ces événements.

Cessons de rêver au jour où Dieu viendra régler nos problèmes par je ne sais quel coup de baguette magique. Le Christ nous donne mandat de remettre debout tous ceux qui souffrent. Il a besoin de nos voix pour défendre les sans droit, sans travail, sans logement, sans papiers.

Deuxièmement, l’Ascension nous rappelle la nécessité de la transmission de l’Évangile, de la foi. Vous serez mes témoins, dit Jésus. Allez, de toutes les nations, faites des disciples. Certes, dire sa foi est aujourd’hui difficile. Mais un chrétien qui n’a plus le désir de transmettre, communiquer sa foi, ses convictions, ce qui le fait vivre, est comme un puits qui se tarit quand on ne va plus y puiser de l’eau.

L’audace de la mission se fonde sur l’assurance que Jésus donne de sa présence auprès de ses disciples. Il est le Vivant qui promet : Moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. Ainsi les chrétiens travaillent dans le monde avec la conviction de cette présence, c’est-à-dire l’assurance que Jésus a déjà remporté la victoire sur toutes les forces obscures, intérieures comme extérieures, qui écrasent l’homme et la création.

Comme l’écrit saint Paul : Dieu l’a établi au-dessus de toutes les puissances et de tous les êtres qui nous dominent, quel que soit leur nom, aussi bien dans le monde présent que dans le monde à venir. Dieu lui a tout soumis.

Oui, l’Ascension célèbre la victoire du Christ.

Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre, proclame le Seigneur ressuscité quand il se donne à voir sur la montagne de Galilée. Mais ce triomphe, cette victoire n’est pas -loin de là- manifeste ni à nos yeux, ni à notre raison. Il n’est pas facile d’accepter une vérité -le triomphe de Jésus- qui dépasse les capacités de notre raison. Mais la vérité est plus grande que nos constats et nos savoirs.

La foi élargit l’horizon de notre connaissance et nous introduit dans le vaste monde du mystère que nous sommes et qui nous enveloppe.

Avec saint Paul, demandons au Seigneur qu’il ouvre notre cœur à sa lumière, pour nous faire comprendre l’espérance que donne son appel, la gloire sans prix qui nous attend, et la puissance infinie qu’il déploie pour nous, les croyants.

Abbé Marcel Villers 

Ascension2Merci à Jean-François Kieffer pour ses jolis dessins!

En ce jour de Pâques, réveillons la mémoire de notre baptême!

Baptistere

Dimanche de Pâques
20 avril 2014, Theux

Ils n’avaient pas vu qu’il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.

Trois personnes ont cependant vu quelque chose. Marie-Madeleine a vu le tombeau vide ; elle en conclut qu’on a enlevé le Seigneur. Pierre a vu le linceul resté dans le tombeau, il constate mais ne sait qu’en penser. L’autre disciple vit et il crut.

Il crut quoi ? Qu’il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.

La vie que Jésus reçoit est une seconde vie, une vie d’une autre densité et épaisseur, une vie que nous appelons éternelle. Cette vie est autre, elle est don de Dieu, nouvelle création, nouvelle naissance.

Jésus est passé par la mort, a été enseveli et a été ressuscité pour une vie nouvelle. C’est le cœur, le noyau dur de la foi chrétienne. Mais si nous ne pouvons que nous réjouir pour lui et chanter Alléluia, nous devons aussi nous demander en quoi cela nous concerne.

Frères, nous répond saint Paul, vous êtes ressuscités avec le Christ. Ce qui est arrivé à Jésus nous arrive aussi. En effet, explique saint Paul, vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu.

C’est la signification du baptême : nous faire entrer dans le mystère de la mort et de la résurrection avec le Christ. Il n’est pas question évidemment de mourir physiquement au moment du baptême pour physiquement ressusciter quelques instants plus tard.

Le rite baptismal est l’expression d’une réalité profonde qui relève de l’ordre du spirituel : la mort du vieil homme et la naissance de l’homme nouveau que nous avons soulignées tout au long de ce carême et que rappelait la statue de glaise posée sur l’autel.

