Notre Curé nous parle – 31 mai 2020

Pentecôte
en la Fenêtre de Theux

Un château en ruine au milieu d’une vallée verdoyante en hauteur et bien lotie en son fonds : voilà le souvenir que retiendra le visiteur de passage dans la Fenêtre de Theux. Mais qu’aura-t-il saisi de son histoire et de son âme profonde sans s’y arrêter et creuser ?

En ce 30 mai, la fête de Jeanne d’Arc se dessine en veille de la Pentecôte. La « petite bergère » en fait plutôt couturière est quasi contemporaine des six cents Franchimontois. Un peu avant que ceux-ci ne se mettent en route pour vivre leur épopée à Liège assiégée, une génération plus tôt, la Pucelle (jeune fille) a quitté son pays de Bar, forte de sa mission et accompagnée de ses frères et quelques compagnons. Forte de sa foi et au clair avec sa mission, Jehanne se lance dans une aventure qui se poursuivra au-delà de sa mort… Tout le monde a essayé de la récupérer or elle est vraiment inclassable. À son procès, on lui demande « Dieu aime-t-il particulièrement les Français ? » ; elle répond qu’elle n’en sait rien mais qu’elle sait juste que les Anglais doivent quitter la France ! Ou encore : « Croyez-vous être en état de grâce ? – « Si je n’y suis, Dieu m’y mette ; si j’y suis, Dieu m’y garde ». Réponse reprise dans notre catéchisme officiel. Bref Jeanne est comme nous, elle a des racines, elle a une foi simple, elle reçoit une mission dont elle ne sait où elle va la mener ! Jehanne est l’incarnation de 2Co 12,9 : « Ma grâce te suffit car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse »…

En ces jours où le pape François célèbre le cinquième anniversaire de son encyclique Laudato si’ et sa fabuleuse inspiration, il nous offre de regarder aussi vers le « vénérable » Matteo Farina (1990-2009). Comme Jeanne, il est un jeune de son temps amoureux de la vie, passionné de football et de musique, appréciant la franche camaraderie, le tout vécu à la lumière de sa foi. Que peut-il sortir des Pouilles, du fin fond de l’Italie ? Au moins un saint qui est enraciné dans son terroir, un saint au sens d’incarner son baptême dans une relation vivante à Dieu, sous une influence franciscaine. Un chemin qui le conduira de passer par l’inattendu : assumer un cancer dès l’âge de treize ans. Son désir, sa mission, se révèle dans des poésies et un carnet personnel : se glisser parmi ses amis et leur insuffler une chose : de l’amour !

Jeanne, François, Matteo et sans doute d’autres peuvent nous inspirer en ces jours de Pentecôte. Début d’année, nous nous attendions à fêter un anniversaire habituel en Église. Puis la pandémie est passée par là. Questions, manques, espoirs de dernière minute… et si nous pouvions retrouver nos églises à Pentecôte à défaut d’en avoir profité à Pâques ? Baf désillusion et frustration ! Même un recours au Conseil d’État n’y a rien fait ! Et pourtant ?

Regardons encore vers un frère dans la foi, Jean-Pierre Denis, directeur de rédaction de La Vie. Dans son édito de Pentecôte, il fait droit car il la partage, à la joie des catholiques français qui eux, peuvent retourner à l’église ! Mais… il écrit aussi : « Le corps du Christ n’est ni notre lubie, ni notre acquit, ni la récompense de notre bonne conduite … il est le Pain Vivant descendu du ciel. Avons-nous su en témoigner » ? Sous-entendu pendant le confinement. Sans ambages, il poursuit : « Ce temps de confinement a montré aussi la tendance des chrétiens à l’esprit de chicane plus qu’au Saint-Esprit » … ces divisions nous rendent plus étrangère l’espérance chrétienne. Ce n’est pas cette fois que l’on aura dit : « Voyez comme ils s’aiment ».

Regret hexagonal ? À mon avis, regret belge aussi, fut-ce par notre discrétion. La vôtre, la mienne. Mais nous pouvons aussi rejoindre l’avis de ce journaliste croyant : « Il serait dommage et presque plus grave d’oublier trop vite ce que nous avons vécu, découvert et semé… il n’est pas trop tard pour approfondir… revenir dans nos églises n’a d’intérêt que si nous en sortons. Bouleversés. Ayant reçu l’Esprit. Parlant d’autres langues ».

