Famille et miséricorde : quelles relations ?

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Synode sur la famille d’octobre 2015

Une réflexion de l’abbé Marcel Villers

Ce dimanche (4 octobre 2015), débute à Rome le synode sur la famille qui sera suivi par une année de jubilé consacrée à la miséricorde. Voilà deux événements qui vont se succéder et marquer le temps de l’Église. Mais sont-ils liés ? Famille et miséricorde, qu’ont-ils à voir l’un avec l’autre ?

Le synode sur la famille a un programme énorme puisqu’il s’agit de prendre en compte les différentes facettes de cette réalité complexe qu’est la famille. Huit grandes problématiques sont envisagées : la transmission de la foi comme vocation de la famille, le mariage et sa préparation, l’union libre sans reconnaissance civile ou religieuse, le sacrement du mariage et ses conditions, les divorcés remariés et leur situation dans l’Église, la procédure de nullité de mariage, l’attention pastorale à l’égard des couples de même sexe, la régulation des naissances et les questions de bioéthique.

Avec la famille, nous sommes bien au cœur de la mutation culturelle que connaît notre société et qui interroge radicalement la conception que l’Évangile et l’Église se font de l’homme et de la vie.

Nous ne pouvons faire fi des changements sans précédent en cours dans la société contemporaine, déclare le pape François, avec leurs effets sociaux, culturels, juridiques, sur les liens familiaux. Ces changements nous affectent tous, croyants comme non-croyants. Jusqu’à récemment, nous avons vécu dans un contexte social où les similitudes entre l’institution civile du mariage et le sacrement chrétien étaient considérables et partagées. Les deux étaient en corrélation et se soutenaient mutuellement. Ce n’est plus le cas… Le monde, de nos jours, demande une conversion de notre part (Pape François, Discours aux évêques participant à la rencontre mondiale des familles, Philadelphie, 27 septembre 2015).

Se convertir ne signifie pas renier l’enseignement de Jésus sur le mariage et la famille, mais, au lieu de déplorer et de rejeter la situation actuelle, nous sommes appelés à rechercher, à accompagner les personnes vivant dans ces conditions nouvelles, et aussi à relever, à soigner les blessures de notre temps. Bref, à regarder les choses de manière réaliste, avec les yeux de quelqu’un qui se sent appelé à l’action (Pape François, ibidem).

Chez nous aujourd’hui, comme dans les pays de culture non occidentale, la conception de la famille et du mariage doit être évangélisée, encore et toujours. Ce que nous connaissons maintenant, les missionnaires chrétiens l’ont connu et le connaissent lorsqu’il leur faut annoncer l’Évangile dans des cultures où le mariage et la famille sont régis et vécus selon d’autres principes.

Ce fait nous apprend deux choses.

D’abord, que l’Évangile ne va pas de soi et qu’il implique un choix de vie « à cause de Jésus ».

Ensuite, qu’il existe, à travers le monde, différentes formes de familles selon les cultures et les types de sociétés. Diversité de modèles qui sont désormais présents dans notre propre environnement.

Le christianisme a provoqué et provoque encore un heurt avec nombre de ces pratiques et cultures en annonçant le mariage monogame et indissoluble. Cela signifie que la conception  chrétienne n’est pas naturelle, spontanément partagée, mais découle de la foi en Jésus et son Évangile. Aujourd’hui, chez nous, le mariage et la famille chrétienne redeviennent ce qu’ils sont : une réponse à un appel de Dieu, une vocation qui suppose la foi au Christ et à son Évangile.

Jésus, dans l’évangile, évoque un des points les plus délicats dont traitera nécessairement le synode, celui de la fidélité matrimoniale. Face aux questions juridiques évoquées par ses interlocuteurs, Jésus met en lumière un idéal lié à la vision divine de l’humain, tel qu’il ressort du récit de la création. Jésus se situe ainsi aux commencements, c’est-à-dire, aux fondements de cette réalité qu’est le couple humain et du projet, qui est tout autant une promesse, de Dieu : Ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! (Mc 10, 2-12). Ces paroles de Jésus résonnent comme une annonce, celle d’un idéal, et non comme fixant une loi.