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Cet homme nouveau, il est figuré sur le pilier des fonts baptismaux. Nous l’avons aujourd’hui mis en évidence par un cache jaune qui souligne la sculpture en relief de quatre enfants nus, un sur chacune des faces.

Les fonds baptismaux sur lesquels les silhouettes jaunes indiquent l'homme nouveau, sculpté dans la pierre

Ces enfants, ce sont évidemment ceux qui seront baptisés tout à l’heure, et tous ceux qui les ont précédés et les suivront. Mais ils veulent surtout signifier que le baptême est une nouvelle naissance dont on sort nu, à neuf, tel l’enfant qui vient de naître.

Comment cela peut-il se faire ?

Renaître, devenir un être nouveau, recommencer à neuf : qui d’entre nous, un jour ou l’autre, n’en a pas rêvé ? Mais, comment un homme pourrait-il naître s’il est vieux ? Pourrait-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître ? 

Et puis, d’où vient ce désir de renaissance ? Tout simplement de ce dont nous sommes faits. De la boue et du souffle divin, l’homme fût créé, image de l’Immortel, écrit Grégoire de Nazianze. C’est pourquoi, en sa qualité de terreux, il est attaché à la vie d’ici-bas, mais portant aussi une parcelle de la divinité, le désir du monde à venir travaille son cœur.

Etre mixte, mêlé de ciel et de terre, rien de ses conditionnements terrestres ne saurait satisfaire ni définir l’être humain. L’homme passe infiniment l’homme, écrivait Pascal. Il y a en lui ce souffle venant de Dieu qui le porte, le travaille, l’empêche de s’identifier à cette terre.

Et saint Paul confirme : C’est en haut qu’est votre but, non sur la terre. Recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ. Vous êtes morts, en effet, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu.

Mais comment cette vie nouvelle, cachée en Dieu, pourrait-elle devenir nôtre ?

Comment, à l’intérieur de l’être ancien que nous sommes, pourrait surgir la vie nouvelle ? Il vous faut naître d’en haut, disait Jésus. C’est « d’en haut » que peut venir cette nouvelle vie, pleine, dense, non minée par la mort. Nul, s’il n’est engendré d’en haut, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu.

Toute naissance reste la plus merveilleuse des choses et pourtant la plus mystérieuse. Ainsi en va-t-il de la naissance du croyant qu’exprime le baptême. Car comment devient-on croyant ? Le croyant est né de l’eau et de l’Esprit, disait Jésus. C’est ce même Esprit, reçu au baptême, qui nous fait crier : Abba! Père! et nous révèle ainsi notre véritable identité : nous sommes enfants de Dieu.

Oui, au baptême, comme à la résurrection, il s’agit de naissance ou plutôt de renaissance à notre identité véritable, celle de Fils bien-aimé du Père, celle d’enfant de Dieu.

Nous sommes tous des renaissants, des renés.

Aujourd’hui, en ce jour de Pâques, réveillons la mémoire de notre baptême!

Comme ce jour-là, renouvelons notre renonciation à Satan et renouvelons notre profession de foi.

– Renoncez-vous à Satan, au péché et à tout ce qui conduit au péché ?

– Nous y renonçons!

– Croyez-vous en Dieu le Père Tout-Puissant, créateur du ciel et de la terre ?

– Nous croyons!

– Croyez-vous en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, né de la Vierge Marie, qui a souffert la Passion, a été enseveli, est ressuscité des morts et est assis à la droite du Père ?

– Nous croyons!

– Croyez-vous en l’Esprit-Saint, à la sainte Eglise catholique, à la communion des saints, au pardon des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle ?

– Nous croyons!

J’invite celles et ceux qui le souhaitent à s’approcher de la cuve baptismale pour y plonger la main et se signer avec l’eau bénite en cette nuit de Pâques, renouvelant ainsi leur profession baptismale.

Abbé Marcel Villers

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Lazare, c’est chacun de nous – Homélie pour le cinquième dimanche de carême

BaptistereCareme5AnneeA

Homélie de l’abbé Marcel Villers pour le
5ème dimanche de carême, année A

 Jn 11,1-45 

Nous arrivons au bout de notre itinéraire de carême que nous avons voulu une redécouverte du baptême.

