En ce temps d’absence de célébrations dominicales, nous vous offrons néanmoins une méditation-homélie sur les textes du dimanche des Rameaux. Au seuil de la Grande Semaine, Jésus entre dans la ville où il va connaître la trahison, l’arrestation, le procès, la torture et la mort. Mais c’est notre salut qui se jouait alors. Confions au Seigneur le sort de nos malades dans l’espérance de la résurrection promise.
Humilité et obéissance
Jésus fait son entrée glorieuse, sa « joyeuse entrée », à la manière du souverain qui prend possession de sa capitale lors de l’inauguration de son règne. C’est bien son règne que Jésus inaugure. Les foules ne s’y trompent pas : « Hosanna au Fils de David ! Béni soit au nom du Seigneur Celui qui vient » (Mt 21,9).
Mais de quel règne s’agit-il ?
Un signe est donné pour comprendre : Jésus entre dans la ville monté sur un âne. Un âne, l’animal des gens ordinaires. Et en plus, un âne emprunté pour l’occasion. Jésus n’arrive pas sur un char royal, ni à cheval comme les conquérants.
Comme le proclame Zacharie : « Sois sans crainte, fille de Sion, voici que ton roi vient, il est monté sur un petit d’ânesse. » Et le texte poursuit : « Dieu retranchera d’Ephraïm tous les chars de guerre et de Jérusalem les chevaux ; l’arc de guerre sera retranché. Il annoncera la paix à tous les peuples » (Za 9, 9-10).
Si Jésus entre à Jérusalem sur un âne, c’est pour signifier la nature de son règne et le moyen de le réaliser.
Son règne est un règne de paix pour tous les peuples. Paix, « shalôm » : réconciliation, salut, libération, santé, plénitude.
Pour tous les peuples. Jésus ouvre ainsi l’antique promesse à la dimension de l’univers. C’est la réconciliation des peuples, de l’humanité que vise la royauté de Jésus : la paix universelle.
Mais par quels moyens ?
« Il n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur » (Ph 2, 6-7).
Tout le contraire d’Adam, insatisfait de l’amitié de Dieu, qui voulait être un dieu, exister par soi. « Il dit non à Dieu et à son amitié. Dès le premier jour, Dieu échoue. Mais il retourne l’échec en trouvant une voie nouvelle pour rejoindre l’homme. » (Benoît XVI)
« Devenu semblable aux hommes, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et sur une croix » (Ph 2, 7-8). C’est ainsi que le Christ a vaincu l’orgueil d’Adam, par l’humilité et l’obéissance.
Humilité qui ramène l’homme à sa réalité originelle, le « glébeux », né de la terre, issu de l’humus. Ce n’est pas écrasement ni négation de soi, l’humilité est un acte de lucidité : reconnaître que je ne suis pas ma propre origine.
Obéissance, non pas soumission et renoncement à soi, mais écouter et répondre à l’appel de l’autre comme répondre de soi et de ses actes devant un Autre.
Humilité et obéissance : actes d’acquiescement à soi, à notre propre condition humaine.
Le règne de Dieu inauguré par Jésus, cette entrée à Jérusalem, se révèle chemin de désillusion : celle de nous être crus des dieux. C’est en se manifestant homme, et homme avec insistance, que Jésus accomplit notre salut.
Abbé Marcel Villers