Clés pour lire Matthieu : 8. Au bord de la mer

Clés pour lire l’évangile de Matthieu

Dans cette série hebdomadaire, avec désormais parution le mercredi matin, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Matthieu. Cette semaine : Mt 4, 12-17.

8. Jésus au bord de la mer

Il quitta Nazareth et vint habiter à Capharnaüm. (Mt 4, 13)

Nazareth, c’est le village, la famille, les amis. Jésus quitte tout cela : son pays, sa parenté, ses repères. Pour habiter au bord de la mer, là où l’espace s’ouvre et le multiple se vit. Capharnaüm, route de la mer, Galilée des nations ! Une région considérée comme païenne et idolâtre, peuplée d’étrangers de toutes sortes.

Matthieu sait que Jésus a œuvré en Galilée ; ce fait, il va le charger d’un sens fort qu’il va puiser dans sa méditation du prophète Isaïe (8, 23-9,1). « Galilée des nations ! Le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu une grande lumière. » (4, 15-16) C’est l’espoir d’un rassemblement de tout le peuple de Dieu, alors exilé et dispersé, qu’annonce Isaïe en son temps et que Matthieu voit réalisé par Jésus dans cette Galilée, symbole de la destination universelle de la lumière qu’est l’Évangile.

Capharnaüm
« Ville de Galilée sur le lac de Génésareth, Capharnaüm est une ville frontière entre la Galilée d’Hérode Antipas et les territoires (à l’est du lac) de son frère Philippe. La ville possède un bureau de douane ou de péage, des fonctionnaires royaux, une garnison romaine. Jésus en fit le centre de son activité galiléenne. Il y habita tout comme Pierre et André. Il y enseigna à la synagogue et y réalisa de nombreuses guérisons. Mais il maudit la ville pour son incrédulité. Sa localisation a été controversée, mais elle est aujourd’hui située à Tell-Hum, à 4 km à l’ouest de l’embouchure du Jourdain dans le lac. » (CHOURAQUI André, L’univers de la Bible, tome VIII, Paris, 1985) Dans la langue familière, un capharnaüm désigne un lieu où règne la confusion et le désordre, à l’image de la ville multiculturelle et composite de l’époque de Jésus.

 Abbé Marcel Villers 

Portes ouvertes

Homélie de l’abbé Marcel Villers pour le 21e dimanche du temps ordinaire Année B. Mc 7, 1-23. Theux le 2 septembre 2018

Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur.

Jésus distingue deux types d’impureté, de souillure.
La souillure externe concerne par exemple la nourriture : des mains ou des plats non lavés rendent impurs les aliments, par simple contact physique.
De même, si j’entre en contact, si je touche ou suis touché par le corps d’un impur, un lépreux ou un mort, ou tout simplement un païen, je deviens moi-même impur et donc souillé.

La souillure éthique est d’une autre nature, elle est d’ordre intérieur, relative aux intentions et a son siège dans le cœur de la personne.
C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur (Mc 7,21-23).
Autrement dit, l’impureté ne se situe pas au niveau physique, matériel, mais au niveau des pensées, des intentions.

Jésus substitue ainsi à la conception rituelle de la pureté celle de la pureté morale, favorisant l’intériorisation de la religion. En effet, il importe peu de toucher des objets ou des personnes qualifiées d’impures. L’essentiel, c’est le cœur, l’intériorité.

Les traditions humaines, dit Jésus, cherchent à établir ou marquer des coupures, bien tranchées. On sépare ainsi radicalement l’impur du pur, le profane du sacré, et finalement les humains entre eux et les humains d’avec Dieu.

Jésus s’oppose aux coupures, aux séparations, aux exclusives. Il veut rétablir les liens rompus. Il n’y a pas de lien possible avec Dieu si nos liens sont rompus avec les autres humains.
Sur ce point, saint Jacques est clair et net. Un comportement religieux pur et sans souillure, c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse.

Selon Jésus, ce qui préoccupe vraiment Dieu, ce n’est pas la religion et ses lois, mais bien le sort des hommes et des femmes de ce monde. Ce qui importe vraiment à Dieu, ce ne sont pas les rites de purification ou les prescriptions alimentaires, ou les liturgies et les dogmes. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains.
Ce qui importe vraiment à Dieu, c’est ce qui advient aux hommes et aux femmes de ce monde.
Mettez la Parole en pratique, recommande saint Jacques, ne vous contentez pas de l’écouter.

Jésus le montrait quand, au grand scandale des purs, il partageait le repas des marginaux, les infréquentables, les pécheurs comme on disait, les gens impurs.
Une des implications de ce comportement, c’est que, par ses actes, Jésus déclarait purs tous les aliments (7,19). Conclusion capitale qui mettait fin à un des débats majeurs de l’Église primitive : devait-on continuer à suivre les prescriptions alimentaires juives ?
L’enjeu, c’est la communauté de table entre chrétiens issus du judaïsme et ceux venant du monde païen. La sentence de Jésus est claire : aucune nourriture, qu’elle soit interdite, non casher ou contaminée, n’est susceptible de rendre l’homme impur. Ainsi s’efface une des frontières entre Juifs et païens.

La remise en question des interdits alimentaires prescrits par la loi juive permet l’ouverture de la mission et de l’Église aux païens. Sans cela, jamais il n’aurait pu être question d’une Église missionnaire, c’est-à-dire ouverte, accueillante à tous, à toutes les cultures et nations.

La porte de l’Église, comme celle de Jésus, est toujours ouverte et à tous.

Abbé M. Villers