Clés pour lire Matthieu : En croix

Clés pour lire l’évangile de Matthieu

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Matthieu. Cette semaine : Mt 26, 1- 27, 66 du dimanche des Rameaux et de la Passion.

En croix, des cris

Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
(Mt 27, 46)

Trois grands cris sont poussés au Calvaire, ils sont autant de clés pour saisir la dimension rédemptrice de la mort de Jésus.

Le cri de Jésus n’est pas un cri de désespoir, ni de terreur. C’est un cri de confiance du Fils à l’adresse de son Père. Par deux fois, Jésus crie d’une voix forte.  La première fois, un appel au secours : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (27,46) La seconde fois, « dans un grand cri, il rendit l’esprit » (27, 50). Rendre, c’est-à-dire, remettre en toute confiance sa vie, son sort entre les mains de Dieu. Cri de foi du Fils qui remet tout à son Père.

Aussitôt, comme un effet de la mort de Jésus, toute la création s’ébranle et fait entendre sa clameur, son cri. « La terre trembla. Les rochers se fendirent. Les tombeaux s’ouvrirent. De nombreux saints ressuscitèrent et entrèrent dans la ville » (27, 51-53). Une vie d’au-delà envahit la terre, un monde nouveau est déjà là.

Le cri du centurion vient conclure : « Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu. » (27, 54) De sa bouche jaillit la plus belle profession de foi.

Récit de la passion
Il paraît vraisemblable que le récit de la passion soit la reprise d’un récit ancien utilisé par les premiers chrétiens pour faire mémoire de la passion et de la mort de Celui qui fonde leur foi. Ce récit est le noyau primitif des évangiles.
Ce récit ne se contente pas de rapporter des faits bruts, les évangélistes s’attachent surtout à leur signification pour la foi et la vie chrétiennes. Matthieu émaille ainsi son récit de nombreuses citations et références à l’Ancien Testament. Il s’adresse, en effet, à des chrétiens pour la plupart d’origine juive, attachés aux Écritures hébraïques. Matthieu leur montre un Jésus qui sait ce qui l’attend, qui s’y soumet librement, car il accomplit ainsi les Écritures. La croix, de scandale absolu, devient la source du salut.

Abbé Marcel Villers

CLÉS POUR LIRE MATTHIEU : 15. TRANSFIGURÉ

Clés pour lire l’évangile de Matthieu

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Matthieu. Cette semaine : Mt 17, 1-9 du 2e dimanche du carême.

14. Transfiguré sur une haute montagne

De la nuée, vint une voix qui disait : « Écoutez-le ! »
(Mt 17, 5)

« Son visage devint brillant comme le soleil et ses vêtements blancs comme la lumière. » (17, 2) D’ordinaire, on peut devenir lumineux si on est éclairé par une puissante lumière extérieure. Ici, la face de Jésus, ses vêtements, l’ensemble de son corps deviennent source de lumière.

« Pierre parlait encore lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre. » (17, 5) Bien que lumineuse, la nuée les plonge maintenant dans l’ombre ! Elle les prive de la vision, la nuée les terrasse, ils sont rendus aveugles. Et par là même, ils sont maintenant mis en situation pour entendre. De la nuée, en effet, vient une voix : « Écoutez-le ! » (17, 5) Ce n’est pas regarder, voir Jésus qui importe, c’est l’écouter, lui obéir, le suivre en actes.

Transfiguration pascale
Alors que les disciples sont à terre et plongés dans la mort par la peur, Jésus les touche, et leur dit : « Relevez-vous et n’ayez pas peur !»  (17, 7) Ce verbe : se « relever » est celui qui sera utilisé pour parler de Jésus, relevé ou ressuscité d’entre les morts à Pâques. La Transfiguration prépare le cœur des disciples à surmonter le scandale de la croix. Jésus leur avait annoncé qu’il allait être trahi et mis à mort, qu’il toucherait alors le fond de l’humiliation. Maintenant, sur la montagne, il leur montre l’issue : la glorification lumineuse, la métamorphose de la résurrection. Cette transfiguration est ce qui nous attend aussi : « en ce jour, sur le Thabor, le Christ transforma la nature enténébrée d’Adam. L’ayant illuminée, il la divinisa. » (C. ANDRONIKOFF, Le sens des fêtes, 1970)

Abbé Marcel Villers

CLÉS POUR MATTHIEU : 14. Au désert, le combat

Clés pour lire l’évangile de Matthieu

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Matthieu. Cette semaine : Mt 4, 1-11 du 1er dimanche du carême.