Et si nous vivions le fait de vivre les prolongations du confinement comme une chance, une grâce ? N’est-ce pas dans les extra-times d’un match que se joue la victoire ? Oui, rien n’est perdu, rien n’est irrémédiablement gâché !

Pour ailleurs, vous pourrez lire, réfléchir et méditer sur ce blog ce texte d’un moine qui appelle à passer de la messe à l’eucharistie (*)… ici, je voudrais revenir à l’interpellation de Tomas Halik que j’évoquais il y a quinze jours : les lieux de culte fermés, un signe de Dieu ? (in La Vie, 3897).

Commençant par l’incendie de Notre Dame de Paris il y a un an, l’auteur arrive à la pandémie qui serait comme l’occasion d’une mise en garde. La fermeture provisoire des églises préfigurait ce qui va arriver de façon permanente dans une large mesure. Il s’agit de dépasser le « c’est la faute des autres » notamment le « tsunami séculier ». Halik écrit : « Cette époque de vide dans les bâtiments d’église révèle peut être la vacuité cachée des Églises et leur avenir probable, à moins qu’elles ne fassent un sérieux effort pour montrer au monde un visage totalement différent ». Mon confrère appelle bien à « un changement radical dans l’être chrétien ». Il évoque le parcours de l’Église médiévale et conclut : « Peut-être que la découverte de la contemplation pourrait aider à compléter la « voie synodale » vers un nouveau concile réformateur ». Eh oui, il y va et ce n’est pas fini. Il ne voit pas en quoi les solutions virtuelles actuelles nous auront marqués à terme ! « Nous devrions accepter l’actuel sevrage des services religieux (Ndlr : en et hors confinement comme par exemple la raréfaction des prêtres et forces vives) et du fonctionnement de l’Église comme un Kairos, une occasion pour nous arrêter et nous engager dans une réflexion approfondie devant Dieu et avec Dieu » (Ndlr : tiens, le retour du Kairos de la semaine dernière).

« Nos paroisses, nos congrégations et nos monastères devraient se rapprocher de l’idéal qui a donné naissance aux universités européennes : une communauté d’élèves et de professeurs, une école de sagesse où la vérité est cherchée, à travers le libre débat et la profonde contemplation. De tels îlots de spiritualité et de dialogue pourraient être la source d’une force de guérison pour un monde malade. »

Ici, Tomas Halik revient au propos de François qui citait la Révélation (Apocalypse) lors de son élection. Le Christ se tient à la porte et frappe… pour sortir ! « Peut-être qu’il vient de le faire ».

Je quitte mon confrère tchèque, nous le retrouverons plus tard. À la Pentecôte, des gens comme nous, comme Jeanne, François, Matteo, des Galiléens pour la plupart, des gens enracinés dans un terroir, des gens nourris (endormis) de la tradition et habités (habitués) de leur désir ont quitté leurs peurs pour sortir du Cénacle. Leur seule force : L’Esprit et son inattendu. Leur seul amour : Jésus le Christ, le Vivant !

L’évêque de Saint-Dié, Didier Berthet, écrit de la Pucelle d’Orléans : « Jeanne est, enfin, une figure d’anticonformisme chrétien, y compris dans son refus de quitter son habit d’homme ! Lors de son procès, elle met en œuvre le don de science conféré par l’Esprit. »

N’est-il pas temps pour nous, moi et vous, d’être moins conformistes, de cesser d’être sages selon l’esprit du monde et de l’être autrement, en nous approchant davantage de l’Évangile ? En ce long week-end, beaucoup vont sortir pour faire du vélo, aller à un barbecue dans le cadre du contrat civique des « 4 habituels ». Nous pouvons faire comme eux, être avec eux au nom de notre belle humanité mais pas sans la joie que confère l’Esprit ! L’Esprit qui vient. L’Esprit qui ne nous abandonne pas. L’Esprit qui se joue des contingences. Il est là, le Souffle de la vie. Il est le Vent de l’amour qui a transformé tant de gens comme nous pour en faire des disciples, des êtres de lumière et d’espérance à la suite du Christ.

Bon anniversaire, avec ou sans bougies. Bon anniversaire sans église et sans messe.

Mais surtout Bon Anniversaire en Église et Joyeuse Pentecôte.

Jean-Marc,
votre curé

(*) Le texte est à présent disponible sous le titre « Retour pas seulement à la messe mais à l’Eucharistie ».

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