Tout a commencé au désert, ce lieu de dépouillement de tout le superficiel de nos vies et qui ramène à l’essentiel : renoncer à Satan, à tout ce qui nous sépare de Dieu.

Après le désert, la montagne où Dieu se révèle à nous dans le Christ, son Fils bien-aimé, l’homme nouveau que nous sommes appelés à devenir par l’écoute de sa parole. Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le.

Ecouter le Christ, c’est ce qui se passe au bord du puits où comme la Samaritaine, nous venons puiser l’eau vive, c’est-à-dire l’enseignement de Jésus qui devient, en nous, source jaillissante pour la vie éternelle.

Cet enseignement fournit à l’aveugle de naissance, que nous sommes, la lumière pour reconnaître en Jésus le Seigneur de vie.

Aujourd’hui, dernière étape, le Seigneur fait sortir du tombeau tous les Lazare, préfigurant ainsi sa propre victoire sur la mort que nous célébrerons à Pâques.

Lazare, notre ami, s’est endormi ; je m’en vais le tirer de ce sommeil. Saint Paul enseigne que nous sommes habités, que l’Esprit est notre vie, que l’Esprit de Dieu habite en nous.

Mais qu’en faisons-nous ?

Nous ignorons cette présence en nous du nouvel homme et nous le laissons dormir. En nous l’esprit, l’homme intérieur est endormi.

Je vais aller le réveiller, déclare Jésus.

Lazare, c’est chacun de nous. L’heure est venue de sortir de votre sommeil. L’Esprit de Dieu habite en vous.

Réveillez-le. Réveillez en vous l’autre homme, l’homme nouveau dont le baptême symbolise la naissance. Plus qu’un réveil, il s’agit d’une résurrection.

Je suis la résurrection et la vie.

Comme Lazare, nous sommes des morts murés dans leur tombeau. Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai sortir, promet le Seigneur par la bouche d’Ézéchiel.

Et Jésus de réaliser la promesse : Lazare, viens dehors, lui crie-t-il.

Extraire l’homme de sa nuit pour voir le jour nouveau, telle est l’œuvre du Christ, lui qui est la résurrection et la vie. Ce chemin de la vie, il passe, à la suite de Jésus, par la mort pour aboutir à la résurrection.

Nous sommes là au cœur de la foi chrétienne. C’est ce que nous célébrons à Pâques.

Mystère central pour comprendre ce qu’est l’homme, ce qui nous est promis par le Christ et nous est obtenu par la foi, dont le baptême est le sacrement, c’est-à-dire le signe et l’instrument. D’où la question posée par Jésus : Crois-tu cela ?

Je suis la résurrection et la vie. Crois-tu cela ? 

C’est la question posée par Jésus à Marthe. C’est la question qui nous est posée chaque dimanche après avoir entendu l’Évangile et l’homélie. C’est la question posée à celui qui demande le baptême. C’est la question posée solennellement la nuit de Pâques.

Crois-tu cela ? Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra.

Le baptême est le sacrement de la foi qui est rupture, mort à soi pour s’attacher au Christ et devenir membre de son Corps. Le rite du baptême le signifie clairement: le candidat proclame devant tous sa renonciation à Satan et sa foi au Christ. Il est alors dépouillé de ses vêtements, c’est-à-dire du vieil homme. Puis plongé dans les eaux qui symbolisent le monde de la mort pour resurgir vivant. Enfin, il est revêtu de l’habit blanc, signe de l’homme nouveau qu’il est devenu.

Ce sont les eaux de la mort que la cuve baptismale contient et qui font d’elle une figure du tombeau, ce que renforce, ici à Theux, sa masse de pierre. Etre plongé au cœur de ce gouffre de pierre et en ressortir exprime clairement la mise au tombeau et la résurrection.

Ce que nous avons voulu exprimer par cette figurine remontant de la cuve et qui nous rappelle Lazare sortant du tombeau, encore enveloppé du suaire. Les baptisés sont, comme Lazare, des vivants revenus d’entre les morts (Rm 6,13).

Car, nous dit St Paul, l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous et donnera la vie à vos corps mortels.

Telle est la promesse qui se signifie au baptême et que Pâques réalise !

Abbé Marcel Villers