La chronique du 1er novembre 2020 de notre Curé

Heureux… En marche

En ce début novembre, aux couleurs sombres de la pandémie et de la crise socio-économique s’ajoute le rouge de la barbarie… dont des chrétiens français notamment viennent d’être victimes.

A l’heure, où de nouveau, nos libertés se trouvent restreintes par la force des choses, je voulais commencer par citer la réaction du premier ministre canadien Justin Trudeau. Alors qu’il manifestait sa compassion et ses condoléances sincères et bien légitimes à la France, il a fait ce commentaire sur la liberté d’expression : « Nous nous devons d’agir avec respect pour les autres et de chercher de ne pas blesser de façon arbitraire et inutile ceux avec qui nous sommes en train de partager une société ou une planète. Dans une société pluraliste, diverse et respectueuse comme la nôtre, nous nous devons d’être conscients de l’impact de nos mots et de nos gestes sur d’autres, particulièrement ces communautés et ces populations qui vivent encore énormément de discrimination. » Pour être concret, M. Trudeau a utilisé l’image que l’on ne crie pas au feu dans un cinéma bondé !

Au-delà de donner matière à réflexion, cet appel à la prise de conscience de faire partie d’une même communauté en utilisant à bon escient notre liberté n’est pas sans lien avec l’épopée biblique. N’oublions pas que celle-ci débute avec la sortie d’Égypte et se termine par le salut universel offert et accompli dans le Christ Jésus. L’expérience du peuple de Dieu est celle d’une libération à accueillir et à mettre en œuvre au sein d’une fraternité. Fraternité qui tend à s’étendre à toute l’humanité. Cette expérience est au-delà de la création, le projet de Dieu lui-même.

Jean, de Patmos, nous partage (Ap 7.2-4. 9-14) : « Après cela, j’ai vu : et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches avec des palmes à la main. Et ils s’écriaient d’une voix forte : le salut appartient à notre Dieu qui siège sur le Trône et à l’Agneau. »

De même que le soleil apporte de magnifiques couleurs à nos jardins et forêts, nous aurions voulu vivre cette fête de la Toussaint comme un temps de lumière. Il est vrai que c’est une célébration pascale : comme le Christ a été relevé du tombeau, le peuple de Dieu, l’humanité est appelée à la vie bienheureuse. Hélas, cette année il n’y a pas que la tradition ténébreuse et importée d’Halloween qui apporte un contraste à la lumière venant de Dieu et du Christ vivant. Nous sommes bel et bien plongés dans l’épreuve. C’est une forme de passion, il faut le dire. En plus si dans l’Écriture, elle prend la forme d’une chronologie pré-résurrection, dans les faits, nous sommes dans « l’en même temps », le « et et ». A la fois, nous sommes dans des difficultés, des drames pour certains et nous avons aussi à accueillir les germes de libération et d’accomplissement que nous apporte le Christ sauveur. C’est sur le chemin triste et douloureux d’Emmaüs que le Vivant rejoint les disciples. Bien avant la montée vers Jérusalem, il leur avait délivré son enseignement en paroles et en actes. C’est l’Évangile de la Toussaint : « Heureux (en marche) les pauvres car le royaume des Cieux est à eux. En marche ceux qui pleurent, ils sont consolés. Heureux les doux, ils recevront la terre en héritage. En marche, ceux qui ont faim et soif de la justice car ils sont rassasiés. Heureux ceux qui font miséricorde car ils obtiendront miséricorde. En marche les cœurs purs car ils voient Dieu. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu… »

Si Matthieu (Mt 5. 1-12a) s’est permis d’ajouter des nuances à la version sans doute plus originale de Luc, je me suis autorisé ici de jouer sur les mots pour essayer de sortir la Parole de l’écrin de mémoire où nous la conservons parfois un peu trop précieusement. Ce joyau n’est pas fait pour être regardé à distance mais un trésor à accueillir et à partager. Cette Parole est d’autant plus fantastique qu’elle se renouvelle : rien ne l’épuise. En plus, en ces jours où l’accès aux sacrements et célébrations communes va nous être rendu impossible, elle demeure le pilier pour notre espérance, la source sur notre foi… « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant, témoignent Cléophas et son compagnon, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait aux Écritures ! »

La marche est l’incarnation de l’esprit des Béatitudes. La marche est le compagnonnage avec le Christ Jésus. La marche se déroule sous le soleil et sous la pluie. Elle peut se faire marche de nuit. Par monts et par vaux, dans nos existences, elle a un but : nous amener au havre de paix et de joie dans le Seigneur. « Bien aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père pour nous soyons appelés enfants de Dieu et nous le sommes… dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu… quiconque met en lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur » (1 Jn 3. 1- 3). Nous sommes dans une marche partagée avec le Seigneur notre Sauveur. Heureusement pour nous, il n’a rien du cavalier, le roi des Aulnes qui poursuit sa chevauchée dans la tempête de façon éperdue, malgré les plaintes de son fils qu’il a en croupe. Périple, qui, à son terme, révèle la mort de l’enfant. Notre Dieu, notre Père marche et s’arrête selon nos besoins et nos forces. Aussi n’ayons aucune réserve pour nous tourner vers lui en vérité. Si notre cœur se dilate de joie, rendons-lui grâce. Si nous sommes angoissés, déprimés, fatigués, jetons-nous dans ses bras. Il est toujours là pour nous consoler ou nous rassasier. Si nous avons l’énergie, en son nom, partageons dans l’écoute, la solidarité pour qu’il démultiplie nos dons…

« Usé par l’attente du salut, j’espère encore ta parole. L’œil usé d’attendre tes promesses, j’ai dit : « Quand vas-tu me consoler ? » (Ps 118). « Jusqu’au rocher trop loin pour moi, tu me conduiras car tu es pour moi un refuge, un bastion,… » (Ps 60). David, le ou les psalmistes, sont des marcheurs comme nous ; ils se sont appuyés sur le Seigneur. Celui qui a le mieux incarné cette confiance filiale et aimante, c’est bien sûr Jésus. « Je dois recevoir un baptême et comme il m’en coûte d’attendre qu’il soit accompli » (Lc 12.50). La marche de Jésus s’est faite pénible comme la nôtre. Toutefois, la faiblesse de son humanité ne l’a jamais détourné du Père. C’est aussi notre chemin de disciples, de frères et de sœurs.

Aujourd’hui, c’est notre fête, celle de tous les enfants de Dieu, celle de tous les saints. Et si nous mettions en pratique ce conseil du prophète Jérémie ? « Arrêtez-vous sur les routes pour faire le point, renseignez-vous sur les sentiers traditionnels. Où est la route du bonheur ? Alors suivez-là et vous trouverez où vous refaire! »

Bonne halte avec le Seigneur. Bonne route avec lui cette semaine.

Jean-Marc,
votre curé

Un commentaire sur « La chronique du 1er novembre 2020 de notre Curé »

  1. Je trouve la citation de Justin Trudeau pleine de bon sens et Emmanuel Macron ferait bien de s’en inspirer, lui qui disait : «Nous ne renoncerons jamais aux caricatures». Qu’on arrête avec cette liberté d’expression à tout prix. Pourquoi se gausse-t-on devant les caricatures salissant l’Islam alors qu’on s’offusque devant les figures moquant les juifs, au carnaval d’Alost ? JE NE SUIS PAS CHARLIE !

Répondre à Paul Pirard Annuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.