 

14. Au désert, le combat du Fils

Le tentateur s’approcha et lui dit :  « Si tu es Fils de Dieu… » (Mt 4, 3)

La vie chrétienne implique un combat, une lutte. Les tentations de Jésus sont représentatives des épreuves, des combats de l’homme de foi. Ce récit met en scène une réalité intérieure et permanente vécue par Jésus et le chrétien à sa suite.

Le démon cherche à installer la contradiction entre Jésus et Dieu, à placer un coin entre eux, à faire une brèche dans leur communion pour arriver à séparer Jésus et son Père.  Le démon installe le doute : « si tu es le Fils de Dieu… » Autrement dit, « en es-tu si sûr ? que Dieu te le prouve ! teste-le ! » Mais Jésus refuse : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » (4, 7)

La stratégie du démon avait réussi avec Adam et Ève, elle échoue avec Jésus. L’arme décisive de sa victoire : l’obéissance, la communion à la Parole de Dieu, son Père. Il est bien le Fils dont « la nourriture est de faire la volonté de son Père » (Jn 4, 34). Car « ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » (4, 4) C’est dans la communion des volontés de Dieu et de l’homme qu’est le salut.

Tentations de Jésus, tentations d’Israël
« Jésus est Fils de Dieu en tant qu’il réalise par sa soumission au Père, la vocation d’Israël, fils de Dieu. Aussi, Jésus répond-il au tentateur par des versets du Deutéronome qui font écho à l’expérience d’Israël au désert : expérience d’une manne de misère aiguisant la faim de la Parole (Dt 8, 3), triste expérience du doute à l’égard de la puissance divine (Dt 6, 16), expérience chronique de l’idolâtrie (Dt 6, 13) dont Matthieu semble craindre une reviviscence dans le rêve d’un messie dominateur politique. » (Claude TASSIN, L’Évangile de Matthieu, 1991)

Abbé Marcel Villers

Clés pour lire Mathieu : 13. Soyez parfaits

Clés pour lire l’évangile de Matthieu

Dans cette série hebdomadaire (parution le mercredi matin), nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Matthieu. Cette semaine : Mt 5, 38-48 du 7ème dimanche ordinaire.

13. Une règle de vie, l’excès

Vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. (Mt 5, 48)

Qu’est-ce que cela change d’être chrétien ? Quelle est notre différence ? A quoi peut-on nous reconnaître ? Deux indices sont fournis par Jésus. Ils sont signifiés par deux mots : « encore » et « extraordinaire ».
« Si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. Si quelqu’un veut prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille. » (5, 39-41) Ici le « encore » signifie « en plus ». On te demande une chose, donnes-en deux. Cet excès est la marque concrète, la signature des disciples de Jésus.

« Aimez vos ennemis. Car si vous aimez ceux qui vous aiment, si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? » (5, 46) « Extra-ordinaire », voilà qui doit caractériser l’action du chrétien.

« Encore », « en plus », « extraordinaire » : ces expressions indiquent que l’excès est la marque concrète, la signature des disciples de Jésus. Car ils n’ont qu’une règle : « Vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (5, 48)

Amour des ennemis, une exception chrétienne
« Ultime excès auquel appelle la parole de Jésus, l’exigence de l’amour de ses ennemis. Dépassement du principe de réciprocité et de représailles, immense provocation, cet amour des ennemis me démarque tout simplement de l’agressivité de l’adversaire et la fait retomber dans le vide ; car, que je le veuille ou non, ces ennemis demeurent des fils et des filles du Père. L’amour tient à ma manière de me tenir devant ces enfants-là : au lieu de me limiter à mes solidarités habituelles, accueillir celles et ceux qui me menacent, les décentrer de leur méchanceté autant que me décentrer moi-même. Au lieu d’une exhortation forcément inatteignable (« soyez parfaits »), la parole de Jésus résonne comme une lumineuse promesse : Vous serez parfaits. » (Isabelle GRAESSLÉ, Prier 7 jours avec l’évangile de Matthieu, 2010)

Abbé Marcel Villers