De même, ce qui est en jeu dans le synode, ce n’est pas tant la définition de nouvelles normes et procédures relatives au mariage ou à la sexualité, mais bien le visage de Dieu, du Dieu des chrétiens, du Dieu de Jésus-Christ qui se révèle miséricordieux et compatissant, qui se fait proche des pécheurs et pardonne sans se lasser.

Dans la fidélité des époux à leur alliance est signifiée la fidélité de Dieu envers son peuple. Mais sans oublier que, nous ne sommes jamais capables de manifester pleinement la fidélité de Dieu, lequel reste toujours fidèle même si son peuple est toujours infidèle (Enzo Bianchi, Fidélité et miséricorde, in Études, octobre 2015, p. 57-67). C’est que la famille est une réalité où, nécessairement, coexistent la grandeur et la misère, l’amour et sa contradiction, la fidélité et l’incapacité à la vivre, la naissance, la vie, la décadence et la mort (Bianchi, ibidem).

Autant la mission de l’Église est d’annoncer avec clarté la beauté et la grandeur du mariage chrétien, autant elle doit refléter le visage de miséricorde de Dieu dans ses actes, à l’égard de tous ceux et celles qui connaissent difficultés, échecs et séparation. Ces personnes, l’Église veut aujourd’hui qu’elles trouvent accueil chez elle, qu’elles ne soient pas jugées mais qu’elles bénéficient d’un regard de fraternité et de miséricorde dans leurs vicissitudes, car tous, nous sommes pécheurs. Il nous faut apprendre de Jésus ce regard miséricordieux et humain, qui voit l’amour là où les hommes religieux ne voient souvent que le péché (Bianchi, ibidem). Derrière des situations réputées irrégulières ou pécheresses, qu’y a-t-il d’autre, le plus souvent, sinon la quête, le désir d’aimer et d’être aimé ?

L’Église, si elle est fidèle à l’Évangile, ne peut tout accepter. Elle doit oser dire : nous proposons un autre chemin, un meilleur chemin de vie. Pour autant, il ne peut s’agir d’imposer notre message, mais de rejoindre les personnes avec compassion et de les accompagner là où elles sont. Comme Jésus avec les disciples d’Emmaüs : alors même qu’ils marchaient dans la mauvaise direction, Jésus continuait de marcher avec eux (Mgr R. Barron, évêque auxiliaire de Los Angeles, à La Croix du 26/09/15).

Fidélité et miséricorde vont de pair, telle est la leçon donnée par ces deux événements liés par le calendrier de l’Église que sont le synode sur la famille et le jubilé de la miséricorde.

Abbé Marcel Villers

PèreMiséricordieux

Prière du pape François pour le Synode

Jésus, Marie et Joseph,
en vous nous contemplons
la splendeur de l’amour véritable,
à vous, nous nous adressons avec confiance.

Sainte Famille de Nazareth,
fais aussi de nos familles
des lieux de communion et des cénacles de prière,
des écoles authentiques de l’Évangile
et des petites Églises domestiques.

Sainte Famille de Nazareth,
que jamais plus dans les familles on ne fasse l’expérience
de la violence, de la fermeture et de la division :
que quiconque a été blessé ou scandalisé
connaisse rapidement consolation et guérison.

Sainte Famille de Nazareth,
que le prochain Synode des Évêques
puisse réveiller en tous la conscience
du caractère sacré et inviolable de la famille,
sa beauté dans le projet de Dieu.

Jésus, Marie et Joseph,
écoutez-nous, exaucez notre prière.

Nazareth

P.S. Merci à Jean-François Kieffer pour ses jolis dessins !

 

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